Bons et mauvais réfugiés

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Mains unies quelle qu'en soit la couleur ou trier la douleur qui fait prendre la fuite... Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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Pendant que les armes parlent, de plus en plus dangereusement, les êtres humains fuient. Mais pour aller où ? L’histoire regorge de ces fuites massives, de ces exodes parfois sans retour ou parfois brefs si les armes se taisent. En Ukraine elles parlent haut et fort et le nombre de réfugiés a déjà dépassé le million. Certaines évaluations imaginent qu’en définitive, il y aura peut-être même jusqu’à quatre millions de réfugiés. Encore que ces projections ne soient jamais que des pronostics, il est clair que c’est un déplacement de population considérable. Où vont les Ukrainiens qui quittent leur pays ? Vers l’ouest, évidemment, c’est-à-dire vers l’Europe, vers l’Union européenne, puisqu’à part la Moldavie, de ce côté occidental, ce sont des pays membres, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie qui ont une frontière commune avec l’Ukraine. L’énumération de ces pays ne présageait rien de bon quant à l’accueil de leurs voisins en quête de refuge. Qui n’a plus en mémoire les images récentes de ces migrants bloqués entre Bélarus et Pologne. Mais voilà : il paraît qu’il ne faut pas confondre migrant, fatalement venu attiré par la richesse européenne et la générosité de ses législations sociales, et réfugié, fuyant la guerre pour sauver sa peau. Et si l’objection surgit sous la forme d’un constat apparemment irréfutable, il y a d’autres conflits, Afghanistan, corne de l’Afrique, Syrie, Irak, par exemple, on entend dire qu’il n’y a plus de guerre en Afghanistan, que les migrants musulmans participent au grand remplacement ou qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde.

Évidemment l’histoire récente ne pousse pas les pays précités à adorer la Russie, surtout quand elle adopte un comportement militaire agressif dont ils ont souffert. Naturellement les gens originaires d’Ukraine ont la bonne couleur de peau, la bonne religion (ou presque) et d’ailleurs… beaucoup d’entre eux partagent les mêmes préjugés. Il suffit de relever les cas évidents de racisme dans l’organisation de l’évacuation, sans les généraliser, pour s’en douter.

Il y a plus cynique. On entend aussi que cette probable immigration ukrainienne sera de qualité : ces gens sont diplômés et travailleurs – sous-entendant que le migrant ordinaire, lui, est ignare et n’est bon à rien (sauf à produire un lumpenprolétariat bien utile dans la perspective de l’ubérisation massive). En d’autres termes : nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde mais nous accueillons volontiers la richesse des autres.

Réjouissons-nous donc que l’Union européenne actionne une directive de 2001, prise après un affreux conflit bien effacé des mémoires occidentales, qui assure une protection temporaire automatique aux citoyens ukrainiens pour un an, réjouissons-nous aussi d’observer que la diaspora ukrainienne, qui est relativement importante, se soit mobilisée (beaucoup parmi les réfugiés ont de la famille ou des contacts dans l’Europe de l’Ouest), réjouissons-nous de tous ces gestes positifs, mais n’oublions pas les autres.

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