La presse décrédibilisée. Mais nous, alors?

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Le journaliste 2017 vu par Jean-Claude Salemi

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L'heure est grave. Je ne fais pas allusion aux actualités du jour (l'inauguration de Donald Trump, la curieuse campagne française ou les avalanches meurtrières en Italie). Je parle de la presse en général et de votre site préféré en particulier: celui-ci. Quelle réponse apporter à la décrédibilisation journalistique (qui fera l'objet d'un prochain débat) si ce n'est des réponses comme celles que vous avez sous les yeux? Or sans un minimum de moyens, l'artisanat n'a aucune chance de survie, même si nulle ambition économique n'habite les professionnels qui l'animent.

La société s'ubérise. Tout le monde est chauffeur, vendeur, hôtelier, cuisinier ou journaliste. Cela ne va pas sans poser de questions sur la loyauté des concurrences, sur les normes à respecter et sur les compétences à acquérir. Pour dire vrai, même "Entre les lignes" n'échappe pas à ces critiques. Car journalistes nous fûmes, nous sommes et nous resterons et si personne ne discute nos parcours, certains déplorent ce qu'ils considèrent comme une concurrence déloyale dans la mesure où nous captons un public significatif sans en vivre et que dès lors, cette audience n'est plus disponible pour des activités du même ordre qui permettent à des confrères d'essayer d'en vivre. Ce paradoxe ne nous a pas échappés et nous aimerions en effet pouvoir nous aussi rémunérer décemment de jeunes confrères, qu'ils écrivent, photographient, filment ou dessinent, sans compter, si je puis utiliser ce vilain mot, les frais inhérents à l'hébergement, à la maintenance et à la diffusion d'un site d'une certaine ampleur.

Pourquoi, dès lors, nous obstinons-nous? Pas parce que nous nous croyons fatalement meilleurs, plus intelligents, plus drôles, plus impertinents ou plus pertinents que les autres, non. En partie parce que nous avons envie de nous exprimer individuellement, d'accord, mais surtout parce qu'il faut réinventer un métier, celui d'informer, et que nous constatons que notre petite pierre peut être utile à l'édifice – bref, que nous avons une réelle utilité sociale. La presse, aujourd'hui, je prends le mot dans son sens le plus large, est décrédibilisée. Plusieurs maladies la minent. Ne faisons que les évoquer: la faible rentabilité, la collusion réelle ou supposée avec des intérêts économiques et politiques, le manque de modèle économique ou la difficulté d'imaginer ce qu'il faut faire pour sortir de cette crise. Tout évolue et la presse également. Dans les tendances actuelles, il y a du positif. Le datajournalisme, par exemple, offre des points de vue neufs et intéressants. Mais il y a aussi du contestable. Pourquoi cette aversion pour l'écriture, pour le ressenti, pour l'originalité? À titre personnel, j'ai fait ce métier parce que j'aimais écrire et je n'écris pas que des articles. On est souvent étonné quand j'explique qu'être peu ou prou poète aide à être un bon journaliste: un regard sur le monde et sur les gens, un sens de l'ellipse, du détail qui compte, de la formule qui touche, ce n'est pas rien. Où sont, dans les rédactions, les écrivains, les artistes, les promeneurs, les fantaisistes? Morts sur l'autel de la détestation de ce qui est pris pour du dilettantisme, un luxe désormais impayable, est-il proclamé, dans un milieu où l'avis éclairé doit être pontifiant et où la langue de bois finit par donner au lecteur, au spectateur ou à l'internaute la gueule de la même matière.

Vous n'êtes pas d'accord? Ou au contraire, vous approuvez le sens de mes paroles? Venez-le dire à "L'Architecte" le dimanche 29 janvier à 11 heures à l'occasion d'un débat qui est organisé autour de la sortie de deux livres que j'ai écrits, un recueil de poèmes, "L'Heure du bouclage", et un "Testament journalistique" qui montre par l'exemple comment on peut être journaliste de nos jours. La presse décrédibilisée? Ce n'est pas tant que nous soyons masochistes mais lucides et à la recherche de solutions. Dont vous pouvez être.

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