M. Tout le Monde n'est pas n'importe qui

Poing de vue

Par | Journaliste |
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L'homme de la rue est-il le peuple? Photo © Jean - Frédéric Hanssens

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Peuple, nation, patrie, démocratie, ... mais aussi populace, vulgaire, populisme, populaire, démagogie: comment un mot et ses synonymes peuvent-ils être aussi contradictoires? Il faut se référer au peuple sans être populiste, en résumé. Que veut le peuple? À cette question fondamentale, tant de réponses...

L'ambiguïté ne date pas d'hier. En 842, dans les serments de Strasbourg, dont on fait usuellement le début de la langue française, elle est déjà présente. C'est que la notion elle-même est polymorphe, tantôt positive, tantôt négative, mélangeant des éléments positifs d'appartenance et des éléments négatifs liés au nombre (les classes populaires, la masse populaire est par essence la plus nombreuse). Comme si en réalité, on voulait à la fois s'identifier à la masse et s'en distinguer par des caractéristiques personnelles propres. Bref, être à la fois tout le monde et une élite. On comprend dès lors l'un des points faibles des démocraties représentatives: si on ne peut s'identifier aux mandataires, cela tourne mal et le système dysfonctionne, ce qui est clairement le cas dans l'histoire en train de s'écrire de ce début de siècle. Les Pays-Bas, la Belgique et la France en donnent de parfaits exemples ces dernières semaines et les leçons du scrutin néerlandais qui vient de se tenir ont surtout été tirées dans cet esprit. Le Premier ministre Mark Rutte a parlé de la défaite du mauvais populisme, celui de Geert Wilders, parce que le parti de celui-ci, pourtant en très nette progression, n'était pas parvenu à prendre la première place que lui-même a gardée au prix d'un recul très net, tandis que son principal allié, le PVDA socialiste, s'effondrait façon Pasok ou PSOE. Aussitôt, les éditorialistes s'agitent: y aurait-il un bon populisme, puisqu'il y en a un mauvais? On peut éviter éviter la question d'une pirouette: le populisme, c'est comme les Indiens; pendant la conquête de l'Ouest, on entendait dire que le seul bon Indien, c'était l'Indien mort. En réalité, le problème est plus compliqué. Le populisme est souvent présenté comme le faux nez de l'extrême droite. Il l'est, bien sûr, mais le paysage politique ne se résume pas à un clivage populistes/démocrates. Il y a dans nos démocraties occidentales plusieurs clivages perceptibles: l'attitude face à la mondialisation, l'acceptation ou le refus des frontières pour les biens et pour les gens, le rapport face aux religions, et d'autres encore, qui se superposent au traditionnel et réducteur gauche/droite, qui n'est pas seulement progressisme/traditionnalisme. Toute le monde se veut moderne, en prise avec son époque, et cela ne signifie pas accepter l'air du temps comme il est. On voit bien, par exemple, que les problèmes environnementaux comptent réellement. Or on pourrait très bien décrire l'essor de l'agriculture bio comme un retour en arrière ou comme un caprice de riche...

Tout cela donne, vu de l'extérieur, une impression générale de cafouillage qui décrédibilise des systèmes dont la finalité apparaît trouble. Les affaires récentes comme Fillon ou Publifin accréditent l'idée d'une nouvelle oligarchie au mieux déconnectée du peuple, au pire prédactrice et concussionnaire. L'exigence de transparence, même rencontrée, ne sera pas suffisante pour rassurer les opinions, ceci d'autant qu'elles aussi ne sont pas à l'abri de tout reproche. La tentation du clientélisme la guette, pour ne citer que ça, et à la limite, comme on l'entend parfois, on pourrait même argumenter que la sécurité sociale a transformé nos sociétés en ensembles d'assistés. Mais qui renoncera aux allocations familiales?

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