Le transhumanisme, une fatalité ?

Une édition originale

Par | Penseur libre |
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Accepterions-nous comme une fatalité un transhumanisme du pire, s’il ne se réduit qu’à du business, qu’à un objet de pub, c'est-à-dire aux affaires et au marché?
Dans ce cas oui, ce sera la dictature du pire si nous renonçons. 

Je me bats précisément pour qu’il n’en soit pas ainsi. Je rejette dans l’abject ceux qui réduisent les objets connectés, quels qu’il soient à l’état de gadgets pour milliardaires, convoités par intoxication de publicité, ceux qui n’y voient qu’une production industrielle du vendable soutenue par des investissements spéculatifs. Si ce n’est que du business alors, il n’a plus droit de se parer du mot humanisme augmenté du préfixe trans ou post. 

Le docteur Jérôme Cahuzac, ex ministre français des Finances, n’est puni que comme fraudeur fiscal. Mais l’éthique de la médecine méliorative est passée complètement à côté de la question. Sa fortune fraudée, certes, énorme,  et dont, semble-t-il, il sera dépossédé, il la doit à une manière particulièrement habile d’implants capillaires réservés à un discret réseau de milliardaires venant de divers pays du monde.

Ce qui serait l’humain augmenté ou mélioré (de la médecine et de la biologie méliorative) ne serait-il que le produit de gadgets vendus en rayons de supermarchés ou vendus à la commande sur Amazone. On voit cependant, déjà aujourd’hui, les perversions de l’utilisation d’une médecine et chirurgie  selon les intentions de fortunes de ceux qui les pratiquent. Quelles sont les limites éthiques et philosophiques entre une chirurgie plastique, reconstructive, méliorative ou de remodelages inutiles selon les modes et les moyens financiers, utilisant des techniques de pointe d’implantations ou de générations de tissus ? Une bonne conscience consiste à affirmer que l’on commence par les plus riches parce que cela coûte cher et qu’il faut expérimenter et, dès qu’advient une commercialisation suffisante, les coûts deviennent accessibles à un plus grand nombre mais, seulement dans les pays riches.

C’est bien contre ce qui suit qui je me révolte et que je voudrais mettre en garde. Ce sont les perversions de l’interprétation du transhumanisme dans ses possibilités de marchandisation. C’est là bien sûr, que la majorité n’y voit que le pire et n’est pas en mesure de poser une réflexion philosophique saine. Ne se poser la question qu’en matière de bien ou de mal, de meilleur ou de pire n’est qu’un raccourci sommaire qui court-circuite et se passe précisément de réflexion philosophique. En ai-je besoin si je ne suis qu’un vendeur de bagnoles, même les plus connectées, ou de casseroles connectées,  si je ne flaire que le profit financier que je peux en tirer.

Notre société dominante, marchande et consumériste, pour ceux qui la font tourner, n’a rien à voir avec une quelconque forme d’Humanisme mais, peut se gargariser de mots à la mode que l’on met sur le marché parce qu’on ne peut y voir précisément, qu’une perspective de marché. Si l’humanisme est absent, il est bien sûr que le transhumanisme ne l’est pas moins,  surtout quand on pervertit sa signification par défaut de culture et de connaissances (scientifiques) sur la matière. C’est bien contre cet extrême danger que les philosophes informés, lucides et clairvoyants nous mettent en garde. A-t-on le droit de réduire le transhumanisme à de l’utilitarisme ?

Les esprits chagrins qui n’y connaissent rien ou peu ou qui n’éprouvent pas d’intérêt pour la nécessité de la connaissance dans la matière, ne se sentant pas les moyens de se payer les bienfaits du transhumanisme comme les publicités commerciales nous les proposent, n’y voient qu’une terreur dont les avantages ne seront réservés qu’à quelques milliardaires et seulement dans les pays riches. Quant aux milliardaires des pays pauvres qui ne bénéficient pas des infrastructures dans leur pays, ils ne pourront rien faire d’autre que de s’expatrier dans les pays riches et d’abandonner les leurs à leur misère. 

Si par malheur ce n’était que cet aspect-là qui devait triompher, nous serions alors en effet, devant une catastrophe humanitaire qui accentuerait les inégalités jusqu’au désastre. Il n’y aurait que quelques milliardaires des pays riches, dépourvus d’empathie et du sens de la justice et de l’équité sociales, contre tout le reste de l’humanité, qui bénéficieraient d’être des humains augmentés par la médecine méliorative (et non simplement soignante), de forces physique et intellectuelle et d’espérance de vie, mais non de sagesse et de beauté. Une horreur économique qui dépasserait de loin celle qu’avait prévue Viviane Forester ! Alors oui, c’est le pire si nous abdiquons et que nous nous soumettons à la dictature des marchands. 

Dans ce cas, les problèmes de la croissance démographique se résoudront d’eux-mêmes puisque les plus riches qui auront droit à l’immortalité ou presque, pourront se contenter d’attendre que meurent tout simplement, ceux qui ont pour maladie de devenir vieux et mortels. Luc Ferry nous rappelle, reprenant lui-même les mots de Laurent Alexandre que « … la biologie doit être extrêmement prudente et ne jamais oublier qu’elle a été instrumentalisée pour mette en œuvre les pires folies raciales » - La Révolution transhumaniste – page 189 – Plon – Sans doute que Spinoza suivant Descartes et complétant sa pensée (Il le dit lui-même s’en référant à Descartes),  fut le premier vrai matérialiste. Bien sûr que le transhumanisme est plus singulièrement matérialiste encore que Spinoza puisque le transhumanisme ne s’appuie que sur le développement des sciences. Mais rappelons-nous tout de même ces mots de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». N’allons pas trop loin pour trouver quelque part la formule : « Scientia vincere tenebras »

Je prône donc la définition d’un comportement citoyen et responsable qui se donne les moyens de contrôler et de juguler la marchandisation du transhumanisme. Nous n’aurons jamais que la démocratie que nous nous construisons … Et peut-être celle que nous méritons. L’opinion publique accepte passivement, comme une fatalité, d’être soumise au diktat du marché, c'est-à-dire au pire. Peut-être faudrait-il un nouveau 1789 !

Un autre aspect  à propos duquel  les philosophes et les scientifiques préoccupés de la question scientifique nous interpellent, c’est sur l’extrême complexité de la question du transhumanisme qui exige d’avoir les connaissances et la culture qui permettent une réflexion éclairée. Luc Ferry et d’autres philosophes, attirent l’attention sur l’insuffisance de connaissances de la majorité.

EN CONCLUSION

Le transhumanisme transgresse toutes les religions qui pensent  que Dieu est le créateur de toutes choses. Or, le transhumanisme nous confère les moyens gigantesques de transformer la nature et d’en dominer les forces, jusque et y compris le pouvoir, avec tous les dangers que cela comporte, de nous transformer nous-mêmes. Le rêve prométhéen transgressé pour le meilleur, mais à condition qu’on le veuille ainsi et de chasser les marchands du temple !

Enfin, pour les vieux qui aiment encore la vie et disposent des moyens de bénéficier déjà des bienfaits du transhumanisme, j’oserais à peine citer encore une fois Luc Ferry, né en 1951 et moi… en 1938 : «Ayant atteint moi-même un âge canonique, je découvre il est vrai avec une certaine surprise si je me réfère à ce que je croyais 50 ans plus tôt, que je continue d’aimer la vie, que je n’ai aucune envie de la quitter et que 10 ans de plus, même vieux m’arrangeraient bien (et que dire de moi-même, alors !). Est-ce par pur égoïsme si du « place aux jeunes »  ne m’enthousiasme qu’à moitié ? Et si les riches voulaient un jour se payer eux-mêmes leur longévité, faudrait-il le leur interdire au nom de l’égalitarisme ? Faudra-t-il supprimer les soins de vieillards, mais à partir de quel âge ? Passé soixante, quatre vingt ou quatre vingt dix ans, un comité d’éthique étant-là pour décider du seuil à partir duquel on laissera mourir nos vieux ? … » - La révolution transhumaniste – page103 – Plon - Puisque c’est Luc Ferry qui le dit !

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Hé oui, pour écrire ce qui précède, faut-il déjà être dans la bonne catégorie parce que pour la plupart d’entre nous, ici, dans les pays riches, beaucoup sont tombés dans la marmite de potion magique du transhumanisme. A commencer par moi, déjà un peu transhumanisé,  remis d’une crise cardiaque d’il y a 20 ans. Dans un pays pauvres, jamais vous n’auriez pu lire ce qui précède, écrit par moi.

Longue vie humaniste et  transhumanisée à tous

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