Fais la vaisselle, Sophie

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Capture d'écran du site de la nouvelle et première Première ministre belge. Elle y croit tellement peu que ce n'est même pas indiqué sur son site officiel.

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Y a-t-il de quoi s'extasier? Quelques jours à peine après la cérémonie entourant la majorité de la princesse héritière, la Belgique a donc pour la première fois de son histoire (bientôt 190 ans qu'elle dure, tout de même) une femme Premier ministre en la personne de Sophie Wilmès.

Il y a quelque chose de touchant mais de ridicule dans cet émerveillement égalitariste. D'abord et avant tout parce que des reines et des Premières ministres, il y a longtemps qu'il y en a ailleurs. Ensuite parce que ce sont des rôles de potiche qu'on fait jouer tant à Élisabeth de Belgique qu'à Sophie Wilmès. Tout le monde sait que le pouvoir royal s'est érodé au fil des réformes de l'état et des erreurs commises par les titulaires. Rappelons que Léopold III a tout simplement failli couler le trône (sans la régence revancharde de son frère cadet Charles, où en serait-on? Il n'avait peut-être pas tort de remarquer que si sa famille de l'aimait guère, c'était pourtant lui «qui leur avait sauvé la baraque») et que l'interruption volontaire de règne de Baudouin pour éviter de promulguer la loi sur l'IVG était un acte d'insubordination que son successeur, plus malin ou moins dogmatique, son frère Albert, s'est bien gardé de recommencer – ce qui, par conséquence directe et paradoxale, n'a pas renforcé le pouvoir royal réel. Élisabeth, si Belgique il y a encore, ressemblera probablement plus à la reine britannique du même nom qu'à son ancêtre Léopold Ier, lui qui prit la tête de l'armée à peine inauguré alors que cela n'était absolument pas constitutionnel (mais c'était un excellent officier) et qui se plaignait auprès des émissaires qui venaient le démarcher que la constitution belge était «bien démocratique», le mot bien signifiant trop en langage diplomatique. D'ailleurs si la loi salique a vécu en Belgique, ce n'est pas tant que sous Baudouin, le féminisme était une valeur dominante; c'est que ledit roi se méfiait comme de la peste de voir la couronne atterrir du côté rock and roll de la famille.

Mais la reine Élisabeth, sauf regrettable accident de santé de son père, ce n'est pas pour tout de suite, alors que Sophie Wilmès occupe bien, le mot bien signifiant concrètement en langage réel, le 16 de la rue de la Loi, déserté par un Charles Michel en partance pour la présidence européenne, ce qu'une éminente femme politique n'a pas hésité, du haut de ses 91 ans, à considérer comme «un abandon de poste».

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La Belgique, en effet, n'a plus l'air d'intéresser personne, hormis les éditorialistes de la presse francophone. Voici presque un an que le gouvernement fédéral est en affaires courantes et six mois qu'après les élections, des informateurs et des préformateurs essaient de trouver une solution à une crise qui n'émeut guère, à l'inverse des deux précédentes. C'est ce ministère-là qu'on vient de confier à Sophie Wilmès, soit une équipe dont les membres s'en vont tour à tour comme les musiciens dans la symphonie des adieux et dont l'avenir, dans toutes les hypothèses, est extrêmement limité.

Deux belles victoires, en effet. En somme, on a pris des femmes pour ranger le bordel ambiant. Comme dans une bonne vieille tradition machiste. Si l'homme cuisine, la femme fait la vaisselle. Et si la femme cuisine, elle fait la vaisselle.

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