semaine 48

Polémiques autour d'une robe et d'un tapis

Edito par Jean Rebuffat, le 01 septembre 2023

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Le problème des signes religieux à l'école ne date pas d'hier. Mais qu'est-ce qu'un signe religieux ? Photo d'archives © Jean Frédéric Hanssens

Deux polémiques parallèles agitent pour l’instant Belgique et France. La première est née de la découverte tardive (mais sue de longue date) du fait que des lieux de prière clandestins (ou discrets) existaient à l’Université libre de Bruxelles, l’autre de l’interdiction annoncée à grand fracas d’une décision d’interdiction de l’abaya dans les écoles de la République prise par le nouveau ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal. Les deux concernent principalement l’islam et soulèvent des questions complexes peu compatibles dans leur examen par les tenants ou les opposants aux opinions tranchées et tranchantes.

L’ULB, comme on le sait, a été fondée en 1834 sous l’impulsion de la franc-maçonnerie bruxelloise (à l’époque cependant bien chrétienne…) soucieuse de ne pas laisser à l’église catholique l’exclusivité de l’enseignement supérieur. Elle a pour principe le libre examen. Contrairement à une idée reçue, le libre examen en lui-même n’est pas une revendication irréligieuse; le terme a d’abord désigné le libre examen de la Bible. Le protestantisme naissant revendiquait que chaque fidèle la lise (d’où la nécessité d’une alphabétisation massive et la promotion des langues vernaculaires) et cherche sa propre interprétation.

Il n’en reste pas moins que longtemps, le conflit entre laïques (au sens belge) et catholiques a été majeur dans le royaume du surréalisme et tellement aigu, bien avant les problèmes communautaires, qu’au XIXème siècle certains observateurs craignaient pour la survie de l’État… En flèche dans ce conflit, on retrouvait l’ULB, dont le chant, le Semeur, stipule que devant la vérité, Rome et chancelle, et qu’il convient de s’unir autour d’elle contre la papauté. Sans compter que ce chant (qui contient aussi quelques paroles assez phallocrates bien de son époque) se terminait généralement par un «à bas la calotte» bien senti. Aujourd’hui, les partis catholiques ayant fini par être écartés du pouvoir, la Belgique est en pointe dans le domaine des lois éthiques et les enquêtes montrent toutes que la majorité des citoyens est incroyante (athée ou agnostique).

Il peut donc paraître paradoxal, voire infâmant, que le Temple du Libre Examen accueille des salles de prière, fussent-elles non officielles. Certains y voient une coupable faiblesse vis-à-vis de l’islam. Cependant la constitution belge garantit la liberté des cultes. On voit mal la maréchaussée interrompre un service religieux, sauf à suspecter celui-ci de se faire l’apologie d’actes illégaux ou de carrément violer la loi. Le simple fait que les fidèles se cachent pour prier indique assez, à mon sens, qu’ils se sentent ridicules plutôt que tout autre chose.

Sur le campus, on voit des étudiants et des étudiantes qui exhibent dans leur vêture ou leur apparence physique des signes convictionnels comme ceux qui sont souvent interdits dans les écoles secondaires. Et là on rejoint la polémique française. L’abaya, est-ce ou non, comme le foulard, un signe religieux, une habitude culturelle ou une manière de dévoyer celle-ci pour manifester un sentiment communautaire, comme par exemple la quenelle n’est en fait qu’un salut nazi utilisée car celui-ci est illégal?

La question n’est pas si simple car en interdisant, non seulement on accroît le risque communautariste, mais encore retombe-t-on dans les interdits vestimentaires qui a posteriori apparaissent comme stupides. En France, officiellement, le port du pantalon a été interdit aux femmes jusqu’au 31 janvier 2013…

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