Théâtre
sur le fauteuil en osier un peu usé défait
quelques vêtements comme des gestes posés
dans la lumière aiguë de la nuit
avec des musiques dorées et fluides
qui font danser les doux imbéciles et les fées
sur la table basse une feuille de papier
écrits en noir des mots d’aurore et de rêves amassés
après tant d’hivers longs comme des corps sans couleur
le beau temps est revenu
enfin nu ouvert et bleu comme un rire de tulipe
et dans les livres qui demeurent le long des murs
les histoires de femmes endormies
d’enfants jouant aux jeux des morts
et des baleines argentées perdues dans les courants des océans brumeux
une commode encombrée de lettres ouvertes
qui disent les choses banales
les factures
les amours feints
des lampes indiquent où l’œil s’égare
cariocas de lumière
vents insoupçonnés des désirs et des malheurs légers
des statuettes d’hommes noirs penchés sur des bâtons incrustés de songes
un cadre le beau visage d’Aragon vieilli dont le sourire énigme flambe encore
une petite télé vibrionnant dans l’ombre claire des images enfuies
une réplique en plastique du baiser de Rodin
comme deux voix qui se mêlent au noir
deux petits perroquets de bois peint
un drapeau soviétique miniature et un chat berbère en pierre brune
des murs murmure pleins d’œillades et de portraits passés
une boîte à musique anglaise pleine de pièces de monnaie inutilisables
la porte bleue des rêves
donnant sur l’arrière-cour déserte où dorment des pots de fleurs endimanchés
voilà dans quoi petit monde secret
qui rougit qui s’enlumine quand à la tombée du soir
se font les embrassades folles des nuits et des poèmes
voilà dans quoi je navigue toutes les fois que je ne dors pas
il y a encore une menora cuivrée le livre rouge de Mao et une bouteille de coca
en arabe pleine du sable de la plage d’Alexandrie
et des confidences faites à l’oreille d’un sourd
des tintins noirs et des mains de bois sculptées dans le silence
des tissus africains blancs où courent des éléphants
des masques qui cachent des âmes
sur la table de cuisine un vieux pain
une bouteille d’huile d’olive et des raisins ocre à l’odeur sucrée
voilà une drôle de caverne d’Ali Baba
dont les trésors brillent secrètement dans la nuit d’or
quand parfois tu dors
dans la chambre au-dessus de l’escalier trop raide
trésors de lune et de nuit rousse
j’entreprends l’ascension des rêves
quand tendrement tu dors Mafous
jusqu’à ce que l’ombre s’achève
comme un fleuve lent et sans âge
dans la mer de lumière douce
qui monte du fond de la plage
où tu dors tendrement Mafous
et j’attends que vienne le vent
calme et serein du jour qui pousse
son museau rose sa frimousse
parmi les songes dérivant
rumeur amoureuse aux fenêtres
mensonge divin de l’aurore
le jour enfant encore à naître
lentement distribue son or
en attendant ton chant visible
dans la nuit je traîne et rêvasse
hanté d’une angoisse risible
qui côtoie l’aube que j’embrasse
la nuit paisible ouvre sa blouse
et laisse deviner son sein
d’étoiles et d’évidents desseins
dans le matin bleu comme un blues
où tu te réveilles Mafous
je déjeune de ta chanson
tu es ma vie et ma chance on
ira rêver parmi les pousses
de narcisses blancs de muguets
qui sortent au jour comme nous
et chaque nuit je fais le guet
jusqu’à l’aube où elle se dénoue
la nuit où on voit les étoiles
la nuit des songes et des murmures
et celle couverte d’un voile
et l’aube qui perce les murs
la porte bleue donne sur la rue
pauvrement éclairée calme et nue
il fait encore chaud
plus loin des gens parlent au bord du bassin d’eau tiède
des canettes posées à côté d’eux qui sont assis par terre
sous le plafond piqueté d’étoiles pâles
ainsi dans cette pièce cette maison cette rue cette ville ce pays
traversés par les vents de la vie petits et souriants
j’oublie qui je suis au jour clamé
et j’arpente les couloirs dérobés de mon doux souvenir
de ma brave passion de poète
toi tu dors
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