L'incrédulité vaccinale

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Extrait d'un tableau d'Edelfelt montrant Pasteur dans son laboratoire (D.R.)

commentaires 0 Partager
Lecture 3 min.

L'heure du vaccin a sonné. Problème: on n'y croit pas assez. De doctes collègues notent avec une satisfaction à peine rentrée que c'est un vrai problème de communication, puisque jusqu'ici, les autorités n'ont pas bien communiqué, sans se poser la question de savoir si les médias ont été tellement meilleurs et sans observer que face à une menace neuve et mal circonscrite, l'apprentissage se fait fatalement comme pour toute chose: par essais et erreurs. Seul un régime totalitaire ne se trompe jamais.

Conscients de l'impossibilité d'en imposer l'obligation à chaque citoyen, les pouvoirs publics insistent sur le côté facultatif de cette vaccination. Ils tablent sur le fait qu'un nombre raisonnable de citoyen.ne.s se feront vacciner pour atteindre sinon une immunité collective totale du moins une immunité suffisante pour laisser le Sars-Cov-2 n'agir qu'en bruit de fond. D'autre part, ils sont tout aussi conscients de l'impossibilité de persuader les opposants et de la difficulté de faire adhérer les hésitants à la perspective – gratuite – de se faire vacciner. Convaincre un terre-platiste que la planète est ronde est de l'ordre du miracle. La foi résiste longtemps à la connaissance réelle du monde. Dès lors la campagne d'information va probablement s'axer sur l'idée que le vrai risque du vaccin, c'est de le refuser. Un vaccin, c'est toujours une prise de risque, une sorte de pari de Pascal. Le type d'argument contre le vaccin ressemble à celui qu'on entendait voici un demi-siècle quand il fut question d'imposer le port de la ceinture de sécurité. Qui la refusait – appelant la liberté individuelle à la rescousse – citait volontiers l'exemple mythique de la personne qui avait eu la vie sauve en étant éjectée. Cela prête à sourire aujourd'hui car la ceinture est entrée dans les mœurs et les statistiques indiquent à profusion le gain en vies humaines que cette mesure, suivie de plein d'autres également peu populaires, a pu provoquer.

Cependant cet exemple pose un second problème: comment se fait-il, s'il est scientifiquement admis que la vaccination est un énorme bienfait pour la santé publique, qu'il y ait tant d'indécis et d'hésitants?

Toutes les raisons ne sont pas anodines. Il y a d'abord une méfiance sociale fondée vis-à-vis d'une industrie pharmaceutique aux énormes profits et aux manières scélérates (Big Pharma, comme on lit fréquemment). Il y a aussi des craintes liées à deux faits indéniables pour qui veut bien ne prendre en considération que les faits (encore une fois, écartons les antivax primaires, rien des faits ne les ébranle). Ces vaccins ont été mis au point dans des délais extrêmement courts qu'on croyait impossibles. Comment est-ce possible et est-on sûr que les processus habituels ont été respectés?

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !

Ce sont des questions valables. Les écarter d'un revers de manche, c'est échanger une crédulité contre une autre. Quand les autorités russes ont annoncé l'existence de leur vaccin, sciemment baptisé Spoutnik, on a d'ailleurs entendu en Europe occidentale et en Amérique des experts mettre cette information en doute et parler de précipitation et de manque de contrôle. Leur incrédulité provenait peut-être d'un vieux réflexe anti-soviétique mais elle existait et il ne faut pas s'étonner qu'elle subsiste de façon générale.

Le second fait réside dans la structure même du vaccin, qui use d'une méthode nouvelle basée sur l'inoculation d'ARN messager. Manipulation génétique dont on mesure mal les risques, entend-on parfois. Pourtant quand Pasteur, sur la fin de sa vie, parvint par un vaccin à juguler la rage, c'est parce que le savant (au-delà de traits très contestables) était tout simplement un chercheur novateur. L'esprit humain se méfie de l'innovation qui n'est souvent appelée à la rescousse qu'en tout dernier recours, quand, selon l'expression consacrée et très parlante, on ne sait plus à quel saint se vouer. On n'y croit d'abord pas, puis on crie au miracle, puis la chose entre dans le domaine du banal.

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte