S'abstenir de s'abstenir

Poing de vue

Par | Journaliste |
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On dit depuis longtemps que le parti des pêcheurs à la ligne est le premier parti de France. Le sera-t-il aussi en Belgique? Photo prise au lac de Bambois Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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Il suffit de se promener quelques minutes sur les réseaux sociaux pour trouver une kyrielle de messages désabusés d'internautes annonçant que puisque c'est comme ça, vote obligatoire ou non, d'ailleurs, ils ou elles s'abstiendront le 26 mai. Poussons le raisonnement jusqu'à l'absurde. Mais d'abord observons qu'il ne date pas d'hier.

Le slogan élections piège à cons ou la formule si les élections servaient à quelque chose, il y a longtemps qu'on les aurait supprimées, on les entend depuis le XXème siècle, voire même depuis le dernier quart du XIXème. Si le suffrage universel est constamment cité parmi les grandes conquêtes de la démocratie, et si même le populisme ne veut surtout pas le supprimer, espérant qu'il lui servira et cherchant surtout à le dévoyer, il n'a parfois suscité que mépris ou méfiance de la part de certains progressistes. C'est pourtant désespérer de la nature humaine – et quelque part se sentir plus important que le vulgus pecum – que de croire que les masses, n'étant pas éclairées, voteront toujours dans un sens conservateur. Cet argument a retardé le vote des femmes de façon considérable: elles allaient voter comme le curé suggérait.

On constate aujourd'hui un regain de cet abstentionnisme un peu snob tant en France qu'en Belgique, où les systèmes électoraux sont pourtant diamétralement opposés, depuis l'obligation du vote jusqu'au type de scrutin, à l'exception des européennes, où, c'est le monde à l'envers, les Européens vivant en République auront droit à un scrutin proportionnel alors que ceux qui résident dans le Royaume auront droit à des circonscriptions communautaires, aux sièges cependant dévolus à la proportionnelle dans l'une et l'autre. C'est que la désillusion qui guette prend en tenaille le système représentatif. D'un côté, on fabrique des majorités législatives et exécutives nettes qui ne représentent pas une majorité sociologique; de l'autre, des coalitions composites où nul programme ne satisfera jamais la majeure partie des électeurs.

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On peut comprendre que voter pour la solution la moins pire, à défaut de voter dans l'enthousiasme, ait un côté rébarbatif. Pourtant, à bien y réfléchir, et c'est bien pour cela que les référendums à tout va risquent fort d'être destructeurs, voter c'est souvent choisir d'éviter quelque chose plutôt qu'imaginer que sa weltanschauung va triompher – et en ce sens, c'est une leçon de tolérance. Pourquoi un compromis serait-il par essence coupable? Ne voit-on pas qu'à défaut, on risque fort de verser aussitôt dans le totalitarisme?

C'est d'ailleurs l'argument par l'absurde dont je parlais dans le chapeau de l'article. Imaginons un instant que plus personne n'aille voter, que se passerait-il? Il n'y aurait plus à contester la légitimité d'un pouvoir élu; tout pouvoir serait par définition illégitime. Ce serait la loi du plus fort. Elle est rarement sympathique. Et, à refuser entre la peste et le choléra, on serait bien parti non seulement pour avoir les deux, mais en prime le sida. La métaphore se tient car les élections, c'est vraiment le système immunitaire de la démocratie. Elles n'empêcheront pas toutes les maladies mais c'est la seule chance de vivre en bonne santé.

 
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