Penelope Furlan

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Voilà comment Honoré Daumier voyait Pénélope.

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Tant la Belgique que la France sont secouées cette semaine par deux affaires où probablement rien d'illégal n'a été commis mais où l'éthique est bafouée. Comme d'habitude, on nous promet que c'est la dernière fois. Ce qui à force finira un jour par arriver.

On connaît le raccourci: tous pourris. Ce qui profite à l'extrême-droite, dont les leaders ne sont guère plus virginaux que les autres. Mais comment la classe politique ne peut-elle comprendre que les opinions publiques sont excédées et que les critères de bonne conduite exigés sont de plus en plus stricts? Et pourquoi les médias s'arrêtent-ils à la dénonciation dont on sait qu'elle signifie condamnation? Car en la matière, il y a une sorte de triangle interactif qui s'est mis en place. Le rôle de la presse, certes, est de mettre à jour les dysfonctionnements, les anomalies ou les malversations. Ce premier rôle est parfaitement rempli dans les deux pays cités et c'est tant mieux. C'est d'autant mieux que les opinions publiques, en effet, changent elles aussi. Ce qui était perçu jadis par elles comme des fatalités inhérentes au système n'est plus accepté, surtout en politique et même en économie (où là, il reste du chemin à faire, il n'y a guère que les parachutes dorés qui choquent). C'est la révolte du pot de terre qui en a marre de se faire broyer par le pot de fer, surtout dans un univers où les pots de fer sont en acier inoxydable et pèsent de plus en plus lourd. Les scandales ont toujours existé mais au rythme où l'on va, bientôt, on finira par trouver indécent qu'un homme politique gagne sa vie en faisant de la politique. Il est pourtant normal de payer comme des cadres majeurs des gens qui exercent des responsabilités importantes. Sinon, seuls les riches comme Donald Trump pourront devenir des hommes politiques. Certes, ils ne sont pas tous compétents. Dans les entreprises, n'y a-t-il que des cadres performants? Pourquoi devrait-on payer cinq ou dix fois moins un ministre qu'un directeur dans une grande entreprise? Si l'on veut ne ramasser que les médiocres dans les fonctions électives et exécutives, on n'agirait pas autrement.

Mais cela posé, si bien payer est nécessaire, c'est dans tous les sens du mot bien. Ni trop, ni trop peu, et surtout pas avec ces à-côtés qui permettent à d'aucuns de cumuler en effet des rémunérations méritées avec des prébendes organisées comme telles. Cela nécessite une réflexion en profondeur. Or les médias cèdent à l'émotion et préfèrent la sensation d'un titre à une analyse correcte dans le corps d'un texte que dix pour cent des lecteurs, au mieux, parcourent jusqu'au bout. Exemple: le plafonnement à 100% que le PS belge impose à ses élus par rapport au montant d'un mandat ministériel ou parlementaire connaît quelques exceptions qu'à la réflexion, on peut comprendre. Titrer sur quelques exceptions est à mon sens une mauvaise action démocratique. Le rôle de la presse n'est pas de décider non plus, ni qui est vertueux ni ce qu'il convient de faire, mais de relater des faits et de fournir des éléments de réflexion, bref d'ouvrir le débat au lieu de le fermer d'un édito bien asséné.

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Le débat vaut la peine. Il est clair que rémunérer une femme au foyer, comme elle-même et son mari la définissent, à des tarifs de cadre supérieur et lui offrir des piges qui font tourner la tête, et en admettant, ce qui n'est pas encore déterminé, que ce ne soit pas illégal, c'est détourner l'esprit de la loi. Il est évident que construire des nébuleuses d'entreprises qui finissent par sortir des basses contingences réglementaires et qui permettent de contourner les règles de rémunération, c'est faire exactement ce qu'on reproche aux montages des paradis fiscaux. Qu'un ténor discret du PS belge gagne énormément d'argent n'est pas en soi choquant, pas plus que les honoraires d'un avocat MR cher et puissant; ce qui est choquant, dans tous ces cas évoqués, c'est que cela se fasse dans un silence absolu et sans que les moyens de contrôle démocratiques ne puissent jouer avant qu'un journal ou l'autre, le plus souvent informé par un ennemi de celui qu'on veut abattre, ne découvre la chose.  Ce qui est irritant, c'est la répétition de ces événements, de ces révélations, de ces polémiques incessantes qui entretiennent la gueule de bois générale dans un monde morose. Alors tant qu'à édicter de nouvelles règles de bonne conduite, autant qu'elles soient simples, claires et rigoureuses. Et surtout publiques. Car sur ce point tout le monde joue sur les mots. Il y a énormément de renseignements sensibles qui sont accessibles, mais c'est difficile et le risque d'erreur est grand. Autant que les principaux intéressés s'y mettent d'eux-mêmes au lieu de dire "Je n'ai rien fait d'illégal" ou "Je n'étais pas au courant mais je n'ai pas fait grand-chose pour me mettre au courant".

Alors Pénélope fera et défera sa tapisserie et Ulysse tiendra tête aux sirènes sans devoir être cloué au pilori.

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