Transparence et indulgence

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Une ministre est-elle plus coupable qu'un citoyen ordinaire en cas d'abus au volant? Apparemment non, puisqu'elle est contrôlée comme n'importe qui. Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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Qu'il y ait quelque chose de pourri au royaume du Danemark, Shakespeare s'en rendait déjà parfaitement compte. La réflexion sur le pouvoir et la façon de l'exercer, d'ailleurs, ne l'avaient pas attendu. Les récentes secousses sur le comportement de certains élus, tant en France qu'en Belgique, ravivent cet éternel débat mais d'une manière aiguë. Doit-on espérer des puissants une attitude exemplaire et jusqu'où cette exigence doit-elle aller? Transparence, transparence! On n'entend que ce mot-là. Certes en faut-il. Mais il faudrait aussi se rappeler qu'indulgence fait la rime.

Je suis pour une transparence véritable. Il me paraît légitime que chaque citoyen puisse avoir accès à toutes les dépenses publiques. Celles-ci, objectera-t-on, sont déjà accessibles. Oui, si l'on veut chercher, on peut trouver. Ce n'est pas caché. C'est seulement difficilement accessible et affreusement difficile à manipuler. Je suis pour l'interdiction de rémunérer au-delà d'un certain plafond les hommes politiques par le biais de mandats, publics, semi-publics ou privés, et je suis en contrepartie d'accord pour que ce plafond ne soit pas trop bas: je n'ai pas envie que seul Trump puisse faire de la politique. Je suis pour l'interdiction de la prolongation systématique des mandats. Je suis pour le décumul de ces mandats, même si on peut tolérer des exceptions de niveau (certains mandats de base, au niveau de la commune, ne prennent pas énormément de temps et ne rapportent pas de quoi vivre). Je pense que cette exigence qui monte est saine mais je redoute qu'elle devienne totalitaire, une nouvelle sorte d'Inquisition permanente et de condamnations expéditives. Le climat de l'heure s'y prête. L'apparition du mot bashing en est un symptôme.

Ne faut-il pas admettre que ceux qui nous gouvernent nous ressemblent aussi? On dit toujours que les élus sont déconnectés. Mais l'inverse n'est pas complètement faux: que de fantasmes, que d'erreurs, que de mépris, que de jugements hâtifs à leur égard! Faut-il être un saint pour prétendre exercer le pouvoir? Et qui est parfait?

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Je suis d'accord sur le fait que celles et ceux qui acceptent des responsabilités politiques, précisément parce qu'ils ou elles ont la prétention de servir le bien public, ont un devoir d'exemplarité. Ils doivent précéder l'évolution générale de la société à maints égards, dont celui-là. Je comprends le dégoût qui prend le citoyen lambda en constatant que selon que l'on est puissant ou misérable... J'aimerais juste qu'on ne transforme pas tout cela en une vaste Grande Terreur, une purge stalinienne ou un maccarthysme paranoïaque. L'exemple d'une Marie-Martine Schyns interpelle, bien sûr. Se faire pincer deux fois en peu de temps au volant en ayant trop bu est une faute grave qui mérite une sanction, même si par chance cela n'a eu aucune conséquence dommageable. Mais pourquoi personne n'a-t-il souligné que les ministres étaient contrôlés comme les autres citoyens et que c'est la preuve tangible qu'ils ne bénéficient pas d'une impunité systématique?

Et aussitôt de réclamer la tête de la ministre comme Fouquier-Tinville celle de Marie-Antoinette, de rappeler qu'en Suède, une ministre a démissionné pour moins que ça... Tout ceci me rappelle un strip qui eut son heure de célébrité dans bien des journaux: Hagar le viking. On le voit, effondré, apprenant de la bouche d'un bourreau que sa femme le traînait en justice parce qu'il avait oublié de sortir les poubelles. Dans ce cas, la faute est plus grave mais on voit bien que l'étape suivante sera une peccadille. Que la ministre soit moquée sur les réseaux sociaux et rebaptisée Marie-Martini, par exemple, font partie de la punition et qu'on lui interdise de conduire pendant un bon moment peut se comprendre. Mais ce sont sur les actes politiques qu'elle pose qu'il faut la juger et non sur l'errance d'événements ponctuels. Car on ne me fera pas dire que rétribuer fictivement sa femme pendant vingt-cinq ans avec l'argent public et par inconscience commettre l'imprudence de conduire en ayant trop bu sont des actes identiques. L'indulgence n'est pas la complaisance. Elle est une composante de la fraternité. Elle est surtout l'antonyme de l'intransigeance. Et celle-ci, dans l'histoire de l'humanité, n'a jamais tenu bien longtemps mais a au passage provoqué bien des malheurs autrement plus grands. Il y a toujours un lanceur de la première pierre au raisonnement sommaire comme l'exécution du même nom.

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