L'arithmétique pharmaceutique

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Treize à la douzaine, le truc commercial est vieux comme le monde. Il y a cependant un domaine dans lequel ce type d'argument publicitaire est proscrit: l'industrie pharmaceutique. Alors que commençait la vaccination avec les deux premiers vaccins agréés, le Pfizer-BioNTech et le Moderna, et que la planète tremble à la perspective de la contagion accrue du variant anglais qui pourrait aggraver la pandémie de Covid-19, une bonne nouvelle tombait: avec un peu d'adresse, il était possible d'extraire six doses du petit flacon Pfizer supposé en contenir cinq. Perrette allait au marché avec son pot au lait quand patatras! la firme pharmaceutique fit savoir qu'elle vendait des doses, pas des flacons, et que donc elle réduisait d'un sixième les quantités à fournir. Passons même sur les complications que cela peut induire dans les campagnes de vaccination: il allait sans dire, probablement, donc il n'était pas dit que le bénéfice était accru d'autant. Allons, mauvais esprits, qu'allions-nous sous-entendre là? Non, les doses ainsi économisées allaient pouvoir être expédiées vers les pays en voie de développement, comme dit l'euphémisme. Expédiées, c'est-à-dire vendues. Ah, et à quel prix?

Là c'est plutôt la cour de récréation qu'il faut appeler à la rescousse pour s'exclamer: mystère et boule de gomme! Je dirais même plus, ajouterait Dupont avec un t comme trésorerie, mystères et boules de gomme, car des prix demandés par les firmes et/ou négociés par les états ou des groupes d'états dont l'Union européenne, que sait-on? Rien. Ou presque. Une secrétaire d'état flamande a bien twitté quelque chose, qui a été presque aussitôt retiré, d'où il apparaît que l'UE négocie mieux que l'administration Trump, selon le Washington Post, mais peu importe car sur le plan des principes, ce qui ne va pas, c'est l'opacité la plus absolue qui entoure ces marchés financiers se chiffrant en centaines de millions d'euros, voire en milliards. Le coup du 6=5, estime Libération, pourrait faire monter les bénéfices de Pfizer d'un milliard et demi d'euros.

Entendons-nous: tout le monde sait que l'industrie pharmaceutique n'a jamais été un parangon de vertu ni un exemple de philanthropie ou de désintéressement. C'est une des raisons de la méfiance populaire vis-à-vis du vaccin, d'ailleurs. Personne ne s'attendait donc à ce que soudain, devant ces marchés qui s'ouvraient, Big Pharma sacrifie ses habitudes et ses perspectives. Les défenseurs de la libre entreprise parleront évidemment d'investissements, de recherche, de risque, etc.; les partisans des services publics dans certains secteurs cruciaux feront valoir qu'il faudrait peut-être y penser à nouveau, comme aux circuits courts; les pragmatiques concluront qu'on n'avait pas le choix. Soit. Le cynisme a encore de beaux jours devant lui et charité bien ordonnée... Il n'empêche: pour la plus grande part, c'est de l'argent public qui paie ces campagnes de vaccination, même dans des pays ultra-ultralibéraux. Son emploi ne devrait pas être du domaine de l'incontrôlable, du secret, de l'opaque, du secret-défense. À prix coûtant, clamait la com, l'enjeu est tellement important! Évidemment, si le prix coûtant englobe les bénéfices et que ceux-ci sont énormes, c'est à prix coûtant. Je dirais même plus, dirait Dupond avec un d comme dollar, c'est à coût tant pris.

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