Les yeux fixés sur le mur de sa cuisine, Frank touille son café. Le sucre s’est dissous depuis longtemps, mais la petite cuillère continue à tourner en rond dans le café noir. Frank ne sait qu’une chose : nous sommes le 30 juillet, dernier jour avant les vacances. Frank déteste les vacances. C’est pire : elles l’angoissent. Il tente de se convaincre qu’il s’agit d’une journée ordinaire. Allez Frank, reprends-toi ! Il boit son café d’une traite, il est froid, et part à son premier rendez-vous. Frank est agent commercial dans une société qui fabrique et commercialise des fontaines d’eau. Il préfère dire qu’il est vendeur, le meilleur de la firme, chiffres à l’appui. Vendre tient de la magie. Personne ne sait pourquoi une vente se fait. Les mécanismes d’une bonne vente sont inconnus. Il n’a qu’une seule certitude : la magie de la vente disparaît quand on arrête de vendre. Il le sait. Il l’a vécu. Il s’inquiète. Au printemps dernier, ses résultats étaient si bons qu’il avait pris deux jours de congé. Deux jours de détente dans un hôtel au bord de la mer. Une erreur. A son retour, la magie de la vente l’avait quitté. On ne devrait jamais se détendre. A son retour, Frank ne parvint plus à ensorceler ses victimes. Son argumentation tombait à plat. Et quand il parvenait enfin à hypnotiser le client, il gaffait. Un mot de trop dans la fragile formule magique et son interlocuteur reprenait ses esprits en disant : « Votre produit est intéressant, mais je vais réfléchir ! » Réfléchir c’est l’horreur ! La réflexion est l’ennemi du vendeur comme du magicien. Les bons de commande de Frank restaient vierges. Trois semaines sans rien vendre, il commença à paniquer. Avril fut désastreux. Au bureau, il évitait son patron. Devant ses collègues, il simulait des conversations avec des clients au téléphone et puis, il éloignait le combiné de sa bouche pour murmurer : « Il mord à l’hameçon, je le tiens ! ». L’angoisse de ne rien vendre lui donnait de douloureuses crampes à l’estomac. La nuit, il rêvait que son patron le congédiait et qu’il errait en ville sans un sou. Des huissiers noirs volaient au-dessus de sa tête pour s’emparer de sa mallette, de ses bons de commande, de ses costumes et de sa grosse voiture de fonction. Un soir de mai qu’il déprimait dans un bar, Frank rencontra un vague copain, un vendeur de voiture. Au premier coup d’œil, Frank et Jérôme comprirent que les affaires roulaient pour l’un et pas pour l’autre. - Ca va pas fort, hein, Frank, remarqua le vendeur de voiture. Frank lui expliqua que la magie de la vente l’avait quitté. L’autre se fendit d’un sourire méprisant: « C’est bizarre ! Ca ne m’est jamais arrivé ! ». - Tu as peut-être trouvé la formule magique, répondit Frank. - La seule formule qui fonctionne, déclara Jérôme, se résume en trois mots : BOUFFER L’AUTRE. Frank déposa son verre. Mais oui, c’est évident ! Il avait oublié le principe premier de la vente : la cruauté. Jérôme continuait sa démonstration: "Bouffer l’autre dans le cadre du boulot mais aussi en dehors. La vente est une philosophie de vie. Il faut se comporter en permanence en prédateur. En requin ! Ne jamais desserrer l’étreinte ! Jamais!" Frank opinait sans rien dire. Jérôme vida son verre et appela la serveuse. - Mon ami Frank va payer nos verres et mon ardoise. Devant l’air étonné de Frank, Jérôme ajouta : « Tu me dois bien ça ! Pour la leçon ! » - Heu … Evidemment ! La note était salée. Frank paya sans sourciller une somme exorbitante, le crédit de plusieurs semaines mais estima que la leçon en valait la peine. Frank suivit les conseils de Jérôme et la fréquence de ses crises d’angoisse diminua. Les ventes remontèrent lentement. Il ressentit à nouveau ce bonheur intense, la sensation de pouvoir absolu au moment précis où son interlocuteur signait le bon de commande. Mai fut meilleur, juin excellent. Frank vit arriver les vacances avec anxiété : Et s’il perdait à nouveau la magie de la vente ? Au bureau régnait la joyeuse animation qui précède les départs en vacances. Quand Frank croisa son patron, il lui parla de ses bons de commande. : « Excellent Frank, vous êtes notre meilleur élément, répondit le patron, la tête déjà à la Côte d’azur. Et, plus tard, devant le personnel de la boîte, il ajouta : « Cette année, vous êtes celui qui mérite le plus de prendre des vacances ! ». Cette remarque ne procura aucun plaisir à Frank. Toute la matinée, il encoda ses commandes et donna des coups de téléphone afin d’organiser les rendez-vous de la rentrée. Au bureau, tout le monde avait filé. Finalement, le concierge, qui partait aussi en vacances, supplia Frank de quitter la firme. Il devait fermer l’immeuble pour la quinzaine. Sa femme et ses gosses l’attendaient. Frank rentra chez lui. La nuit avant les vacances, il ne réussit pas à fermer l’œil. Le matin, l’angoisse était à son comble. Il envisagea même, un instant, d’aller visiter des clients, mais il y renonça. La plupart des responsables étaient absents et les entreprises fermées. Finalement, il prit une décision : il partirait lui aussi en vacances. - Pourquoi les autres et pas moi ? C’est une bonne manière d’évacuer mon stress ! Il fit sa valise, monta dans sa voiture et prit la direction du Sud. Après trois heures de route, il s’arrêta pour faire le plein. Un auto-stoppeur l’aborda. Ils allaient dans la même direction et Frank accepta la compagnie du jeune homme. L’auto-stoppeur parlait sans arrêt. De tout, de rien, de ses projets. Frank avait l’impression de n’avoir rien à dire. C’est vrai qu’il n’avait rien à dire. En dehors de son métier, rien ne l’intéresse. Il fallait réagir et vite. L’angoisse le prenait déjà à la gorge. Il se mit en tête de persuader l’auto-stoppeur de payer son voyage. Pourquoi ne participerait-il pas aux frais d’essence ? L’autostoppeur refusa tout net : « Ce n’est pas la coutume ! ». Frank se redressa alors sur son siège et mit sa brillante machine de vendeur en marche. Plus Frank développait son argumentation, plus le jeune homme perdait pied. Au moment où Frank arrêta la voiture pour débarquer le jeune homme, celui-ci, de mauvaise humeur, paya exactement la somme proposée par Frank. Il était aux anges. Cet argent avait été royalement gagné. De plus, Frank avait roulé l’auto-stoppeur de dix pour cent environ sur la consommation réelle d’une voiture de fonction dont il ne payait même pas l’essence. Quelle satisfaction ! Ses sensations étaient identiques à celles qu’il ressentait devant un bon de commande dûment rempli et signé. Frank s’installa dans une petite station balnéaire. Il négocia longuement le prix de la chambre avec l’hôtelière qui finit par lui accorder une ristourne. Les premiers jours, Frank se sentit apaisé. Il se comporta en simple touriste et fit la connaissance de Betty, une jeune femme seule, qui logeait dans le même hôtel. Betty le dragua ouvertement. Elle était blonde, blanche, grasse et appétissante. Elle plongeait ses grands yeux bleus dans ceux de Frank et riait délicieusement. Frank se laissa prendre au jeu. Après tout, il était célibataire ! Pourquoi ne connaîtrait-il pas lui aussi la joie des amours de vacances ? Ils se promenèrent sur la plage. Betty riait à toutes les phrases de Frank. Il se dit qu’un type normal emmènerait Betty dans sa chambre. Ils restèrent silencieux quelques minutes après avoir fait l’amour. Frank aurait voulu briser le silence et son malaise grandissant par une phrase banale, mais il ne trouvait rien à dire et Betty ne riait plus. La jeune femme prononça quelques mots sur la difficulté de l’existence en général et celle des jolies blondes grasses en particulier. Sa bonne humeur s’en était allée avec le désir. Frank se sentait à mal à l’aise. Il commençait à souffrir de crampes. Il ressentait très précisément qu’il n’existait pas quand il ne vendait pas Pris de panique, il se leva d’un bond et arpenta la chambre. Ses yeux tombèrent sur les prix affichés par l’hôtel. Il se rendit compte qu’il avait obtenu une réduction très importante en négociant avec l’hôtelière. Son corps se redressa un peu et une terrible envie de vendre l’envahit. Il lutta quelques secondes contre la pitié que lui inspirait la jeune femme et puis, il lança son attaque : « Betty, tu bois de l’eau minérale ? ». - Oui, évidemment. Il lui vanta la qualité de son eau, rappela le prix élevé des bouteilles plastiques et leur poids. Il se sentait fort et sûr de lui. Il se dit qu’il n’avait jamais été aussi bon. Chaque mot était judicieusement choisi, les silences calculés et surtout, il donnait l’impression à la jeune femme que cette vente ne l’intéressait absolument pas. Seuls, le confort et la soif de Betty avaient de la valeur à ses yeux. Par un heureux hasard, dans sa valise, il avait, pensait-il (il en avait la certitude), un ou deux bons de commande pour des fontaines d’eau de cinquante litres. Elle se défendit encore : « Cinquante litres ? Ce n’est pas trop pour une femme seule ? ». - Le pouvoir amaigrissant de l’eau de source est prouvé scientifiquement. Il avait frappé juste. La jeune femme était tourmentée par son poids.
Elle était prête pour le coup de grâce.
- Les gobelets en plastique sont offerts à l’achat de cent litres d’eau ! Il lui tendit son stylo. Betty, assise, nue, devant la petite table de l’hôtel, signa là, là, et encore ici. Elle se dit que le plaisir de Frank était plus grand au moment de la signature que celui qu’il avait éprouvé un peu plus tôt dans ses bras et puis, elle chassa cette idée ridicule. Frank vendit encore six fontaines pendant ses vacances. Il ensorcela deux couples de retraités, une famille, une autre femme seule, et l’hôtelière. Il gérait bien son stress. Dès les premières atteintes du mal, il trouvait une victime susceptible de satisfaire son besoin de vendre. Sur la route du retour, Frank planait au-dessus des hommes. Ses vacances avaient été un succès. Il avait jugulé ses angoisses et se sentait capable de vendre n’importe quoi à n’importe qui. La radio déversait des nouvelles économiques et Frank sentait combien il était un rouage du monde. Aujourd’hui, Frank reprend le travail. A 8h 30, il se rend chez son premier client quand une mauvaise pensée lui traverse l’esprit : « Et si, malgré tous mes efforts, j’avais perdu la magie de la vente pendant les vacances ? ». Le feu vire au rouge. La voiture s’arrête. Il fait déjà chaud. La vitre de la voiture est baissée. Chacun est à l’abri dans son véhicule. Personne à qui vendre quoi que ce soit. Un garçon de huit ans s’est planté devant la voiture. Colombien ? Syrien ? Gitan ? Sans prononcer un mot, le gosse lui montre une éponge. Il désire visiblement nettoyer le pare-brise en échange d’un peu d’argent. Frank qui lutte contre un début d’angoisse n’a pas la force de dire non. D’un mouvement de la tête, il marque son accord et le gamin se met au travail. Il passe rapidement une éponge sur la vitre et racle l’eau. - C’est mal fait, se dit Frank. L’enfant se présente à lui la main tendue. Pendant une seconde, Frank se demande s’il ne pourrait pas le rouler. Démarrer, argumenter, jouer celui qui n’a pas de fric en poche. Son angoisse s’évanouirait et tout serait réglé. Mais c’est un gosse. Frank veut lui donner une pièce. Zut ! Pas de monnaie. Le feu vient de passer au vert. Il sort maladroitement son portefeuille de sa veste et prend un billet. -Non, c’est trop ! se dit-il. Il veut le replacer dans son portefeuille, mais le gamin décide que ce billet lui convient. Il le prend dans la main de Frank et s’éclipse. Frank est effaré. - Quel culot ! Le feu est rouge. Frank retire précipitamment sa ceinture et sort de son véhicule. Il veut poursuivre le gosse mais il est déjà loin.
- Le salaud ! Le feu est vert. Autour de lui, les voitures klaxonnent. Des types lui montrent le poing et l’insultent. Des hommes en cravate avec des mallettes bourrées de bons de commande. Frank, en sueur, sent qu’il est passé de l’autre côté de la barrière. Trop fragile pour ce monde, il est exclu.
Quoi de plus énergisant pour un auteur que d’acquérir un nouvel ordinateur ? Bon, je l’avoue, il est loin d’être neuf. C’est un ordinateur portable d’occasion mais il s’agit d’une machine superpuissante que je n’ai pas pu m’acheter quand elle est sortie faute de liquidité mais que je peux m’offrir, aujourd’hui, pour quelques centaines d’euros parce que sa technologie et son design sont largement dépassés et parce qu’il a déjà été utilisé par un précédent propriétaire. Qu’importe ! Il est très enthousiasmant d’acheter un nouvel ordinateur même d’occasion. D’abord parce que j’ai vraiment eu l’impression, en sortant de la boutique, de porter mon œuvre future et tellement talentueuse sous le bras. Et puis, un nouvel outil crée l’émulation et l’envie comme, quand gamin, je recevais un nouveau stylo à la rentrée des classes. Cet ordinateur a déclenché une nouvelle et puissante envie d’écrire. Des phrases se bousculent dans ma tête comme des clients dans un magasin le premier jour des soldes. En pensée, je possède déjà le premier chapitre que, modestement, je trouve très réussi. J’ai l’impression que cet ordinateur va enfin me sortir de l’impasse dans laquelle je perds mon temps depuis plusieurs années déjà. A la maison, j’ai voulu me mettre immédiatement au travail. Le vendeur m’avait bien précisé que l’ordinateur était équipé d’un excellent logiciel de traitement de texte et sur ce point-là, il ne m’avait pas menti. J’ai pu facilement créer un nouveau dossier et à l’écran, s’est affichée une magnifique page blanche et lumineuse. Je pouvais me mettre au travail, j’étais prêt. Je le croyais. C’est alors que je me suis rendu compte que certaines lettres sur les touches du clavier étaient presque complètement effacées. L’ancien utilisateur avait dû les utiliser beaucoup plus que les autres. L’impact régulier des doigts avait presque eu raison de ces signes. Pourquoi ces lettres-là en particulier ? Pendant quelques minutes, je suis resté devant l’écran sans rien entreprendre. Toutes les pages que je comptais écrire s’étaient envolées mystérieusement. Bizarrement, mon enthousiasme m’avait quitté. Ces touches effacées me perturbaient. Qu’avait écrit l’ancien propriétaire de l’ordinateur ? Je pensais à son texte et plus du tout au mien. Quelque chose d’important avait été écrit sur ce clavier mais quoi ? Les phrases magnifiques que je me répétais comme on suce un bonbon, s’étaient effacées de mon cerveau. Je ne voyais plus du tout comment débuter mon œuvre. J’ai bien tenté de rassembler mes idées, mais la page restait blanche à l’écran. Qu’avait-il écrit si régulièrement que ses doigts avaient effacés les lettres ? Ma concentration s’était évanouie comme les lettres sur ces touches dégradées. L’obsession avec laquelle l’ancien propriétaire de cet ordinateur avait utilisé certaines lettres me perturbait. Qu’avait-il écrit de si fondamental ? Le N, le A, le I et le E avaient complètement disparu. Rien d’anormal. Ces lettres sont beaucoup utilisées en français. J’ai remarqué le même phénomène pour les signes T, S, E, O et U. En y regardant de plus près, je me suis rendu compte que le N et le V étaient aussi en passe de disparaître. L’ancien propriétaire avait probablement tapé les mêmes mots et seulement ces mots-là pendant des années d’autant que les autres signes paraissaient flambants neufs pour un clavier d’occasion. Qu’avait-il écrit et répété cet obsédé ? J’ai tenté de reconstituer ce qui avait été écrit avec tant de régularité en rassemblant les lettres effacées. Un véritable anagramme. NTSIEUOVA Du slovaque ? Du moldave ? une langue extra-terrestre ? VATNSIEUO Le langage crypté de la C.I.A ? NTIESAVUO Aucun résultat. J’ai eu l’idée de doubler certaines lettres. Le T par exemple qui était presque invisible. ANUOTTVIES Incompréhensible. NIOTTAVSEU Rien. C’est ma fille, fan de scrabble, qui a, finalement, découvert ce que je ne voulais pas voir. TOUT EST VAIN
- Pas du tout, il est dégueulasse et plein de sulfites.
Elle lui a mis l’étiquette de la bouteille sous les yeux et du doigt, elle a souligné deux fois « …contient des sulfites… » Il reconnait volontiers que sa balle était molle. Entamer un échange sur le vin dans un restaurant, rien que de très commun mais bon, elle aurait pu enchaîner sur les les écrits de Jean -Claude Pirotte, Rabelais et pourquoi pas Omar Khayyam et de là sur les interdictions religieuses. Mais non, elle a préféré lui renvoyer une balle impossible à remettre, une balle impossible à jouer. Depuis quelques temps, il trouvait que les conversations avec elle ressemblait de plus en plus à un match de tennis contre Djokovic. Il était incapable de renvoyer ses balles parce qu’elles étaient trop puissantes et trop rapides. En un mot, elles étaient terminales. Coup droit ou revers le laissaient à plusieurs mètres de la balle. Ils ne jouaient plus vraiment ensemble car il était un joueur de tennis médiocre alors qu’elle faisait partie du top. Ses balles flirtaient plus souvent avec les lignes qu’avec lui. - Tu vois, on va passer là, là et là. C’est direct, dit-elle, la carte étalée sur la table. De son côté, il trouvait que l’itinéraire proposé était un détour et le lui dit. - Tu te trompes encore. D’ailleurs, tu n’as jamais été capable de lire une carte ! A nouveau, il ne renvoya rien. Parfois, ses balles étaient limites. Dehors ou dedans ? Impossible de l’affirmer. Ils avaient bien consulté un psychothérapeute de couple, une espèce d’arbitre de chaise qui condescendait parfois à descendre sur le terrain mais qui ne trouvait jamais aucune trace de balles sur la terre battue et qui donnait systématiquement le point à Djokovic. N’est-il pas numéro un mondial ? Malgré le score largement en sa défaveur, il continuait à jouer parce qu’il aimait le jeu. Courir, espérer, sentir battre son cœur et même rater : C’est la vie ! Les coups ratés sont parfois les plus beaux. De temps en temps, il réussissait un coup correct qui le remplissait de fierté même si, au final, le point était encore perdu. Rien à faire quand on joue contre Djokovic. Pendant un match où le score était particulièrement sévère et les échanges impossibles, il abandonna la partie. Il suivit sa carrière de loin. On ne joue pas au tennis pendant vingt ans sans tisser des liens très intimes avec l’adversaire. Elle gagna encore des matches ? Certainement. Par abandon ? Le plus souvent. Et des tournois ? Evidemment. Les tournois du grand Chelem et les autres. Longtemps, elle est restée numéro 1 mondial.
Nos ancêtres ont utilisé la religion comme instrument « d’exportation de la civilisation ».
Ce fut le cas pour la conquête de Jérusalem en 1099 par Godefroid de Bouillon et Pierre L’ermite. Ce fut le cas du projet colonial dès la conquête de l’Amérique latine par Christophe Colomb - au nom de l’universalisme catholique - et en Afrique, au nom de la civilisation chrétienne.
Les peuples colonisés ont puisé dans leurs racines culturelles et cultuelles les ressources nécessaires pour s’opposer à l’envahisseur/prédateur/esclavagiste. Ce dernier, pour justifier ses conquêtes, revendiquait la mission divine, civilisatrice universaliste.
Parmi ces rebelles, citons, entre autres :
Les Indiens Mapuche au Chili
Les Kibanguistes au Congo
Les moines bouddhistes s’immolant par le feu au Vietnam pour dénoncer l’impérialisme guerrier durant les années 60-70.
Le peuple tunisien face à la prédation d’une dictature soutenue par le système économique néolibéral.
Avez-vous lu Franz Fanon ?
Peut-on supposer que, parmi ceux qui se ressentent comme les « damnés de la terre » et qui ont commis ces crimes odieux au Bataclan à Paris et en d’autres lieux du monde, certains considèrent, quelque part dans leur subconscient, qu’il s’agit d’un juste retour des choses ?
Quand nous sommes allés chez eux, c’est pour les dominer, les exploiter, les convertir. C’était cela le colonialisme.
Quand ils viennent chez nous, c’est pour travailler là où nous ne voulons plus travailler. C’était vrai pour les Marocains dans les charbonnages du Limbourg et les Marocaines dans nos bureaux à Bruxelles.
En outre, à propos de l’Islam, ne nous trompons pas. Cela fait plus d’un millénaire que l’Occident chrétien lui en veut d’exister et d’avoir choisi Jérusalem pour deuxième lieu saint.
J’entends dire ici et là en France et en Belgique que la communauté issue de l’immigration maghrébine serait aujourd’hui honteuse… Je demande à entendre et à comprendre, car je rencontre nombre de jeunes issus de l’immigration qui participent à un effort permanent pour s’émanciper de l’aliénation culturelle et cultuelle produite et reproduite (réactualisée) par le colonialisme.
L’écrasante majorité d’entre eux le font en adoptant les éléments nécessaires à l’élaboration d’une société modernes. Ces éléments sont d’ordre pacifique et national. Ils intègrent les aspects universels, notamment les valeurs de droits humains issues de 1789. Dans le même temps, ils entendent combattre l’exploitation dont ils se sentent victimes et puisent dans leur bagage culturel et cultuel les raisons de leur propre dignité, tant individuelle que collective.
Quand j’entends, lis ou vois le nombre de laïques athées ou agnostiques s’émouvoir et dire leur admiration envers le bon pape François, je me rends compte qu’en Occident aussi les ramifications culturelles et cultuelles sont parfois enchevêtrées et, aujourd’hui encore, largement utilisées. La belle image de François opposable à la barbarie sanglante de Daesh…
A propos de barbarie…
Les guerres de l’OTAN : Bosnie, Kosovo, Afghanistan, Irak, Libye, Syrie ont toutes pour motivation annoncée la défense du « monde libre ». Dans les faits, dès la chute du Mur et le démantèlement du Pacte de Varsovie en 1990, l’Otan va se découvrir une nouvelle mission en prétendant défendre les intérêts de la « Communauté internationale ». Une fois encore, l’OTAN, qui représente environ 10 % de la population mondiale, s’arroge le droit de la défense mondiale de la liberté, de la démocratie et de l’économie de marché.
En 25 ans, les guerres de l’OTAN ont causé des millions de victimes parmi les populations civiles et ce, quasi exclusivement dans les régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, c’est-à-dire dans le monde musulman.
Durant ces guerres très actuelles, ce sont les mêmes services de l’OTAN qui ont discipliné les services d’information et les mass médias en vue de nous fournir leur version des événements.
Si nous voulons contribuer à rétablir ce qui grandit l’humanité dans sa recherche de progrès vers plus de liberté, d’égalité, de fraternité entre les individus et les collectivités, nous devrons sortir de la vision unilatérale qui nous est imposée, celle du concept de « civilisation occidentale », de sa défense et de la lutte contre les terroristes ; à savoir tous ceux qui contestent notre hégémonie basée sur la force.
Toutes les guerres menées aujourd’hui par - ou avec - l’OTAN bafouent, violent l’ensemble des valeurs que nous prétendons défendre. Celles de la démocratie et de l’Etat de droit.
Bien que nous le sachions pertinemment, nous oublions, presque à chaque instant, que nous avons 5 sens, des sens dont nous avons l'habitude de nous servir pour appréhender le milieu dans lequel nous vivons. Ces sens, quoiqu'il soient sollicités à tous instants, sont malgré tout très limités...Pour pallier ces manques de précisions, l’hominidé a inventé des appareils en tous genres au cours des siècles, qui vont lui permettre d'approfondir et de multiplier leurs perceptions, d'analyser au plus près ce même environnement qui l'entoure et qui le conditionne. Ces appareils mesurent, pèsent, analysent et observent, bien mieux que lui, les divers éléments qui constituent son entourage. Il y a aussi, et nous aurions tort de l'ignorer ou de minimiser son importance, l'apport des mathématiques, système qui peut prouver souvent la véracité de certaines intuitions qui elles, vont de pair avec La ou les connaissances...
D'ailleurs, au niveau de la Connaissance, c'est la même démarche : dès que l'humain a pu nommer les choses, dès qu'il pût raisonner sur leurs utilités et comprendre leurs fonctions, il a chercher à affiner ses recherches ; par l'expérience, alors qu'il doutait (et qu'il doute toujours), il a finalement acquis des certitudes et a augmenté son savoir, il en a fait état, et rédigé des livres sur cette Connaissance ; de la sorte, il a découvert des millions de choses diverses à différents niveaux jusqu'à ce que les machines, qu'il a inventées et conçues, en viennent à aller plus vite que son cerveau et ainsi, ont pu lui fournir les réponses qu'il a toujours cherchées et qu'il continuera à chercher encore et toujours.
L'Homme n'a pas de limites, il ne croit à rien d'autres de ce que ses sens lui ont fait découvrir. Il ignore donc sciemment tout autre système d'analyse qui ne viendrait pas de lui, ce qui fait dire par le philosophe Protagoras : l'homme est à la mesure de toute chose...(« théorie de la connaissance selon laquelle le savoir de l’homme ne peut se constituer que là où il y a pour l’homme quelque chose à percevoir »).
En conséquence, et a contrario, serait-il tellement invraisemblable de penser qu'il existerait « quelque chose » dont l'Hominidé serait incapable d'imaginer et de percevoir ?
Cependant, avec sa candeur d’homoncule, l'Homme face à ce qu'il ne comprend pas, est pourtant capable d'imaginer qu'un être suprême l'a conçu mais qu'il n'est pas capable de l'appréhender, c'est au-dessus de ses pouvoirs de perception...et ainsi, il reconnaît son impuissance, par manque d'outil adéquat, pour analyser cet « être »... si cela en est bien un !...et il conclut, puisque cet « être » est quelque chose de bien supérieur à lui-même, qu'il ne peut s'agir que d'un dieu omnipotent, qu'il lui est redevable puisque ce dieu l'a créé, pense-t-il, qui peut tout, qui sait tout et qui n'a de compte à rendre à personne ! Ce Dieu (auquel il a jugé indispensable, par respect, d'y mettre une majuscule) sait tout sur lui et sur le monde puisque qu'Il a tout créé...un Dieu qui se place très justement au-dessus de la mêlée, à qui on ne demande pas de se justifier, un Dieu inanalysable! C'est que les hominidés n'ont pas de système analytique inné, et qu'ils sont bien obligé de reconnaître qu'ils n'ont pas forcément la faculté précise pour en créer un : ce sens très particulier offert par son créateur pour l'analyser ! Le «qu'est-ce que Dieu ?» n'a pas de réponse, parce que Dieu n'en a pas besoin.....
Mais...(heureusement il y a un mais)...l'homme vient d'admettre que ce Dieu ne peut pas être en dehors de sa création, et qu'en plus, lui, sa créature, reconnaît qu'il n'a pas obtenu, dans sa conception, la faculté d'apporter les preuves de Son existence afin de pouvoir dire qu'Il existe !!! Reconnaissons-le : il (c'est à dire nous) ne peut croire en Lui qu'en ayant la Foi, ce qui est paradoxal pour un homoncule dont le but ultime (à part se reproduire) est de tâcher de comprendre ce qu'il vient faire ici-bas parmi un environnement dont il dépend !
Dès lors qu'il serait débarrassé de cette contrainte de « croire sans preuve » en un Dieu omnipotent et définitivement nombrilique, l'être humain peut (et veut) continuer à penser qu'existerait peut-être un autre univers, un monde parallèle, où apparaîtrait/existerait une ou des entités qui pourraient interférer de temps à autres, dans la continuité (hic et nunc) du monde dans lequel il vit !
Penser que ça existerait (peut-être) est une chose, mais y croire en est une autre, car ce serait retomber dans le système de la foi sans preuve, avec tous ses inconvénients, ses malentendus, ses perfidies, ses exactions diverses, ses décisions arbitraires, ses dogmes aberrants, sans oublier la prise de pouvoir inévitable par celui ou celle qui aurait été « Le » (ou la) privilégié(e), le porte-parole, l'intermédiaire de Celui à qui (mais qui?) on aurait communiqué les vérités dites essentielles et sans doute, les plus invraisemblables auxquelles on croit...
Bien heureusement encore, le doute existe toujours et n'a jamais été interdit ; il est toléré, mais pas trop, vu qu'il soit très mal vu par les intrigants qui ont quelque chose à gagner puisqu'ils se rangent du coté où il y a quelque chose à gagner !!! Souvenons-nous de la vie éternelle, qui ne vient qu'après la mort, dont on ne revient pas pour dire que « si-si-si c'est vrai, j'en reviens et j'y retourne, c'est tellement mieux là-bas qu’ici... donc qu'ici-bas ! » ...
Il faudrait absolument l'admettre (pourquoi ne pas l'admettre?) : le ou les mondes parallèles existent, et d'ailleurs les savants fous ou normaux (la folie est peut-être la norme...), l'admettent aussi et pensent qu'il existe des mondes que nous ne percevons pas, alors qu'ils nous influencent parfois, du moins le croit-on ! Pourquoi ne pas y croire alors qu'au su et au vu de certaines aberrations terrestres qui ne sont explicables que par la présence de ce ou ces mondes parallèles...
Donc ces mondes « doivent » exister !
Donc il y aurait des interférences, des intrusions de l'un d'un autre monde chez et au travers d'un encore autre monde, le nôtre par exemple.....on pourrait établir une liste exhaustive de ces manifestations de l'« au-delà » : les voix que certain(e)s entendent, avec ou sans poltergeists, ceux qui sont photographiés à certains endroits, à certains moments, tout comme ces apparitions que certains voient et d'autres pas, et aussi les possessions liées à l'hystérie par des « démons » qui veulent obliger et diriger les personnes « possédées », sans oublier les multiples et délirantes apparitions d'Ouftis et crott'circle de toutes sortes et de toutes formes, (nommées aussi Pan par les français), avec les intrusions des hommes-noirs menaçants, sans compter les tables tournantes et les esprits frappeurs de tous styles!!!!!
Acceptant tout ceci, on à la permission de se demander à quoi riment ces intrusions dans notre monde qui est notre réalité ! À quoi ça sert ? Quel est le but ou plutôt : qui sont-ils et quels sont leurs buts.....et aussi : est-ce que cela représente un danger pour la survie de l'être humain...mais, folle espérance, peut-être veulent-ils nous rendre éternel ?
Lors d'un de mes rêves à moitié éveillé, un concept s'est imposé dans mon esprit : « Nous sommes fondamentalement différents » me signifiait « une voix »...
Alors que je me posais des questions sur notre réalité et l'impossibilité de percevoir quelque chose d'autre que ce que nous faisaient découvrir nos 5 sens, cette hypothétique possibilité d'un « ailleurs » ne pouvait qu'avancer des arguments pour confirmer ce que je pressentais, c'est à dire l'existence d'un monde différent du nôtre qui agirait, interférerait dans notre réalité sans pourtant vraiment le vouloir tout en le voulant quand même... comme si ces interférences ne dépendaient que de nous, comme si nous étions responsables des apparitions mystérieuses de faits et de choses improbables, voix sépulcrales, apparitions et disparitions soudaine et instantanées!....
Et mes doutes commençaient à mettre en évidence certaines probabilités, peu ou pas vérifiables, mais tellement séduisantes dans leur acceptation rassurante, tellement possibles dans la mesure où le doute allant dans le sens rassurant ou dans un autre, (moins rassurant), nous ferait accepter une autre réalité n'ayant aucun rapport avec la nôtre, à part la contiguïté affirmative de certaines de ces vibrations qui prétendent être « le reflet », « l'odeur, la « présence » ou son ombre, de quelqu'un que nous aurions peut-être connu et aimé !!!
Être persuadé de l'existence d'un ou de mondes parallèles auxquelles nous n'avons pas accès, essayer de trouver des explications et des « preuves » sur ces événements que certains d'entre nous citent et que relatent d'autres informations, venant d'autres milieux, des infos qui nous parviennent par bribes, malgré des mises en garde et la prudence de ceux qui les transmettent, ne font qu'accentuer le déséquilibre entre le cartésianisme qui nous empêche d'être sûr de nous et de rêver à une autre réalité qu'on peut à peine imaginer tant elle va à l'encontre de « la (bonne) santé mentale » !!!
En analysant de plus près les affirmations des voyants qui prétendent recevoir des messages de l'au-delà pour on ne sait quelles obscures raisons, on ne peut qu'accepter et déduire que ces messages venus d'ailleurs, font partie de ces mondes « d'à coté », et que ces communications sont émises par des entités bienveillantes (ou non)...Cependant, comment les décrypte-t-on, ces messages ? Par quel langage commun, avec quel système de traduction?... Cependant, puisqu'elles n'apparaissent pas à nos yeux et qu'elles sont seulement perçues par notre cerveau, on peut aussi affirmer que ces entités «sont vivantes » comme nous, mais d'une autre façon sans doute, inconnue pour nous ! Et aussi qu'elles ont le pouvoir de s'introduire dans nos cerveaux (toujours pour on ne sait quelles obscures raisons)(peut-être pour nous prouver leur existence ?) ... On pourrait aussi aller plus loin et affirmer que ces voix et leurs prédictions à court ou à long terme, que ces présences sont omniprésentes jusqu'à influencer notre vie quotidienne et peuvent même décider de notre avenir .....aaah! l'Avenir!
L'avenir est proche ou lointain, c'est selon ce que l'hominidé a de la notion du temps (le temps qui passe, soi-disant!)
Mais voilà, le temps ne passe pas : il est immobile, il n'existe que hic et nunc, ici et maintenant. Et voilà que nous avons inventé l'avenir et pensé que le passé existait encore bien après que le présent soit terminé. Notre imagination et nos rêves les plus fous ont fait le reste : on repense avec regret aux bons moments passés sous la couette, ces moments qu'on voudrait revivre et on a même imaginé un appareil qui fixait le moment présent...oui, d'accord, peut-être pas sous la couette...
On les imprime ces souvenirs et on les met dans des albums ou sur cloud-internet et on se les repasse non-stop pendant qu'on peut encore les regarder sans attraper maux de tête ou du flou dans la vision !
Le paradoxe pendant notre court passage dans la réalité, c'est que, en même temps que nous vieillissons, nous nous recréons et nous nous réinventons à chaque hic et nunc... Ce qui nous fait dire, à chaque instant de cette subtile décadence, que le temps passe trop vite et qu'il faudrait le ralentir !...tout ça pour que la jouissance de l'instant soit de plus longue durée !
En plus d'avoir inventé ce temps qui passe, nous avons inventé le moyen de le mesurer : les années, les mois, les jours, les heures, les minutes, les secondes et les fractions de seconde...le 1000ième de seconde est-il la mesure de l'ici et maintenant ? A moins que ce soit le 10.000ième ?
Avec une caméra de prises de vues, on a 24 ou 25 images par seconde au 50ième de seconde pour se voir bouger grâce à la persistance rétinienne...et comment faire pour encore se voir bouger entre la 1ère et la 2ième image de celles pris au 10.000ème de seconde ?
Il faudra six cent mille images pour espérer nous voir bouger, pour autant que nous ayons bougés dans la réalité !!!!!
Voilà de quoi être soumis à une sacrée sidération!
Les êtres étranges venus d'ailleurs sont-ils au courant de notre perplexité quant à cette notion du temps "qui passent et qui ne passe pas"?...telle la flèche de Zénon qui vole et qui ne vole pas et qui n'arrive jamais au but!
A pas peur de l'avenir en rose...
PS : Décidons des capacités de ce monde parallèle : les entités peuvent s'introduire dans nos cerveaux et peuvent y faire passer des messages dont quelques uns signé de certains défunts connus ou méconnu !!! Capacité de copier nos acquis car elles n'ont pas besoin de l'inné qu'elles connaissent depuis toujours puisque l'inné est commun à tous les hominidés (!) _Elles copient les logiciels de celles des défunts et leur font dire ce qu'elles veulent aux parents qui les invoquent...
L’association Art Azoï a sollicité Rouge Hartley, street artiste à laquelle j’ai consacré déjà plusieurs billets, pour « faire le mur » du Carré de Baudouin, rue de Ménilmontant, au mois de juillet. Bien lui a pris car Rouge a peint non pas un mur mais une œuvre.
Une œuvre déroutante. Longue de plusieurs dizaines de mètres, elle ne se laisse pas saisir d’un regard. Le regardeur, au pied de l’œuvre, en saisit mal le sujet et la mise à distance, parce qu’elle provoque une naturelle perte de définition, fait jaillir quelques séquences de la fresque sans toutefois pouvoir la considérer dans son ensemble. Par ailleurs, l’artiste ne cerne pas les objets représentés par des traits forts. Au contraire les aplats de couleurs se juxtaposant confondent les limites. Ainsi la majeure partie de la composition mêle sur un fond d’un bleu très intense une superbe harmonie, mariant des grenats, des roses, des jaunes. Quelques couleurs vives rythment la longue fresque.
Identifier de manière précise le sujet n’est guère chose facile pour les raisons qui ont été dites infra ; il convient de s’en tenir à des hypothèses. Mon hypothèse est la suivante ; sur un plan, peut-être un meuble, installé en extérieur sont posés différents objets, des vases, des étoffes et des fleurs. C’est une nature morte. Bien singulière au demeurant : si un vase est posé sur son fondement, d’autres vases que nous pouvons imaginer en cristal sur couchés voire cassés. Les fleurs ne forment pas un bouquet ayant une savante composition, mais couchées sur un plan horizontal, mêlées. Alors que la nature morte dans notre tradition occidentale est un modèle de rationalité, la nature morte de Rouge n’est pas un modèle loin s’en faut et illustre un désordre.
J’en viens à penser que Rouge revisite le thème des très classiques natures mortes de notre histoire de l’art et s’amuse à en inverser la problématique. Les savantes et géométriques compositions des natures mortes anciennes, au maniérisme de l’exécution qui confine parfois à une volonté de copier le réel, elle propose une nature morte caractérisée par le désordre des objets et l’« imprécision » voulue de l’exécution. Par ailleurs, Rouge change le cadre. Elle « sort » le sujet, qui « scène d’intérieur » devient une curieuse scène d’extérieur. Quelques indices le montrent : le contraste chromatique entre la nature morte proprement dite et un espace situé à droite de l’œuvre peint d’un bleu profond et un saugrenu tournesol qui clôt la composition. J’ai même cru reconnaître un coq !
Doit-on réduire la fresque de Rouge à un exercice de style parodiant un exercice de style classique ?
La fresque est certes cela mais pas que cela. Car l’impression qui domine de ces cristaux cassés, de ces étoffes froissées, de ces fleurs couchées, est l’absolue beauté de l’œuvre. Magnifique contradiction apportée aux poètes et aux artistes qui ont associé comme une vérité d’évidence l’ordre et la beauté. Rouge fait la démonstration que la beauté ne nait pas de l’ordre. La beauté est aussi dans le chaos, dans le désordre.
Comment ne pas voir dans la volonté de Rouge d’estomper les limites des objets représentés un désir d’ « obliger » le regardeur à prendre, au sens propre, de la distance. C’est du trottoir d’en face qu’on discerne le mieux les contours des objets mais en s’éloignant le regard perd en précision. L’imprécision permet au regardeur attentif d’être sensible au climat de l’œuvre et l’oblige à faire un bout du chemin pour donner à l’œuvre une signification.
La fresque qui incite au questionnement n’est pas pour autant un manifeste. Si manifeste il y a, il est dans le triomphe de la couleur et de la peinture. Rouge n’a pas écrit un savant traité pour apporter la contradiction aux peintres classiques, avec des pigments et des pinceaux elle crée des images. Et ces images se passent de commentaires sur l’art : elles sont de l’art dans sa plus belle expression.
La civilisation des boulots de merde plastifiés n’est, au café du coin, que rarement le sujet de conversation. Là, entre deux chopes, c’est plutôt cancans et plaisanteries douteuses ponctuées de ouaf, ouaf, ouaf rarement contagieux. Les scies du social en bistrot son assez désolantes
Parmi les situations rarement évoquées, il y a aussi celle condensée comme suit : « De nos jours, le moindre acte nécessaire à la vie est automatiquement et immédiatement relié, dans sa réalisation même, à une mécanique économique sur laquelle le sujet n’a presque pas de prise et dont il observe les effets destructeurs sur le monde et sur les autres. Nous sommes tous les militants assidus et humiliés, d’une économie que nous sommes cependant toujours plus nombreux à abhorrer. » La citation est un peu longue, mais cela valait la peine.
On peut sans doute se demander si ces gens « toujours plus nombreux » le sont vraiment. Au bistrot, c’est douteux. Mais ce qui intéresse ici est le fait que le collectif, auteur de ces lignes, Paul Colrat, Foucauld Giuliani et Anne Waeles, est composé d’enseignants en philo engagés dans une parole libératrice trempée dans le christianisme, ce que le titre de leur ouvrage indique sans ambiguïté : La communion qui vient - Carnets politiques d’une jeunesse catholique, publié au Seuil en 2021. Il m’a été prêté pour commentaire par un ami chercheur de vérité qui a fait choix d’entrer dans les ordres. Autant le dire.
Et dire encore, d’emblée, que venant du camp du goupillon, cette caractérisation de notre temps frappe comme inattendue et réconfortante. Notre trio utilise même carrément le terme de « capitalisme », mot tabou jusqu’il y a peu − la plupart des professionnels de la langue de bois, telle la Commission européenne, persistant à parler « d’économie de marché », ce qui rend difficile à distinguer en quoi le monde a changé depuis l’agora de la Grèce antique.
Recenser l’ouvrage n’est pas ici le lieu (je serai long assez comme cela), mais bien, mû par un mouvement d’irritation devant ce tic, fréquent chez qui aujourd’hui veut exprimer son point de vue sur le monde, consistant à forger un néologisme [1] pour le condenser, comme si rien dans le vocabulaire courant ne pouvait y pourvoir, comme s’il avait fallu attendre les auteurs du néologisme pour enfin y voir clair − une manie, soit dit en passant, quelque peu prétentieuse.
À vendre : néologismes
Il en va ainsi, chez notre trio, du concept de « dépolitisation », qu’il utilise en un sens nouveau. Ici, en effet, le terme s’oppose à une « surpolitisation », qu’il définit comme l’état d’une humanité dont le moindre des actes de la vie quotidienne est ordonné par la machinerie économique ; pour reprendre leurs mots : « La surpolitisation est l’inscription du pouvoir au plus profond et au plus intime de nos existences. » D’aucuns auront noté que, déjà, ils auraient pu faire appel au lexique existant et préférer parler d’une humanité « surdéterminée » (Althusser) par la généralisation d’une « suradministration » (Adorno) généralisée. Essayez de rouler à plus de 30 km/h à Bruxelles ou d’allumer une cigarette dans un café, vous serez vite fixés [2].
Si, pris négativement, la dépolitisation consistera alors à « se défaire [de cette] emprise déresponsabilisante sur nos vies » ne fait pas en soi problème et, comme ils notent, peut par exemple être repérée dans la révolte des Gilets jaunes contre ce qu’ils ressentent comme une « dépossession » de leur existence, c’est bien ce terme-là, manié avec une précision autrement percutante par David Harvey qu’on aurait aimé plutôt voir.
Dire que les sujets contemporains du capitalisme sont des êtres « dépossédés » est tout de même plus parlant, et adéquat, que de les décrire comme étant « surpolitisés ».
Pour Harvey, voir son Brief History of Neoliberalism, 2005, en Oxford University Press paperback [3] : « La réalisation substantielle principale du néolibéralisme a été de redistribuer plutôt que de produire richesses et revenus », constat dont il rappelle qu’il en a décrit le mécanisme ailleurs, à savoir par le biais d’une « accumulation par dépossession ».
Sur un point central, cependant, les deux analyses se rejoignent : l’état d’aliénation [4] de l’humanité a ses racines dans une « mécanique économique ».
Bureaucrates de tous les pays...
Si l’on joint à la notion de dépossession, matérielle et mentale des êtres humains celle d’une société suradministrée du philosophe Theodor Adorno et, due à l’anthropologue David Graeber, celle, tellement apte, de la prolifération de « boulots de merde », on a comme l’écheveau de la trame de ce qui aujourd’hui se trame. Un monde surrégi par un corset de normes bureaucratiques infantilisantes et tentaculaires. Une humanité dépossédée de ses outils et fruits de travail et de pensée. Et la diffusion d’un sentiment apathique d’inutilité par l’extension sans fin d’activités professionnelles qui n’ont aucun sens : les boulots de merde.
D’une brève recherche sur la bureaucratie qui gagnerait à être systématique, il ressort ainsi, rapporte dans The Spectator (6 février 2016) le parent indigné d’un malade mal soigné en Grande-Bretagne, que seule une personne sur quatre dans le système hospitalier britannique y exerce des fonctions médicales. De même, dans une lettre ouverte publiée par La Libre (11 juin 2018),signée par 400 directeurs de l’enseignement libre catholique, il est fait état de la « charge administrative titanesque » qui détourne le corps enseignant de ce qui devrait être le « cœur du métier », apprendre à lire, écrire et calculer.
Ce n’est pas neuf. Saint-Just, déjà, n’avait pas de mots assez durs pour les quelque 30.000 agents administratifs auxquels, à l’époque, fort peu dans le peuple « donneraient leurs voix ». Balzac, de même, jugeait (Le curé de campagne, 1833) que « un peuple qui a quarante mille lois n’a pas de loi ».
Plus près de nous, il y a évidemment Bernanos, sur un versant connexe, avec son brûlot contre la machin-ation de l’homme (La France contre les robots, 1947), Valéry, qui invitait à examen critique comment les lois successives modifient « le domaine des possibilités de chacun » (Fluctuations sur la liberté, 1938) et, froidement glacial, le philosophe Theodor Adorno avec son concept de « société suradministrée » aux relents totalitaires dont il rappelait en 1942 que le modèle, imité des États-Unis, est celui d’un « capitalisme d’État intégralement planifié ». Rendre toutes et tous serviles par consentement.
À faire et être quoi ? L’exécutant d’un boulot imbécile.
La marée noire, c’est au supermarché
Sans doute serait-il intéressant d’être à même de pouvoir pister l’essor de cette production d’encombrants inutiles. À prendre conseil chez cet orfèvre de l’observation historique qu’était Walter Benjamin, il faudrait aller renifler du côté de Louis-Philippe, à la fin du 18e siècle, pour voir les appartements d’une bourgeoisie aliénée se décorer « d’une foule d’objets », bibelots et verroteries dérisoires, une saturation qui n’aura de cesse d’enfler au siècle suivant avec l’invention du grand magasin qui invite à « errer dans le labyrinthe de la marchandise » avec, touche finale, contemporaine, nos zones commerciales et supermarchés [5] : plus l’être humain « prend conscience du fait que son mode d’existence lui est imposé d’en haut par l’organisation de la production - en d’autres termes, plus il se prolétarise, et plus il sera transi par l’haleine glacée de l’économie marchande. [6] »
Là, c’est le pétrole qui fournit les pentes glissantes. Détail anecdotique, mais révélateur : voici peu, dans telle grande ville européenne, de jeunes manifestants idéalistes bloquaient un carrefour pour réclamer, au nez et à la barbe des bagnolards immobilisés, la destitution de l’économie avaleuse de pétrole. Ces gentils militants étaient cependant singulièrement aveugles au fait que leurs vêtements, sacs et téléphones mobiles sont largement composés de plastique ou de nylon, donc des dérivés du pétrole. Bref, qu’en combattant la marée noire, ils en sont eux-mêmes une flaque. Voilà qui, certes, prête à confusion. Il faut de bons yeux pour flairer dans les plastiques synthétiques ce qu’au fond, ils sont : du pétrole durci, inodore, non adhésif, agréable au touché, léger et, atout majeur, bon marché. Ce pétrole-là, pourtant, est omniprésent.
Une analyse remarquable du chercheur Adam Hanieh parue dans le New Left Review (n°130, juillet-août 2021) condense avec force détails l’histoire de la « colonisation de tous les aspects de la vie quotidienne » par ces dérivés bon marché (déchets !) du pétrole et, partant de la « chimicalisation de l’industrie », laquelle a tôt perçu le profit qu’il y aurait à remplacer bois, verre, coton, laine, papier et métaux par cette providentielle matière secondaire synthétique. Où ? Aux États-Unis, au premier chef, qui s’est livrée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à un pillage en règle des acquis technologiques allemands (les brevets, sans compter les quelque 5 millions de documents techniques microfilmés par un « commando » de managers et de chimistes déguisés en militaires des forces d’occupation US), détrônant par là le cartel allemand IG Farben, jusque-là « leader » mondial, au profit des DuPont, Dow et Monsanto.
« Chimicalisation », le mot est faible. Comme indique Hanieh, entre 1950 et 2015, la production mondiale de plastiques a été multipliée par 200. Mieux : « il est impossible d’imaginer un futur sans pétrole aussi longtemps que le pétrole demeure la base matérielle fondamentale de la production des marchandises. [7] » Quelques chiffres encore : en 2018, 51% de la production de plastiques est issue d’Asie (la Chine, 30% du tonnage mondial, ce dernier de 400 millions). Un GSM : c’est 30 à 50% de plastique. Les trois plus gros producteurs de déchets plastiques : Coca-Cola, Pepsi, Nestlé. Les trois plus gros producteurs de plastique à usage unique : ExxonMobil, Dow, Sinopec. Les trois principales productions consommatrices de plastique : l’emballage (36%), les textiles (14%), les biens de consommation (10%) [8] . Comme quoi, comme quoi...
Conclusion
De ce cabotage en économie politique, il est loisible de faire une proposition de rigoureuse recherche tendant à prêter main forte aux tentatives de comprendre le monde dans lequel clapote l’humanité. Primo, qu’il serait éclairant de savoir (chiffrer, mesurer) dans quelle proportion le salariat remplit des fonctions socialement parfaitement inutiles et, pour qui les exécute, souvent déprimantes. On pense à la bureaucratie paperassière, publique et privée, scorebording, programmation stratégique, systèmes d’évaluation et tutti quanti, mais aussi à la production de gadgets et babioles jetables en matière synthétique. Secundo, il serait tout aussi éclairant de savoir (chiffrer, mesurer) dans quelle proportion l’industrie dite « productive » se voit investie dans la mission marchande de produire des biens socialement parfaitement inutiles. Évidemment, ce qu’il y aura lieu d’entendre par « socialement inutile » aura un caractère subjectif prêtant à discussion, mais, ça, c’est le but du jeu.
Ceci pouvant difficilement être qualifié de conclusion, comme se doit d’avoir toute divagation académique, la parole sera donnée à ce grand pessimiste devant l’éternel qu’était Theodor Adorno, ce par une citation goûteuse extraite du travail effectué en 1956 avec son pote Horkheimer pour produire un Nouveau Manifeste [9] : « Si le monde était organisé de telle sorte que tout ce qu’on fait servirait de manière transparente la société en son entier, et que les activités n’ayant aucun sens étaient abandonnées, je serais très heureux de consacrer deux à trois heures par jour à travailler comme liftier. » Moi, aussi.
Et donc selon le nouveau ministre de la Défense français, directement relayé dans la presse belge par le chef de la Défense nationale belge, il faut reconvertir nos économies en « économie de guerre ». En bref, ne laissons pas nos industries rater de juteux contrats d’armements que nous offre la guerre en Ukraine, le tout bien sûr au nom de nos valeurs démocratiques.
Dans le même temps, Madame von der Leyen appelle à lever un nouveau train de sanctions contre Moscou. N’a-t-elle pas constaté que se sont essentiellement les économies européennes qui trinquent dans la mesure où M. Poutine avait anticipé cette situation en cherchant, bien avant la guerre, à diversifier sa clientèle pour le gaz et le pétrole russe lorsqu’il s’aperçu que les Européens, pliant devant les exigences américaines, avaient bloqué l’ouverture du gazoduc Nord Stream 2. Il est étonnant de constater que c’est Mme von der Leyen qui, aujourd’hui, tient les rênes de la direction européenne. On la retrouve parcourant le monde en lieu et place de M. Borrel sensé être le Haut Représentant des institutions européennes aux relations extérieures, quant au Président du Conseil, Charles Michel, il peine à encore exister. C’est elle aussi qui, dès à présent, nous invite à nous serrer la ceinture notamment, en abandonnant nos voitures, réduisant l’usage des climatiseurs et anticipant son annonce sur l’obligation qui nous sera faite de réduire à 19° le chauffage en hiver, d’éteindre les éclairage publics …. Toutes ces mesures prônées par les écologistes pour améliorer notre climat, n’avaient pas jusqu’ici trouvé en Mme von der Leyen une telle avocate.
Qu’est-ce qu’une économie de guerre ?
C’est celle qui autorise l’Etat à prendre toutes les mesures nécessaires à la survie de ses institutions et à la protection des citoyens. Cela peut donner froid dans le dos lorsqu’on se rappelle les mesures adoptées à ce titre par le gouvernement du maréchal Pétain. Les Conventions de Genève, adoptées en 1947 et complétées en 1949, stipulent quelles sont les obligations de la puissance occupant un autre pays. Aujourd’hui, il y a lieu de s’inquiéter de la manière dont ont été prises les décisions de la Commission européenne centralisant toutes les mesures prises à l’encontre de la Russie et dont M. Stoltenberg, S.G. de l’OTAN se félicite de la bonne coordination avec ses services. De même, il y a lieu de questionner nos parlementaires sur les choix opérés par nos différents pays en matière de livraisons d’armes pour combattre l’envahisseur russe. Nous prétendons le faire au nom de la défense d’un pays, l’Ukraine, qualifié de pays partageant nos valeurs démocratiques. Or, il faut être lucide : l’Ukraine n’a jamais été identifiée comme tel avant l’invasion russe. Ceux qui, au nom de la solidarité atlantique, livrent des armes défensives et offensives aux Ukrainiens et qui proclament vouloir « aider les Ukrainiens à gagner la guerre » en mettant nos économies en « état de guerre » sont des irresponsables au vu des résultats obtenus jusqu’à présent : des réfugiés en masse, des morts par dizaines de milliers , des destructions sans fin, et des perspectives encore plus dramatiques pour les prochaines semaines, parce qu’ils s’obstinent à vouloir faire plier M. Poutine.
Nos parlementaires doivent d’urgence se préoccuper de la traçabilité des armes livrées, car ne sont-elles pas déjà partagées par des groupes d’obédience fasciste ? Ils ont aussi l’obligation de nous préserver des dangers que représente « l’économie de guerre » : dérives démocratiques comme la censure de la presse russe, par exemple, contrôles renforcés pour forcer les économies de gaz, privations vécues par nos concitoyens, victimes des spéculations et hausses du coût de la vie, provoquées à l’occasion de cette confrontation guerrière.
Non, nous ne sommes pas en guerre et nous refusons la volonté de certains d’en découdre avec la Russie quel qu’en soit le motif. Il serait temps de se mobiliser sérieusement pour relayer les appels de plus en plus nombreux de ceux qui, depuis le Grand Sud mais aussi en Europe, aux Amériques, en Ukraine et en Russie, appellent à mettre fin de toute urgence à ce conflit des plus périlleux pour notre humanité. Ce 8 août, rappelons-nous les largages des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki et empêchons que de tels crimes se reproduisent.
Nos responsables politiques, au lieu de jouer des biceps, doivent mobiliser toutes leurs énergies et des moyens financiers importants pour rendre à l’ONU et à son Secrétaire général A. Guterres le rôle qui est le leur pour forcer des négociations en vue de mettre un terme à la guerre en Ukraine et instaurer un processus de paix respectueux des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes sans être les jouets des affrontements présents et futurs entre grandes puissances.
Les guerres actuellement en cours, bien trop meurtrières et destructrices nous appellent à la raison et à travailler collectivement à un nouvel ordre international en mesure de recréer les conditions d’un vivre ensemble plus pacifique, plus socialement responsable, plus respectueux de l’ensemble du vivant et plus réellement démocratique. C’est pour ce faire que nous devons nous mobiliser et forcer les porteurs d’étendards guerriers à laisser la place aux porteurs de la branche d’olivier.
Mon expérience est celle du temps long, celui de la décolonisation, processus historique, non désiré ni anticipé par le colonisateur qu’il soit belge, français, anglais, portugais, ou hollandais. Colonisateur qui n’a jamais compris ou admis qu’il avait traité les colonisés comme des sous humains noirs, jaunes, métis…
Il ne s’agissait pas seulement de nier leurs identités mais de légitimer les pratiques coloniales les plus brutales d’apartheid généralisé, d’exploitation esclavagiste, de spoliation au nom de la supériorité de la race blanche et de ses intérêts. En échange, nous prétendions leur apporter les bienfaits de notre civilisation chrétienne, de les « libérer de l’Arabe esclavagiste » comme on peut encore le lire sur le fronton du monument aux pionniers belges au Congo dans le parc du Cinquantenaire de Bruxelles. (Le mot arabe à entretemps été effacé au burin !)
Je me rappelle du retour des colons en 1960. Ils se sentaient et se présentaient tous victimes et injustement spoliés de leurs bons droits et de leurs biens. Patrice Lumumba était un traitre et pour un grand nombre d’entre eux, il fallait soutenir la sécession katangaise. Mobutu, autoproclamé général allait très vite rassurer les Occidentaux dont les Belges, et ouvrir la voie au néocolonialisme bienfaiteur pour sa propre cassette. Les avoirs de Mobutu dans les banques du régime d’apartheid en Afrique du Sud ont été évalués par la commission des biens mal acquis à près de 15 milliards de $. Car pour pouvoir poursuivre l’exploitation coloniale en l’absence de l’administration belge et sans l’omniprésence territoriale des colons, il fallait assassiner Lumumba et s’assurer de la mansuétude d’un pouvoir corrompu. Pour le vernis, « l’Œuvre coloniale », jusqu’alors assurée par les bons pères blancs, scheutistes ou jésuites, sera relayée par les ONG et l’envoi de coopérants. Nos jeunes allaient, en remplacement de leur service militaire, « consacrer » deux ans de leur vie à la coopération outre-mer pour, disait-on à l’époque, combler le retard de développement. Dès 1970, on chiffra même l’effort à consentir pour y parvenir. Il s’agissait de consacrer 0,75% du produit intérieur net des Etats du nord et on y arriverait. Mais voilà jamais, même pas aujourd’hui, on ne fit cet effort.
Remarquez que ce fut une chance dans la mesure ou très vite nombre de ces jeunes arrivés sur place ont ouvert les yeux sur le rôle qui leur avait été assigné, consistant à donner l’image de la bonne disposition occidentale vis-à-vis des Africains tandis que le business et l’exploitation reprenaient leurs droits. Ils rentrèrent en Europe et témoignèrent du mal développement dont étaient victimes les Africains, du racisme toujours omniprésent. Ils allaient très vite dénoncer le fait que pour chaque franc consacré par l’Etat à « l’aide au développement » il en remontait quatre vers les holdings et banques du Nord. Ils contribuèrent à montrer que le roi était nu et que les principales causes du sous-développement trouvaient leurs sources dans le Nord et la poursuite de l’exploitation néocoloniale.
Ce discours du 0,75 a les dents dures, notre gouvernement n’a-t-il pas inscrit dans sa déclaration de 2020 qu’en matière de coopération au développement, il allait tendre vers cet objectif. Nous sommes plus de 50 ans plus tard ! Mon ami congolais le professeur Yoka dirait en bruxellois, « en gei geluve dat ».
Trop d’ONG ont contribué à propager le discours fallacieux du « rattrapage » portant en lui le mythe de notre assistance permettant aux Africains de combler leur retard par rapport aux indicateurs de croissance économique occidentaux. Or, par un système bien rôdé de ce que l’on appelle « l’échange inégal », ce sont bien les Africains qui contribuent aujourd’hui encore à notre bien-être. Ne continue t’on pas à présenter le blanc qui se rend dans le Sud comme un coopérant et un noir qui vient en Belgique comme un immigrant.
Deuxième acte 1980
Les bailleurs de fonds confrontés aux détournements de l’aide par les potentats locaux, jusqu’à récemment mis en place par nos services, et suite aux pressions et aux exigences de rompre les pratiques de donateurs qui liaient l’aide à de multiples conditions leurs assurant un « retour sur investissement » matériel ou politique, il fut confié aux Institution de Bretton Woods le soin d’intervenir en tant que régulateur. C’est ainsi que, début des années 1980, le FMI et la Banque Mondiale furent projetés à l’avant-scène internationale pour s’assurer que les prêts concédés au pays du Sud par la B.M. et les Etats prêteurs soient correctement gérés, c’est-à-dire gérés selon les lois du marché libéré de toutes entraves et surtout que les intérêts de la dette soient payées par priorité aux créanciers du Nord. Entendez par là, mettre fin à toute intervention de l’Etat bénéficiaire notamment pour assurer l’accès des populations aux produits de base nécessaires à leur survie par un contrôle des prix. Les politiques des institutions de Bretton Woods se déclinèrent sous la forme de politiques d’ajustements structurels pour la libéralisation et le respect du libre commerce concurrentiel. Les conséquences furent tragiques pour les plus démunis car les prix des denrées de base explosèrent avec l’endettement croissant de pays comme la RDC et le Rwanda, les contraignant à réduire l’ensemble des services de l’Etat dans les domaines de la santé, de l’éducation et des infrastructures. Conséquence, ces mêmes populations se révoltèrent comme en Tunisie, d’autres entrèrent en guerre, tels le Pérou et la Bolivie. Toutes les populations du Sud subirent une perte de leur bien-être sans précédent.
J’ai démontré avec mon collège le Professeur canadien Michel Chossudovsky que les ajustements structurels appliqués au Rwanda sont l’une des causes principales de la paupérisation des populations rwandaises, ce qui contribua à la mobilisation des Hutus contre les Tutsis. Il fallait bien désigner un coupable de ces coupes budgétaires et du mal-être des populations. Le génocide qui frappa les Tutsis en 1994 se préparait depuis 1990 et est aussi partiellement la conséquence de l’aveuglement des ONG, des bailleurs de fonds belges et internationaux qui s’obstinaient à soutenir le pouvoir gangrené du président rwandais Habyarimana. Ce génocide, le crime des crimes, s’est préparé et déroulé sous les yeux et avec la complicité de toute la communauté internationale mais elle refusa d’en tirer les leçons quant à ses manquements graves. Rien n’y fit, on relança la coopération - as usual - alors qu’elle s’était elle-même totalement discréditée aux yeux de nombre d’Africains. En Afrique Centrale, il en résulta une série de conflits régionaux les uns plus dramatiques que les autres. Même l’intervention de l’ONU et l’envoi de 15.000 casques bleus dans l’Est du Congo s’avéra un échec retentissant dont le bilan reste à faire alors que près 6 millions de femmes, enfants et vieillards y ont trouvé la mort depuis 1994.
Est-ce à dire que rien n’a été fait pour contrer cette descente aux enfers ?
Non, car des personnalités européennes comme Claude Cheysson et Edgard Pisani, responsables au sein de la Commission Européenne des relations avec les pays du Grand Sud, tentèrent avec le soutien de nombreuses ONG progressistes de presser l’Europe de revoir ses politiques de coopérations avec l’Afrique. E. Pisani obtient même que se tienne une assemblée générale spéciale des Nations Unies sur l’Afrique. Leurs propositions avant-gardistes qui donnaient priorité au respect de règles d’un développement endogène et rural ainsi qu’à la sauvegarde de la biodiversité, des forêts et du milieu, furent saluées par l’Afrique et l’ONU mais ne résistèrent pas aux appétits jamais assouvis des grandes entreprises extractives présentes au Congo, ni aux règles macroéconomiques imposées par la BM et le FMI.
Troisième acte 2000
On est à l’A.G. de l’ONU. Tous, je dis bien tous les Etats s’engagent à l’aube du nouveau millénium à faire un saut quantitatif et qualificatif pour aider les pays en voies de développement à réduire de moitié l’extrême pauvreté et la faim endéans les 15 années à venir. Ils s’engagent, dans le même temps, à assurer à tous les enfants, garçons et filles, un cycle complet d’études primaires, promouvoir l’égalité des sexes, assurer l’accès à l’eau potable et un environnement durable. L’effort est une fois de plus chiffré et il faut pour ce faire mobiliser 60 milliards de $ annuellement. Malheureusement, les promesses feront long feu et si la Chine et l’Inde n’avaient pas à elles deux fait de réels progrès, l’ONU et ses membres se seraient ridiculisés et une fois de plus rendus coupables de non-assistance à personnes en danger de mort. Par contre on trouvera, dans l’urgence en décembre 1989 aux Etats Unis et en Europe, les 4.000 milliards indispensables pour sauver le système bancaire international de la faillite suite aux malversations et manipulations autour de ce que l’on a appelé pudiquement la crise des Subprimes.
Au même moment, au Congo, ce sont la Banque Mondiale, les tenants des fonds de pension, des grandes banques et des multinationales qui dictent leurs conditions aux acteurs politiques et économiques selon des conceptions ultra libérales portées par l’OMC, l’Organisation mondiale du Commerce, sous le contrôle du FMI. Le peuple congolais lui est resté au bord de la route.
Ces mêmes conditionnalités seront imposées aux relations des Européens avec l’Afrique. Les ONG largement dépendantes des subventions publiques de la Belgique, de l’UE, de la B.M. se retrouvent donc elles-mêmes, petit à petit, assujetties à une conception mondialisée de la coopération. S’y ajoute depuis peu le fait que la Chine et la Russie sont entrées en concurrence avec les Occidentaux en Afrique et en particulier au Congo devenu un nouveau lieu de confrontation Est-Ouest.
Lorsqu‘en 1997, Laurent Désiré Kabila, le tombeur de Mobutu, prend le pouvoir, son ambition est de permettre aux Congolais d’assurer eux-mêmes leur développement. Pour ce faire, il crée un ministère du Plan et prône la décentralisation provinciale. Ils retissent aussitôt un réseau avec les pays africains amis en comptant sur ses bonnes relations avec les pays de l’Afrique Australe et du Sud où il est resté en contact avec de nombreux leaders anticoloniaux. Très vite, les Occidentaux et leurs complices comprirent le risque que cela représentait pour leurs intérêts. L.D. Kabila m’a averti en décembre 2000 que ses jours étaient comptés et le 16 janvier 2001, il tombait sous les balles d’un jeune kadogo. Il subissait le même sort que Salvador Allende, président du Chili, le 11 septembre 1973 et que Thomas Sankara, président du Burkina Faso le 15 octobre 1987, …. Et ce, pour les mêmes motifs : dénoncer et déconstruire le néocolonialisme spoliateur et construire une société plus juste et redistributrice pour le peuple. Ces suppressions criminelles s’inscrivent en continuité de l’assassinat de Patrice Lumumba.
Quatrième acte 2022
On peut dès lors se poser la question de savoir si, en dehors des discours de repentance du Roi pour les crimes commis durant la période coloniale et les excuses du Premier ministre pour l’assassinat de Patrice Lumumba, il ne faut pas soutenir avec force les paroles du Docteur Mukwegue adressées au Roi Philippe de Belgique. Le docteur demanda au Roi et au Premier ministre De Croo que la Belgique intervienne pour « mettre fin à la crise entre la RDC et le Rwanda afin que le Rwanda arrête son soutien aux rebelles du groupe M23 qui provoque des massacres horribles, des déplacements forcés de populations, des viols et violences de toutes sortes ». Panser les plaies du passé, c’est bien ! Dira Mukwegue, mais c’est aux plaies du présent qu’il y a lieu de s’attaquer et la guerre est la pire des plaies à cette heure. La seule réponse connue à ce jour en Belgique est l’appel de la ministre de la Coopération à l’apaisement ! L’urgence pour les Congolais c’est que nous obtenions la fin de cette guerre dans l’Est du Congo qui épuise le pays tout entier. Tous nos moyens devraient être mobilisés pour y parvenir. (1)
Nos futures relations avec le Congo et l’Afrique seront jugées à l’aune de notre volonté de tout entreprendre pour mettre fin à ces massacres car la vie d’un Congolais vaut autant que celle d’un Ukrainien, disait encore Mukwegue. Osons et sachons y mettre les moyens. Acceptons que les Africains ont autant besoin que nous de la coexistence entre égaux, les mêmes droits à la paix et au bien-être, au partage des savoirs et à celui de pouvoir disposer des formidables ressources de leur pays pour assurer leur avenir et participer à celui de l’Afrique. Comprendre cela et l’appliquer nous permettra de réviser nos modèles désuets et iniques de coopération. C’est probablement aussi la seule manière de nous faire pardonner un passé auquel ressemble encore trop le présent.
Ce que j’observe aujourd’hui sur le continent africain, ce ne sont plus des attentes envers les donateurs du Nord, mais une profonde méfiance, voire une détestation de nos postures européennes hypocrites.
Ils savent et apprennent comme nous que la Méditerranée est devenue le plus grand cimetière du monde pour celles et ceux d’entre eux qui, pour nourrir leur famille, tentent de rejoindre l’Europe. Ils sont en relation avec celles et ceux qui en Afrique mais aussi en Inde, en Amérique latine ont compris que la croissance dont nous avons bénéficié s’est faite à leur dépens. Ce qui est en train de se générer, de se préparer, c’est une deuxième phase de la décolonisation, une rupture sans précédent avec nos représentations, nos modèles, nos prétentions. Il est trop tard pour dire nos regrets ou pour demander pardon, car nous aurons tôt ou tard à rendre des comptes et à accepter - ou pas - que le temps de la suprématie blanche est terminé ou vit ses dernières heures historiques. Il nous appartient donc de choisir si nous allons nous accrocher à nos privilèges, à la croyance en « Occident vaincra » promue par l’Otan et les marchands de canons ou si nous sommes capables de construire ce nouvel internationalisme pacifique que représente déjà l’altermondialisme, de soutenir et de nous associer aux remarquables mouvements populaires que sont les grands mouvements des paysanneries du Grand Sud, les mouvements de préservation des forêts primaires et des nappes phréatiques indispensables à leur survie comme de la nôtre, des mouvements populaires de femmes en révolte contre les discriminations et aliénations dont elles sont victimes, des mouvements antiguerres et de ceux qui se battent contre le racisme, le colonialisme et le capitalisme prédateur. Seule cette coopération-là est susceptible de construire un autre monde, celui du respect de la dignité de l’ensemble des membres de notre humanité et donc des Congolais et des Africains.
« Debout Congolais, unis par le sort, unis par l’effort pour l’indépendance. Dressons nos fronts longtemps courbés, et pour de bon prenons le plus bel élan pour la paix. » (2)
(2) Extrait de la première strophe de l’hymne national congolais.
- Le titre de cet article est celui d’un livre de Jean Chatenet, paru au Seuil en 1979. « Petits Blancs est devenu un classique de l’Afrique francophone, et reste le livre de chevet de bon nombre d’expatriés. », dit l’auteur au cours d’une interview.
Quel mystère ! Misère de misère !
Je suis entouré d'objets et de matières dont j'ignore leur provenance. Objets et matières se confondent les uns dans les autres et on n'en distingue plus les appartenances initiales. C'est que, voyez-vous (si j'ose dire), les matières se fondent les unes dans les autres, ou s'accolent étroitement entres elles...Bon!
Alors, objectivement, les objets fait de diverses matières, contiennent le tout en un ensemble, comme s'ils étaient enserrés dans un sac qui se serait resserré fortement dès le moment où les matières sont plongées dans un processus d'interpénétration en une alchimie secrète.
Comme je suis curieux, je tâte les objets à tâtons sans reconnaître réellement leurs matières. Et pourquoi reconnaîtrais-je une matière rien qu'au touché ? N'y a-t-il pas aussi la sensibilité de l'oeil ?
Rectification : on reconnait la matière au touché « et » au regard, avec ou sans microscope...
Il faut admettre que c'est l’œil d'abord qui reconnait l'objet, (à moins d'être aveugle) et qui guide la main aux doigts tactiles pour vérifier et identifier formes et matières.
Enfin peut-être: identifier c'est vite dit, encore faut-il connaitre et trouver les bons mots, l'exactitude de leur définition, leurs significations signifiées pour, en citant leur appellation, arriver au but sans pourtant vraiment savoir si on est dans le bon.....
Reconnaître, c'est aussi vite dit: l'a-t-on vraiment déja vue cette chose puisqu'on la re-connait ? La mémoire ne nous trompe-t-elle pas? ...Gacht de gacht, ça n'est une fois pas très facile d' être sûr de ce qu'on dit, de citer ce qu'on crwa-z-être la vérité... il faut être certain d'un certain savoir, avoir humblement une reconnaissance de l'ignorance, détenir quelqu'expérience et, peut-être, in fine, être guidé, avoir un maître...
Souvent, les matières sont tellement imbriquées (impliquées?) les unes dans les autres qu'il est difficile et quasi impossible de les dénommer, et de les énumérer une à une alors qu'elles sont fondues l'une dans l'autre...: il y a d'abord ceci et ça, puis cela et ensuite cette autre ceci et encore un autre ça, et puis une autre celle-là qui, elle, est à peine perceptible parce qu'il n'y en a pas une grande quantité. C'est alors qu'il faut le savoir d'une personne extérieur qui a la connaissance de cette matière et qui sait qu'elle ne nécessite pas de grosses quantités et qui sait aussi que ce n'est pas nécessaire d'en avoir plus pour obtenir l'effet voulu, vu l'influence de sa texture interne liée parfois à sa densité, lesquelles suffisent à influencer le reste de l'amalgame.
Mais ce qui m'intéresse c'est « pourquoi » je m'y intéresse...C'est quoi ces objets et ces matières ! Est-ce que c'est parce que leurs couleurs m'attirent plus que leur forme ? A moins que ce ne soit l'inverse. Mon oeil, au regard acéré (haha!...bonjour le coup d'oeil tranchant, salut le regard révolver!) s'attache peut-être, d'abord, plus à la forme, ce qui m'oblige presque à vouloir absolument toucher l'objet pour savoir si la forme de l'objet détecté par mon regard est aussi attirant que ce que mon regard avait cru voir, et si les deux perceptions tellement différentes correspondraient réellement, éventuellement, afin de reconstituer une reconnaissance de l' unité...mais comme toujours, j'en doute.
Aah ! Le doute ! Oui-oui, si-si: je doute!... et je tiens au doute comme je tiens à cet objet, à cette réalité qui me plaît, qui me touche, alors qu'un doute n'est qu'une forme de pensée, un sentiment un peu confus, qui se maintient toujours aux aguets, malgré moi, lorsque je crois que mes appréciations sur tout ce qui m'entoure et, peut-être me rassure, constituent ces raisons qui font que je continue à vivre ma destinée !
Oui mon cher doute, je tiens à toi comme à la prunelle de mes yeux ! Mais pourquoi donc? Parce que je tiens beaucoup à ce que tu interviennes, car tu fais partie d'un autre sentiment : la curiosité:
«Quoi? Qu'est-ce que c'est ? Qu'est ce truc, ce qui-que-quoi-dont-où? Pourquoi est-il aussi lumineux ? Ou terne ? Ou changeant ? Comment se tient-il debout ? Est-il vraiment debout? N'est-il pas plutôt couché ? Sur quoi s'appuie-t-il ? Pourquoi me fait-il cet effet ? Que faire de cet effet? C'est quoi, au fond, faire de l'effet ? Et comment un objet inerte peut-il faire un effet sur ma personne ? »...
Je sais par exemple qu'une jolie femme me fait de l'effet ! (non je ne disserterai pas sur l'effet que produit la présence et la beauté d'une femme sur ma libido!) Encore faut-il savoir ce qu'est une femme, jolie de surcroit? Est-ce la perfection de son visage, le teint de sa peau ? Sa manière d'être, ses attitudes, son regard qui s'attardent un millionième de seconde sur mon apparence personnelle?
Heureusement, une femme n'est pas un objet (quoi qu'en pense certaines personnes), et il y a d'autres raisons très convaincantes pour la considérer comme "quelque chose", non-pas un objet, mais une personne qui nous ressemble et qui pourrait nous rassembler, ne faire qu'un avec elle !
Il y a cependant autre chose qui se passe quand l'effet produit par n'importe quoi sur n'importe qui, influence le comportement de celui ou celle qui en subit l'impact!
(Je refuse absolument d'employer "impacter", vu que maintenant, verbaliser l'impact afin de pondre le mot "impacter" est une nouvelle façon, snobinarde, de dire "atteindre" et "influencer"...Ainsi aurais-je pu dire sans pudeur: quel effet y a-t-il quand un quelque chose "impacte" une personne?...mais je ne le ferai pas)
Cette influence, (l'effet impacté, Huhuhu!) se répand dans l'organisme, provoque des réactions incontrôlables, des mutations chimiques au sein de la matière cervicale, change radicalement les jonctions de certains synapses, des connexions se séparent, des alliances se forment ailleurs pour faire jaillir au niveau de la conscience d'autres modifications. Ainsi, de toutes nouvelles formes de décisions nous apparaissent bien meilleures que les précédentes, avec malgré tout, malgré que ce qui apparait parait bien plus clair que ce qui était précédemment, c'est à dire une certaine rémanence du positivisme ancien.
Cette évidence de l'abolition d'une incertaine confusion, qui était comme un diktat, un dogme indiscutable et acceptable, devient curieusement obsolète...et cette nouvelle influence contribue à ce que, mentalement, nous envisagions la suite des événements avec un petit recul suffisant pour mieux sauter et obtenir enfin la solution idéale.
Nous sommes donc, envers et contre tous, bénéficiaire d'un changement qui, s'il nous fut imposé, ne ressort pas de notre détermination propre, mais de l'aboutissement de l'impact de nos perceptions visuelles, tactiles et parfois auditives! C'est alors que, misère de misère, le doute reprend vigueur, recompose ses argumentations et fait renaître en nous l'envisagement que quelque chose d'autre pourrait exister.
Le mystère reste entier.
a pa peur... Reprenons...