L’infirmière et le robocop

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Un face à face révélateur du déploiement disproportionné des forces de police lors de la manifestation santé en lutte du 13 septembre 2020 à Bruxelles. Photo © Gabrielle Lefèvre.

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Quelle belle journée. Soleil radieux, circulation rare au cœur de Bruxelles, musique sympa au Mont des Arts et slogans scandés avec détermination, soulignant les calicots de toutes grandeurs : le financement du secteur de la santé était réclamé à cœur et à cris ainsi que le droit au logement, l’arrêt des expulsions, l‘accueil des sans-abris et des sans-papiers, et la sauvegarde de notre système climatique, aussi important que la sécurité sociale…

 Car la santé n’est pas qu’une affaire de médecins et d’hôpitaux ; c’est un état de bien être non seulement physique et mental mais aussi social. Voilà qui explique que de nombreuses associations et des syndicats étaient présents ce dimanche 13 septembre 2020 autour du personnel de santé fortement touché par la pandémie, épuisé et sous-payé, confronté à de nébuleuses négociations politiques et économiques qui ne leur paraissent pas répondre à leurs revendications globales : la santé pour tous et des soins de qualité accessibles à tous.

Enormément de jeunes défilaient calmement, pacifiquement, avec landaus ou sans enfants, quelques personnes plus âgées (normal, le « gang des vieux en colère » était là !) Pas de quoi rassembler les forces de police du royaume. Même si les manifestants étaient nombreux et la foule très dense : 4.000, 5.000 ? Les passagers l’hélicoptère bruyant et polluant qui circulait au-dessus de nous pourraient nous le dire.

Cette densité non autorisée par le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close, a amené la direction de la manifestation à déployer le cortège de l’Albertine et le long du boulevard de l’Empereur jusqu’au niveau du siège du PS. Ce n’était pas une option politique, juste géographique. Mais là, un impressionnant cordon de policiers « robocops » a été déployé, obligeant les manifestants à faire demi-tour. Il semblerait que des membres plus turbulents d’Extinction Rébellion se soient fait remarquer. Du moins, c'est ce que prétendent certains policiers.ce qui est vigoureusement démenti par ces militants d'Extinction Rebellion (voir commentaires ci-après). Et puis, un peu plus loin, s’ouvrent les Marolles où des jeunes n’attendent que cela pour libérer leurs frustrations, angoisses, revendications, protestations, ou, pour certains, poursuivre leurs petits trafics délinquants sans être perturbés par la police. Donc, on ne passe pas et quelques deux mille manifestants reviennent vers l’Albertine.

La dispersion se faisait pacifiquement lorsque se sont alignées des doubles rangées de policiers encerclant ce qui restait de manifestants, ébahis devant ce déploiement de forces qu’ils ne comprenaient pas. Les manifestants, les touristes, les promeneurs étaient coincés sans possibilité de s’en aller. Pourquoi ? A notre question, un policier un peu gêné, nous dit qu’il y avait eu une agression contre des policiers. Un policier en civil, voyant notre insistance à comprendre la raison d’un tel déploiement, précise : il y a eu quelques gilets jaunes, de Mons, bien identifiés, qui ont lancé des bâtons et des canettes…

Bon, s’ils étaient identifiés pourquoi n’ont-ils pas été neutralisés immédiatement ? Pourquoi encercler des centaines de personnes totalement pacifiques ? « Parce que ces éléments dangereux se sont infiltrés dans la foule », nous dit-on… « Voulez-vous que des policiers soient blessés ? » Non évidement. On se demande pourtant comment ces policiers en gilets pare-balles, avec casques et visières, boucliers et matraques pourraient être blessés par des bâtons et des canettes, mais bon…

Les pauvres, sous cet accoutrement et sous ce beau soleil ils mouraient de soif. Heureusement, la distribution de bouteilles d’eau était prévue et les voilà soulevant la visière pour se rafraîchir. Quelques instants après, ordre du bourgmestre de Bruxelles leur était donné de se replier vers leurs camionnettes et de quitter les lieux pendant que ce qui restait de manifestants, infirmières et infirmiers, aides-soignants et autres professionnels de la santé, applaudissaient joyeusement cette démonstration de force parfaitement ridicule, certainement disproportionné et périlleuse : qu’aurait-on dit si une infirmière avait été molestée ?

Par terre, une pancarte : « - pour l’armée + pour la santé ».

- Pour d'autres témoignages sur la manière dont s'est déroulée la manifestation, voir le Facebook de "Santé en lutte":

 
 
 


Reportage photo © Jean-Frédéric Hanssens

 

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