Allo? J'entends rien

Zeitgeist

Par | Penseur libre |
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Fumer en faisant du vacarme, comme chacun sait, ça tue. Et vrai qu'on hésite un peu: société du bavardage ou société du bruitage. L'un va avec l'autre, peut-être.

Je vais faire comme la grande presse. Vous savez, le truc qui passe dans le Stern allemand, puis dans Paris Match, puis dans la DH, etc. Pourquoi se priver de plagier un bon papier s'il a eu du succès? En plus, avec les réseaux dits sociaux, c'est dans l'air du temps, la même photo (souvent fausse) relayée à tout-va. C'est smart.

Sauf que je ne vais pas plagier. Juste me laisse inspirer. C'est un article de Mary Wakefield paru dans The Spectator (13 mars 2019) auquel elle a donné le titre "Nous vivons au milieu d'un déferlement croissant de bruits de fond".

Tous aux abris!

Au point, dit-elle, qu'on constate que les oiseaux chantent de plus en plus après le crépuscule, quand il fait calme, quand on s'entend enfin pépiller.

Elle raconte aussi qu'existe outre-Manche une association baptisée "Pipedown" (Baissez la sono) qui compte parmi ses membres éminents l'écrivain et comédien Stephen Fry. Il n'y a que les Britanniques pour mettre sur pied un club de ce genre.

Mais l'idée n'était pas de plagier. Nul besoin, d'ailleurs.

Car le bruit de fond, c'est devenu carrément permanent, ici comme ailleurs.

Vous parlez klaxon?

Il suffit de faire un tour en vélo dans les rues de la ville pour être frappé par le vacarme que font les bagnoles (sans parler des motos). Ça vrille les oreilles. Ajouter les coups de klaxon donnés pour un oui ou pour un non, et ce en violation flagrante du code de la route (premier droit humain, pourtant: essayez de ne pas céder une priorité, c'est comme si on assassinait la mère de l'automobiliste "lésé"). Que fait la police? La police ne fait rien. Elle circule elle-même en bagnole et l'abus de klaxon, connaît pas. Faut-il s'adresser plus haut: que font les miniss' ? Ils ne font rien non plus, probable même qu'ils vous diront que ça doit se régler à l'échelon européen.

Mais il n'y a pas que les bagnoles. Les trams, l'avertisseur n'est plus un drelin-drelin mais un klaxon à la puissance dix. Et même pas tranquille dedans: à chaque ouverture de porte, on a un couinement promis au premier prix de la torture chinoise. Et là, c'est sans tenir compte des zombies de la téléphonie mobile (dumbphone ®) qui n'arrêtent pas de parler dedans, à voix haute, comme à un correspondant tout à fait sourdingues. C'est un autre fléau de la pollution sonore: la société du bavardage comme la caractérise si bien Jean-Michel Delacomptée (Notre langue française, Fayard, bon, ça, lire ça).

La porte de sortie, c'est où?

J'arrête? J'arrête pas. L'autre jour, j'étais dans un troquet du coin pour manger un bout. Nous étions seuls, le garçon de salle et moi. À un moment, j'ai dit: Vous pourriez pas baisser un peu le son? C'était une mélasse trépanantes pseudo-musicale de type RTL, NRJ, radio Contact ou une autre de ces stations spécialisées dans l'anesthésie des cerveaux.

Il a un peu baissé. En sortant, je lui ai demandé s'il pensait que ses clients aimaient ça? Il avait l'air de trouver la question curieuse. En fait, j'aurais dû lui dire que, en fait de clients, il n'y avait que moi, et puis lui, qui n'en est pas un, alors pourquoi me casser les oreilles? Verdict impitoyable: je n'y retournerai plus. De clients, il ne restera que lui, qui n'en est pas un.

Tondeuses et sirènes

Bon, je perds un peu le fil, là. Où en étais-je?

Ah! oui: que fait la police? que font nos miniss?

Il y a matière, pourtant. La muzak dans les magasins et stations de métro. Les sirènes, aussi. C'est dingue, les sirènes, de pompiers, d'ambulance, de convois de détenus, de police, celle-là, en plus, disposant désormais d'un mégaophone sur le toit du véhicule pour éructer des borborygmes rarement courtois. Il faudrait que quelqu'un explique: à Paris, Amsterdam ou Stockholm, on entend presque jamais de sirènes. C'est un fait de civilisation, genre belgitude?

J'allais oublier le pauvre balayeur de rues qui doit traîner un lourd bidule assourdissant, les maniaques de la teuteuf qui la passent à l'aspirateur (des heures durant) le week-end, le bricoleur avec sa foreuse en chaleur - heureusement, les tondeuses de gazon sont rares en ville, rien ne sert plus comme disait Sacha Guitry de transporter les villes à la campagne pour avoir le calme: surtout pas! il y aura des tondeuses à chaque coin de rue!

Il n'est jusqu'aux ascenseurs qui n'arrêtent pas d'être saisis d'un irrépressible besoin de raconter à quel étage on se trouve à l'ouverture des portes. Et lui rétorquer: Ça va, tête? Peine perdue. Il ne bronchera pas.

Là, je descends à la cave respirer un peu de silence.

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(Erratum: chacun, chacune aura rétabli, ce n'est pas Sacha Guitry, peu avare en mots caustiques, mais Alphonse Allais qu'il fallait lire quelques lignes plus haut.) (Et pour le "style" gonzo, je ne suis pour rien.)

À tout hasard, allez voir Pipedown: https://pipedown.org.uk/

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