Combat d'arrière-garde
Edito par Jean Rebuffat, le 31 mars 2023

Au fait, la non-violence (elle aussi partagée par la rue, comme on le voit sur ce document d'archives pris à la Bourse de Bruxelles après les attentats dont les auteurs sont jugés en ce moment) ne serait-elle pas la meilleure solution? Photo © Jean-Frédéric Hanssens
Au sens littéral du mot, le débat fait rage en France – mais il ne faudrait pas penser que malgré une caractéristique propre, l’Hexagone est le seul lieu où ce phénomène se manifeste: l’ultra-violence s’invite de plus en plus en politique. Il ne faudrait pas non plus occulter que l’histoire fourmille d’exemples multiples où la violence apparaît comme légitime, soit comme action, soit comme réaction. Ce n’est que très récemment, à l’aune des quelques millénaires historiques, que la guerre, par exemple, a été théoriquement discréditée comme notion même. La preuve douloureuse s’en trouve dans la dénomination de la guerre d’Ukraine: opération militaire spéciale.
Qu’il s’agisse d’un dernier recours ou d’un acte politique cynique, l’ultra-violence a ceci d’horrible qu’elle est aveugle et stupide et ceci de constant qu’elle ne plaît qu’aux baroudeurs, qui sont souvent des deux côtés. Aveugle comme lors d’attentats tels qu’on en a connus beaucoup depuis le début de ce siècle mais aussi stupide comme ces black blocks qui prennent des banques mutualistes pour des symboles du capitalisme. Et démesurée car elle engendre des spirales infernales.
Il serait temps de calmer le jeu. Les scènes de guerre vues à Sainte-Soline posent clairement la question de l’action des forces de l’ordre, qui, en France, c’est la caractéristique, ont le droit d’utiliser des armes proscrites ailleurs. On frémit rétrospectivement au bain de sang qu’aurait été Mai 68 sans la sagesse du préfet de police de Paris s’il avait agi selon les normes actuelles. Mais le risque de dérapage existe partout. En Belgique, la récente mort d’un malade mental abattu dans une institution de soin a mis en émoi (relativement silencieux, faute de relais dans les médias) une bonne partie du personnel soignant.
Pas plus que le pacifisme, la non-violence n’est plus à l’ordre du jour. Le peace and love, pourtant, n’était pas qu’une utopie aux cheveux longs. La manière dont Gandhi a mené l’Inde a l’indépendance montre que l’efficacité n’est pas forcément absente d’une certaine naïveté obstinée. Et si l’on s’en réfère une fois de plus à l’histoire, que constate-t-on? Que la violence, en réalité, n’a jamais rien résolu du tout mais laissé des cicatrices séculaires (pensez au colonialisme…). D’où croyez-vous qu’est née l’idée de tolérance? De l’impossibilité d’éradiquer l’autre. Toute violence est en fait un combat d’arrière-garde.
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