AVH

Allo, allo, quelle nouvelle

Par | Penseur libre |
le

© Serge Goldwicht

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Lecture 4 min.

Comme tous les matin, 7h00, ma limousine de fonction s’arrête devant chez moi pour m’emmener au travail. Guillermo est toujours ponctuel. Je m’installe à l’arrière et nous partons au bureau. Je travaille pour Elliott Jefferson Enterprise. Pour tout dire, je suis le bras droit d’Eliott. Un poste important, un poste à responsabilité.

Il y a dix ans, mon boss a révolutionné le monde en créant le AVH, l’action sur la valeur humaine. L’idée est simple. Comme les sociétés et les marchandises, chaque homme possède une valeur qui peut être cotée en Bourse. Cette valeur varie en fonction des diplômes, des biens, de la famille et de l’origine de chaque individu. Guillermo, par exemple, qui a un emploi stable et une famille possède un AVH plafonné à 500 dollars parce qu’il n’a qu’un diplôme de primaire et qu’il est d’origine mexicaine. Pour avoir le droit d’établir la valeur de son AVH, il faut acheter une licence à la Jefferson Enterprise qui fait de plantureux bénéfices et qui trône en tête des sociétés les plus florissantes de la planète.

Quand mon boss a lancé le AVH, le Wallstreet journal a titré : «Trente ans après la chute de l’URSS, voici enfin le capitalisme total ! ». Le succès fut immédiat. Tout le monde voulait savoir ce qu’il valait en fonction de ses origines, de sa famille, de son âge, de ses revenus et de son état de santé. Mieux encore, avant d’ accorder un prêt, les banques exigèrent de connaître le cours du AVH des candidats. Très vite, une bourse des AVH se développa à côté de la bourse traditionnelle et chacun, jour après jour pouvait prendre connaissance du cours de son AVH. Les individus s’engageaient à fournir des informations sur leur vie personnelle afin d’établir précisément le cours du AVH. Les informations récoltées par Facebook, Google et le Ministère des Finances nous aidèrent beaucoup à établir le cours du AVH de tous les individus.

Votre femme vous quitte, vous perdez votre emploi, tous ces paramètres sont importants pour établir le cours du AVH. Mais le AVH ne se borna pas à rester dans le domaine de la finance, il envahit également la sphère privée. Avant de sortir avec une femme ou un homme, avant de baiser on exigea de plus en plus souvent de connaître le cours de l’AVH de l’autre. Même chose pour les entreprises avant d’engager quelqu’un. Les individus qui possèdent une valeur de AVH proche de zéro, les allocataires sociaux comme les chômeurs ou les handicapés sont jetés en prison parce d’après la loi, ils détournent l’argent de l’honnête contribuable.

Il fut rapidement impossible de vivre sans AVH dans nos sociétés occidentales. Les migrants qui mettaient les pieds dans les pays riches s’empressèrent d’établir le cours de leur AVH qui était dérisoire puisqu’ils étaient étrangers et le plus souvent sans instruction. Le défi de chacun devenait alors de faire grimper son AVH. C’est cela aussi le capitalisme. Donner sa chance à chacun. Des parents confiants dans les capacités de leur progéniture achetèrent en masse les actions de leurs enfants. Des individus découvrirent ainsi que la majeure partie de leurs actions étaient la propriété d’investisseurs dont ils ne savaient rien. Quand une société achetait plus de cinquante pourcent de vos actions, vous lui apparteniez. Les gauchistes qui ne sont jamais contents parlèrent d’un retour à l’esclavage mais pas du tout, il s’agit seulement d’appliquer la loi de l’offre et la demande à tout ce qui existe.

Arrivé dans la Jefferson tower, je me suis précipité au dernier étage où se trouve le luxueux penthouse du boss qui m’a reçu comme tous les jours.

  • - Alors, Andrew, m’a-t-il dit. Où en est le cours de mon AVH ce matin ?
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J’ai consulté Internet et je lui ai dit : 759 dollars, Monsieur.

- Quoi ! Si bas ! Alors que je suis un Américain blanc et que je dirige une des plus grosses sociétés de la planète !

  • Oui, Monsieur Jefferson, vous avez raison mais, aujourd’hui, vous êtes vieux et mourant.
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