semaine 38

Pragmatique

Une édition originale par Thierry Robberecht, le 11 juillet 2023

© Serge Goldwicht

Maman n'a jamais cru en un dieu quelconque mais comme elle était pragmatique et que le bien être de ses enfants lui importait plus que tout, elle nous a fait baptiser:" C'est mieux si jamais il y avait quelqu'un là- haut au grenier" De même, nous avons fait notre communion ma soeur et moi pour les mêmes raisons pragmatiques."On ne sait jamais !".

Chaque année, nous rendions visite à de vieilles tantes dévotes en Flandres. La maison des vieilles dévotes ressemblait à un château pour nous qui vivions dans un appartement social à Molenbeek et les billets de train creusaient un trou immense dans notre budget familial. Nous étions pauvres. A huit ans, je l'ignorais ou je ne voulais pas le comprendre parce que Maman travaillait dur pour nous faire croire le contraire. Nous étions pauvres mais nous ne manquions de rien.

- Beaucoup de gens sont plus pauvres et plus malheureux que nous, disait-elle.

Sur les murs de la maison des vieilles tantes, étaient cloués des dizaines de Christ partout sauf dans une pièce à l'arrière, une véritable chapelle où trônait la statue d' un immense Christ en bois et en croix habillé de son seul pagne. Dans cette chapelle elles devaient prier régulièrement ou organiser des messes privées car des dizaines de hautes chaises y étaient rangées comme dans une église

Dans cette chapelle j'aurais bien voulu voir ce qu'il y avait derrière le pagne du Christ en croix mais j'avais bien trop peur de la statue. Et si elle m'agrippait la main alors que je lui retirais son pagne ? Que répondre aux vieilles tantes ? Que je voulais voir le zizi de Jésus ? Pendant que ma pauvre soeur répondait tant bien que mal au mille questions des dévotes sur sa foi et son niveau de flamand j'ai marché discrètement jusqu'à la chapelle. C'est là que j'ai vu ma petite mère donner de l'argent à l'immense Christ en bois descendu de sa croix pour l'occasion.

Dans le train du retour Maman pragmatique nous a dit que ce soir-là, nous mangerions les restes de la veille : "Je n'ai plus d'argent pour faire les courses "qu'elle a dit.J'ai tout dépensé pour vous garantir une vie sans problème."

En regardant la campagne flamande à travers la vitre du train, j'ai souri car je savais enfin ce qu'il y avait sous le pagne du Christ : un portefeuille.

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