Se nourrir à Madrid

À table avec l'Ogre

Par | Journaliste |
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Parfois, une brève accalmie permet de penser qu'en avril à Madrid, il peut faire beau: les terrasses sont aussitôt prises d'assaut. Reportage photographique © J. Rebuffat

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Lecture 6 min.

À en croire les guides, se nourrir à Madrid n'est guère compliqué et peu coûteux; ce serait dans la capitale espagnole que toutes les cuisines ibères se donneraient rendez-vous. Vous me connaissez: je suis méfiant. Je suis donc allé vérifier et comme on n'est jamais trop prudent (c'est surtout que j'aime cuisiner moi-même les produits locaux), j'ai fréquenté une semaine durant cafés, marchés et restaurants madrilènes, quelques interludes étant réservés à la visite des musées car l'homme, et même la femme, ne se nourrit pas seulement de pain, serait-ce sous la forme de boccadillos.

Des quoi? Des bouchées, en fait. Des petits pains généralement assez fadasses mais généreusement garnis, souvent avec le délicieux jambon local, parfois avec des calamars (délicieux à El Brillante, près de la gare d'Atocha).

Si vous voulez plus gros, les sandwiches sont à la française: des demi-baguettes. Mais bon, cela c'est pour les en-cas, quand les horaires des restaurants madrilènes vous rappellent qu'ils ne s'accordent pas avec votre horloge biologique. Prenez donc un petit déjeuner copieux avant de partir en promenade et pour cela, bien sûr, vous avez en tout premier lieu exploré les environs de votre logis: une armée sans ravitaillement, c'est la défaite assurée. Logé près de la place San Ildefonso, j'étais cerné par des Carrefour express. Et, oui, ça n'a pas l'air cher:

Juste à côté de celui de la rue San Joaquin, où la photo a été prise, il y a un boulanger qui vous compte la miche à l'équivalent de cinq litres de (mauvais) vin mais c'est du bio.

Et sur la place, une sympathique poissonnerie dont le patron, à l'inverse de la réputation faite aux indigènes (elle n'est pas toujours usurpée), est souriant, aimable et patient devant le niveau de mon castillan, très proche de celui de la mer, certes. La merveille de four de l'appartement proposant des cuissons à basse température, je ne vous dis pas le régal et d'ailleurs on a tout mangé, l'Ogresse et moi; vous n'aurez pas de photos. Rassurés sur la survie, malgré le nom du resto qui se trouve un peu plus bas dans la rue

nous avons choisi quelques ports d'attache sympathiques. Pour l'apéritif, je vous conseille la demi pression de Galicia Estrella chez Moustache et Palpitant (c'est ma traduction de Bigote et Corazon, je vous ai prévenus, mon castillan doit beaucoup à Google traduction) – mais attention, il faut demander un double (un doble, au fond, ce n'est pas si compliqué) pour avoir un demi qui est d'ailleurs un tiers (ils doivent être nuls en maths). On peut aussi y grignoter et si l'on est malin, bénéficier d'une ristourne en passant par «El Tenedor», nom local de La Fourchette ou de The Fork si vous voulez continuer en anglais.

Et ensuite? Eh bien un peu plus loin, il y a El Cocinillas, en face du susdit Carrefour, et avec du meilleur vin. Traduction? Les cuisinières, pas la cochenille. Et c'en sont, comme disait Dalila. Comme souvent à Madrid, on soupçonne qu'elles ne sont pas nées dans la capitale, et cela se ressent dans la cuisine servie, un peu worldy, si je puis parler anglais et faire un néologisme en même temps. Comptez une bonne trentaine d'euros par couvert en ne vous refusant rien. Endroit sympa et décoré dans ce style destroy new yorkais qui fait fureur dans les quartiers hypes (étonnez-vous du worldy, après).

Mais dans le quartier, il y a deux restaurants qui naviguent plus haut.

Le premier s'appelle Gastromaquia et lui aussi, subit une indéniable influence sud-américaine. Le guacamole est fabuleux (prenez la petite dose sinon comme nous vous serez calés dans les starting blocks). Doses massives tant pour les entrées que pour les plats, et nous n'avons pas fini la paëlla, enfin, pas là car d'emblée on nous a signalé que le doggy back n'était pas fait pour les chiens (écrire en anglais ne me réussit pas au niveau du cartésianisme).

Le sommet étoilé, c'est la Tasquita de Enfrente. Vous risquez de passer devant sans vous alerter, je vous montre l'entrée.

L'endroit m'avait été chaleureusement recommandé par la Madrilène au nom anglais qui était la propriétaire de l'appartement. Là, il faudra sortir nettement plus que trente ou quarante euros par plat. Nous avons pris le menu dégustation à 75 euros cafés et eau comprises; avec une bouteille de vin de Tenerife à 38 euros, je vous laisse faire l'addition (je l'ai déjà payée). Du coup, comme ce n'est pas donné, le restaurant est allègrement descendu sur les sites de voyage. Effet pervers du système! Les gens jugent dans l'absolu et collent le maximum à des semi-gargotes où ils s'en sont mis plein la panse pour la moitié de ce prix. Sept plats, pourtant, ça ne met le plat qu'à 10 euros, ce qui semble plus raisonnable. Il y a d'abord une petite mousse à l'avocat et à l'artichaut, un morceau d'anguille fumée (sublime), des asperges (parfaites) et puis on passe aux plats: un surprenant biscuit croquant d'oreilles de cochon (tout est bon dans le cochon)

de la raie aux câpres un poil trop salée et enfin, des tripes à la madrilène.

En dessert, ce que je qualifierai de nougat déstructuré:

Bien sûr, ceci ne constitue qu'un petit coup d’œil. Encore une ou deux remarques cependant. La première, c'est que les devantures intéressantes pullulent. La foule (et pas seulement les touristes) se presse dans tous les lieux où l'on peut présumer recevoir à boire et à manger. Il paraît que le Madrilène, peut-être nostalgique de la première moitié du XXème siècle, adore le vermouth.

Voici deux ou trois endroits où l'on aurait eu envie d'entrer

et enfin, l'explication du mauvais temps, on aurait dû la deviner:

Eh oui, une crêperie bretonne. Je n'ai pas osé demandé s'ils étaient supporters d'En Avant Guingamp.

Enfin, le conseil économique du jour: arpentez le marché San Miguel mais n'y achetez rien, c'est gai à visiter et hors de prix.

Les huîtres galiciennes (ou françaises) y sont plus chères qu'à Chelsea Market et je frémis encore à l'idée du prix de ce charmant poisson

Bref, de la nourriture, il y en a partout et on ne la cache pas:

Comme on dit par là: buen apetito y mucha sed.

El Cocinillas

La Gastromaquia

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La Tasquita de Enfrente

Bigote y Corazon

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