semaine 38

Guerre des gangs et guérilla urbaine

Edito par Jean Rebuffat

Un tel événement déclenche de l'émotion plus que de la réflexion. (Capture d'écran d'une recherche Google avec les mots Anderlecht et kalachnikov)

Il y a plusieurs manières de considérer un fait divers, depuis le style ça s’est passé près de chez vous jusqu’à la réflexion sociologique. Le problème, dans les journaux, c’est que l’instant compte et que même les analyses sont bricolées.

Prenons l’exemple du règlement de compte – euphémisme pour exécution, et à la kalachnikov encore bien – qui a coûté la vie à un jeune Bruxellois de 31 ans, pudiquement décrit comme connu dans les milieux de la drogue. C’est le septième cadavre depuis le début de l’année, certes encore loin de la quarantaine marseillaise, preuve, au passage, que justement, cela ne se passe pas qu’au loin, dans une ville à la réputation sulfureuse, un peu comme Chicago au temps de la prohibition.

Et c’est là qu’un rapprochement mérite d’être fait. La prohibition, ça ne marche jamais, mais cela engendre des enjeux financiers considérables. La main d’œuvre ne manque pas, prête à tout pour une petite part de prospérité, jusqu’à estimer que les combats entre gangs sont une guerre et qu’à la guerre, on tue sans états d’âme.

Dès lors la vraie question à se poser serait plutôt: n’y aurait-il pas moyen de faire autrement? Pour lutter contre ces trafics et ces tueries, on s’épuise dans la voie répressive qui est inefficace et qui n’obtient que des résultats de surface, comme telle ou telle saisie largement mise en avant par des services de police à qui on demande l’impossible. La voie répressive, de façon générale, est souvent un cul-de-sac. Cela ne veut pas dire, évidemment, qu’il ne faut pas lutter contre le crime et la délinquance et verser dans l’angélisme, mais il est néanmoins clair que la prison, toujours plus surpeuplée, est inefficace. La tentation de renvoyer chez eux les délinquants, souvent issus de l’immigration, surgit aussitôt mais non seulement souvent lesdits sont nés ici et sont donc ici chez eux mais encore on sait bien que c’est comme écoper le Titanic avec un seau. De tout temps, qui sont les délinquants? Les gens peu socialisés, peu éduqués, les misérables en quelque sorte. Personne ne s’interroge sur une statistique irréfutable: ce sont très majoritairement des hommes.

En réalité, la seule approche efficace du problème, c’est de supprimer la tentation et de donner de l’espoir. Cela ne suffirait jamais à créer un monde idéal, une partie de la criminalité est irréductible et les psychopathes existent aussi. Les gens fument, boivent et se droguent. Les deux premières de ces actions sont tolérées. La troisième est abandonnée à la loi du plus fort. La kalachnikov contre le mandat. Et une rafale de kalachnikov tirée en l’air peut faire des victimes collatérales, comme on l’a vu la semaine passée à Marseille. Une guerre qui est en fait une guérilla urbaine. Tous les militaires savent que ce sont les plus difficiles à maîtriser.

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