Les citoyens haussent la voix

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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De nouvelles manières de faire entendre les voix citoyennes.

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Pas de doute, le mouvement de modernisation de notre démocratie représentative est en route. Il faut dire que le spectacle du fonctionnement lent, complexe, dispersé de nos institutions, principalement lors de la crise du corona virus, a été affligeant. Et beaucoup se gaussent du nombre invraisemblable de ministres et secrétaires d’Etat qui ont la santé dans leurs attributions… L’opacité du système alimente les critiques et exacerbe une vision populiste qui dénigre systématiquement la démocratie représentative actuelle. De plus, les longues et tortueuses négociations entre partis visant à configurer un gouvernement fédéral éclipsent celui, primordial pourtant, des parlementaires élus par cette population qui se plaint de ne pas être écoutée.

Une véritable crise de régime, selon certains.

Il s’agit plutôt d’une période propice pour proposer d’autres méthodes de représentation citoyenne, d’autres canaux pour que la population soit entendue de manière plus continue par les décideurs politiques et ce, du niveau local jusqu’au fédéral et européen.

Ainsi, l’association « Grands-parents pour le Climat » (GPC) propose une « Assemblée citoyenne interfédérale participative », adossée au Sénat, visant à intégrer le respect des ressources et des limites de la planète dans le fonctionnement de notre démocratie. Le but étant d’arriver à plus de justice environnementale et sociale.

Il ne s’agit pas, bien évidemment, de supplanter le rôle des parlementaires mais d’établir avec eux un dialogue multi-niveaux avec des citoyens qui apprennent ainsi à gérer la complexité de la gestion et de la décision politique. Outre des citoyens « grand public », il y en aurait d’autres issus du corps académique, du monde des entreprises, des milieux syndicaux et des mouvements associatifs. Voilà qui pourrait ressembler à une sorte de « service civil » - donc rémunéré - au politique.

Il ne s’agirait pas d’un lieu de bavardage ni même d’une simple fonction d’avis : l’Assemblée exercerait une veille législative puisqu’elle aurait le pouvoir de se saisir des propositions de lois, de décrets. Elle pourrait demander une nouvelle délibération afin de ramener au premier plan les enjeux de protection de l’environnement et de justice sociale. L’Assemblée aurait également un pouvoir d’initiative législatif.

Cette idée a été soumise en juillet à la Commission du Renouveau démocratique et de la Citoyenneté du Sénat, chargée d’établir un rapport d’information sur « la nécessaire modernisation de notre système démocratique en complétant la démocratie représentative par une participation accrue des citoyens dans la prise de décisions aux différents niveaux de pouvoir ainsi qu’au sein de la société. » Cette commission devrait formuler des recommandations auprès du pouvoir fédéral et des entités fédérées.

Les initiatives sont multiples et vont plus ou moins dans le même sens. Ainsi, Ecolo a déposé au Sénat une proposition de déclaration de révision de la Constitution visant à supprimer le Sénat et à le remplacer par une assemblée de citoyens tirés au sort. Ecolo imagine ainsi cette Assemblée : « 75 à 150 citoyens belges ou résidents permanents sur notre territoire, de plus de 16 ans et représentatifs de la population belge dans toutes ses composantes sociologiques. Leur mandat serait limité dans le temps, par exemple à un an (non-renouvelable), et ils percevraient une indemnité leur permettant de se consacrer plus librement à cette tâche. Ils seraient accompagnés par des experts. »

Pas question de chômer. Ecolo prévoit pour ces citoyens: le droit d’initiative législative, le droit de rédiger des rapports d’information et d’émettre des recommandations à destination des différents parlements du pays, d’être partie prenante du processus de révision de la Constitution, d’intervenir dans les éventuels conflits d’intérêts entre les différentes assemblées parlementaires du pays ou encore participer à une série de nominations au sein de hautes juridictions. Une liste nullement limitative, précise ce parti.

La Fédération Wallonie - Bruxelles a pris un peu d’avance puisqu’elle a expérimenté un Parlement citoyen en 2017. Lors des dernières élections de 2018, diverses déclarations de politique générale définies par les nouvelles majorités en place annoncent de nombreux dispositifs de participation citoyenne et démocratie participative : échevinat de la participation, budgets participatifs, commissions consultatives, panels citoyens, tirages au sort…

En octobre et en décembre 2019, Inter-Environnement Wallonie et Periferia ont réuni une trentaine de citoyens issus d'une quinzaine de communes différentes. Ils avaient expérimenté des processus participatifs. Voici quelques constats de leur part : particratie, perte de confiance envers les élus, la tyrannie du court terme, la participation faire-valoir. Ils soulignent le manque de transparence (l'accès aux informations, le suivi des politiques) et la nécessité de renforcer la culture de la participation auprès des politiques et des citoyens.

Le confinement n’a pas bloqué ce processus de renouveau démocratique puisque six rencontres virtuelles ont été réalisées. Les participants ont découvert des expériences et dispositifs de démocratie participative avec notamment, le Forum Transition ( proposition citoyenne d'une assemblée mixte interfédérale pour mener la transition écologique), le Forum citoyen namurois (8 années de lutte pour sauver le Parc Léopold et faire entendre la voix des citoyen·ne·s), les budgets participatifs, le nouveau dispositif des Commissions délibératives entre parlementaires et citoyen·ne·s tiré·e·s au sort du Parlement Francophone Bruxellois, les actions du collectif Plan B Brussels. Une sixième rencontre a été dédiée à une analyse de la crise sanitaire et son effet sur nos démocraties.

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La plupart de ces initiatives témoignent du désir de revitaliser la démocratie sans démanteler le système de représentation que nous connaissons. Bien sûr, cela devrait susciter chez nos représentants politiques le désir de collaborer avec les citoyens, de veiller à plus de transparence dans le processus de décision politique et de gestion des affaires qui nous concernent tous. Personne ne souhaite un accroissement de la complexité de notre « lasagne » institutionnelle, au contraire. Simplifier nos institutions peut se faire tout en les rapprochant du citoyen et en accroissant la confiance réciproque qui nous manque cruellement en ces temps de tourmente politique et sanitaire.

 

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