L'odeur de l'andouillette

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Improbable comme l'histoire, enfin, l'histoire telle qu'on nous la raconte... Photo © JFH

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Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément... Mais comme le faisait remarquer Louis Scutenaire,  "malheureusement, nous ne saurons jamais à coup sûr ce que Boileau entendait par se concevoir, bien, s'énoncer, clairement, mots, dire, arriver et aisément". Pourquoi ce rappel dans le contexte des affaires qui secouent la France et la Belgique depuis la fin de la trêve des confiseurs? Parce que le discours tant médiatique que politique adore la métaphore. La métaphore, c'est - en voici une, je vais en user largement - une comparaison 2.0. À moins qu'il ne s'agisse déjà ici d'une catachrèse, tant cette expression est entrée dans le langage courant. François Fillon parle de la chasse à courre dont il serait le renard et dont la meute, paradoxalement, serait composée de loups et non de chiens. Depuis cette fin de semaine et les nouvelles révélations du Canard et de France 2, la droite défend son champion et se mobilise; aussitôt j'imagine moi-même tous ces vassaux appelés à la rescousse armés de piques courir derrière lui et naturellement tous prêts à les enfoncer, ces piques, dans le dos du menteur par omission. Le prince qui perd une bataille gagnée d'avance ne peut s'attendre à la pitié; il est littéralement à la merci de ses fidèles, qui n'en auront aucune et lui deviendront infidèles. Le problème, et c'est le même en Royaume de Belgique qu'en République française, c'est qu'il faut asséner de nombreux coups de boutoir successifs pour défoncer la porte solide des défenses insincères. Pire - ah, là, Georges, c'est un calembour - on attend généralement pour agir qu'elle soit complètement fracassée et, pour ainsi dire, transformée en allumettes avec lesquelles on mettra le feu au château. Regardez qui est derrière le boutoir: mais oui, vous l'avez reconnu, c'est le preux chevalier blanc, le journaliste en personne - comme si lui-même n'avait aucun intérêt en la cause. Car ces révélations s'orchestrent en un crescendo harmonieux: c'est vendeur, il n'est pas nécessaire de recourir à l'esprit partisan pour expliquer la chose, pas plus qu'il ne faut croire en l'absolue pureté de l'intention. La gloire et l'argent sont des moteurs majeurs dans les deux mondes entremêlés. Le pouvoir de déboulonner les idoles est jubilatoire et payante est la leçon de morale.

Ah, la morale! "Je n'ai rien fait d'illégal", c'est le refrain du jour et il n'y a pas qu'en France que tout finit par cette chanson. Voire! Peut-être ni François Fillon, ni Stéphane Moreau, ni Armand De Decker, ni etc., etc., n'ont-ils rien fait d'illégal. Mais le droit est lui-même en quelque sorte la métaphore de la morale courante. Et celle-ci est de moins en moins coulante, à moins qu'elle ne le soit justement que dans l'acception du nœud de la corde qui va servir à l'exécution. Le droit et la morale interagissent, bien sûr, il y a toujours un effet retard. L'éthique ne se conçoit que dans l'optique de l'analyse Scutenaire: nous ne saurons jamais à coup sûr ce qui est entendu par là. Elle a d'ailleurs des exigences à géométrie variable. Marine Le Pen a usé d'emplois fictifs et cela passe inaperçu, ou presque. Aux yeux de ses partisans, qui ne voient que ce qu'ils veulent voir comme le sourd de Molière ne voulait entendre, le chevalier blanc est le prince noir et sa vérité, un complot de l'établissement.

Alors non, François Fillon n'a rien fait d'illégal en créant une société de conseil juste avant que ce ne soit interdit aux députés, Stéphane Moreau a le droit légal d'être riche et Armand De Decker peut être un avocat aux honoraires himalayesques, pour ne prendre que ces trois exemples. D'ailleurs les accusés ont même le droit de mentir: ils ne prêtent pas serment. Hélas, les fausses notes rendent la musique inaudible. Et l'odeur de l'argent dont les trois personnes précitées garnissent leurs comptes en banque me fait penser à Édouard Herriot: "La politique, c'est comme l'andouillette: ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop".

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