Cinquante à l'heure

Haïculs bénis

Par | Penseur libre |
le
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Lecture 2 min.

Je traverse Anderlues vers Carnières. La pensée légère. Le mur de l’ancienne mine, des maisons ouvrières aménagées, un abribus explosé, tagué.

Ça grouillait de monde il y a cinquante ans, les habitants assis sur le pas de leur porte interpellaient leurs voisins, des femmes chargées de paniers se faufilaient sur les trottoirs, on jouait bruyamment au couillon aux tables des cafés, les enfants courraient dans le moindre recoin.

Un tronc sort d’un trottoir. A ma droite. Vêtu d’un imperméable gris, un corps massif, féminin, bras immobiles, une tête ronde, des cheveux bouclés, gras. Pas de jambes. Je capte un regard. Des yeux suivent les miens sans émettre une émotion.

Cinquante à l’heure. Cent mètres plus loin. Dans la ouate de l’auto, l’image d’une béquille dans le caniveau stoppe ma rêverie. Une béquille, un tronc de femme, pas de jambes, un regard mort, le désert autour…

Cinquante à l’heure. Mille mètres. Un malaise naît et augmente. La vitesse me ralentit.

Cinquante à l’heure. Mille cinq cents mètres. Le malaise s’estompe, l’image reste. Une béquille, un tronc, un trottoir, une femme, …

Cinquante à l’heure. Deux mille mètres. Le bon samaritain s’éveille, ralentit, tourne l’auto, part en sens inverse, descend du véhicule, trouve la béquille, en vérifie l’état, l’embarque et s’éloigne.

Le désert, un tronc, un trottoir, pas de jambes…

Cinquante à l’heure.

Fromont, 2006

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