La liberté. Ou autre chose...
Les récentes mesures d'allègement des contraintes sanitaires font souvent pousser un soupir accompagnant un commentaire du genre enfin la liberté, il était temps! Mais à la réflexion, si l'on comprend et on partage ce soulagement, l'analyse est trop courte. La liberté, ce n'est pas de pouvoir se rendre au restaurant, au cinéma ou à la salle de fitness; tout cela est parfaitement possible dans les pays totalitaires. La notion de liberté n'a au reste de sens que si elle s'appuie sur d'autres valeurs. La liberté du renard libre dans le poulailler libre est-elle idéale? D'où évidemment la trilogie liberté-égalité-fraternité.
Ce qui a le plus manqué, en fait, durant ces deux périodes de confinement (très différentes entre elles, ne l'oublions pas), ce n'est pas tant la liberté qu'autre chose. Et à qui estime (c'est assez fréquent) que la pandémie a fourni un prétexte en or aux pouvoirs publics pour rogner les libertés, on peut rétorquer, tout en admettant qu'il y a en effet parfois eu de quoi se poser des questions, que d'autres pouvoirs, le judiciaire ou l'Europe, a posé des balises en observant où la mise était dépassée, que ce soit en matière de libertés publiques ou de respect des traités.
Non, ce qui a manqué, ce n'est pas tant la liberté que les rapports humains, la fraternité, pour reprendre la trilogie. Les autres ne sont pas que l'enfer dont parlait Sartre, ce sont plutôt d'autres moi-mêmes, comme Aragon l'écrivait. Dans l'histoire, bien sûr, il y a eu des précédents. Mais le XXIème siècle est numérique et jamais l'humanité n'a été autant aidée et protégée par la technologie et le numérique, dont on dénonce les risques – eux aussi bien réels pour les libertés: pourquoi Google peut-il savoir où je me trouve plutôt que le gouvernement? – mais dont il faut également savoir reconnaître les avantages. Sans le télétravail possible, sans le vaccin rapide, pour combien de temps en aurions-nous encore et quel niveau de létalité la pandémie aurait-elle atteint? La première condition pour jouir de ses libertés, c'est d'être en vie.
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