L'air impur des campagnes

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

La lumière a beau briller dans les ténèbres, le tableau est sombre. Photo © Jean Rebuffat

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Deux grands pays. Deux grandes démocraties. Deux états qui ont déterminé l'histoire: l'indépendance américaine, la Révolution française... Deux nations dont on attend quelque chose en plus, de l'ordre de la morale et de la grandeur. D'où vient alors ces deux campagnes électorales irrespirables?

Les opinions publiques sont claires: les prochaines élections présidentielles américaines et françaises se joueront avec des candidats dont elles ne veulent pas. Or le sentiment d'avoir à choisir non pas le meilleur mais le moins pire est délétère. Comment l'éviter? En apparence, tout se déroule dans le meilleur des mondes possibles. On organise très démocratiquement des préliminaires très démocratiques  à ces élections très démocratiques. Les camps y sont supposés choisir leur champion. Et voilà que surgit l'épouvantable Trump, et voici que revient le clan Clinton, tandis que Sarkozy, dans un tintement de casseroles, se rase à nouveau en pensant à l'Élysée et que Juppé sort de la naphtaline dont l'odeur semble enivrer ou anesthésier une partie importante de l'Hexagone. En face Hollande joue jusqu'à l'absurde le rôle du père Ubu dont il reprend tous les jours un peu plus jusqu'à l'apparence physique et livre longuement ses émois à des journalistes qui n'en demandaient pas temps, Montebourg cherche ses Armorlux, Mélenchon joue les Hedebouw et Macron chante les joies introuvables de la gauche rothschildienne.

On ne joue pas avec les urnes. Au mieux il y a discrédit, au pire il y a l'aventure. Demandez aux Britanniques avec leur Brexit inattendu et bricolé! Si l'on observe les choses sous un angle transatlantique, on peut dire que Donald Trump est pire que Marine Le Pen et que le bilan du quinquennat de François Hollande n'est pas déshonorant. (Celui de Jospin ne l'avait pas été non plus. On sait ce qui est arrivé.) Mais cela pèse quoi? Rien. On n'est pas élu sur un bilan mais on est battu sur les inévitables écarts entre ce qui fut promis et tenu. Les programmes sont fouillés, bureaucratiques, électoralistes mais surtout scrutés, analysés, guettés. Le changement, à ce rythme, n'est jamais maintenant et dans la foulée, sauver une bonne partie des meubles essaie de déjà passer pour un exploit alors que l'on désire un nouveau mobilier. Cette construction élective avec ce tour préliminaire, pour lequel il est déjà difficile de se qualifier, finalement, étire le processus. On vit en campagne électorale tout le temps. Le Maire pense déjà à 2022, Valls aussi, et voulez-vous parier que Michelle Obama se verrait bien en première présidente noire des États-Unis? En 2024. Cette impression de carrousel, où tournent inlassablement les mêmes, donne le tournis. Les sondages, qui valent ce qu'ils valent, c'est-à-dire peu, participent à la fête. Étonnons-nous, dès lors, dans cette société-spectacle où il n'y a plus de discrétion, où même les présidents épanchent leur pensée comme s'ils postaient un billet sur leur mur Facebook (vous imaginez Mitterrand livrer ses mots d'amour de la sorte?), étonnons-nous si le critère principal de choix de l'électeur ressemble à l'élan qui nous fait liker (quel vilain mot!...) sur les réseaux sociaux. Le buzz prend le relais de l'infotainment. Que garde-t-on des débats? Les petites phrases. Des tweets, quoi. Essayez de résumer Montesquieu, Toqueville ou Marx en cent quarante signes. Et quand vous y serez, qui aurez-vous pour vous gouverner?

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