Le roi est mort, vive le roi

Poing de vue

Par | Journaliste |
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L'héritage culturel de Jacques Chirac, c'est le musée du quai Branly, consacré aux arts premiers. L'homme feignait d'être inculte mais, disait de lui François Giroud, "était de ceux qui lisent Saint-John-Perse en cachant le recueil derrière un Playboy". Photo © Jean Rebuffat

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Succéder à l'un des deux géants de l'histoire de France de la deuxième moitié du XXème siècle n'était certes pas une sinécure mais Jacques Chirac tint tout de même douze ans à la tête de la République française, servi certes par la chance et les erreurs des autres, mais aussi par une envie de pouvoir gigantesque – on devrait dire un appétit, puisque l'homme était également un glouton – et par une persévérance frôlant l'obstination, le tout enrobé d'un mépris souverain pour toutes les contingences matérielles entourant les fonctions qu'il exerça.

Il fut pourtant un piètre maire de Paris et un président dont les fulgurances, les formules et un pré carré de quelques honorables convictions fortes ne peuvent cacher la maigreur du bilan.

Pourtant, le «Supermenteur» touchant à un moment donné un taux plancher de confiance de 7%, en mourant à 86 ans après une vieillesse égrotante qui l'avait éloigné du monde, vient de déclencher une vague d'émotion qui n'est pas feinte et qui est poussée, bien entendu, par cette politesse funéraire qui veut qu'on ne dit pas de mal d'un mort. Pourquoi? Car ce redoutable tueur, qui fit voter Giscard contre Chaban, en sous-main Mitterrand contre Giscard et enfin, plus clairement Hollande contre Sarkozy, était éminemment sympathique. Qu'on me permette un bref témoignage personnel: j'ai rencontré Jacques Chirac une seule fois dans ma vie, alors qu'il était maire de Paris, et je dois lui reconnaître que cette empathie et ce sens de l'écoute était réel. Il ne donnait pas le moins du monde l'impression qu'il se forçait dans le sourire et l'attention. Quand il posait une question, ce n'était pas pro forma; il attendait la réponse.

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Certes on peut rétorquer qu'il avait le charme des escrocs, qui vous dépouillent en souriant, mais ce serait une erreur de perspective; il restait en cet homme comme un fond de candeur qui parfois valait l'estime et un courage intermittent qui aurait pu lui en cuire. Il vota l'abolition de la peine de mort, refusa de guerroyer en Irak ou reconnut la part française dans les horreurs vichyssoises face au vent dominant.

Il y a aussi une part de cette nostalgie qui dépasse l'idéalisation du passé et qui tient de la suite des événements. Les présidents suivants ont eu, à tort ou à raison, une image terne ou désastreuse. Finalement, peut-être n'était-il pas si facile de succéder à Jacques Chirac non plus...

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