Bravo les Polonaises !

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Par milliers, elles ont bravé un gouvernement catholique de droite extrême. Par milliers, elles ont défendu leur droit à disposer de leur corps, de leur sexualité et le droit d’enfanter quand elles le jugent bon pour elles et leurs enfants.

Bravo les Polonaises !

Elles nous rappellent ces combats féministes des années 70, lorsque des femmes belges et françaises se rendaient aux Pays-Bas et … en Pologne (communiste à l’époque) pour avorter car cet acte médical était interdit chez nous.

Je me souviens de ces étudiantes françaises qui avaient « fauté ». C’était juste après mai 68, en pleine libération des moeurs mais avant que se répande la pilule contraceptive, bloquée non pas dans sa commercialisation mais par les gynécos cathos et/ou de droite du nord de la France. Je me souviens de la souffrance de ces jeunes filles dont certaines subissaient des curetages à vif, « pour les punir », disaient ces médecins et subissaient l’opprobre de toute leur famille. Je me souviens de l’une d’entre elles, venue se faire avorter à Bruxelles car, quoiqu’interdit, l’acte était pratiqué dans les meilleures conditions à Saint-Pierre. Mes parents avaient accepté de l’héberger pour qu’elle puisse se reposer un jour ou deux. Ses parents ne savaient rien.

Je me souviens avoir donné lecture d’un manuel de vulgarisation médicale à l’usage des mères de famille afin d’apprendre à ces étudiantes comme moi ce qu’est le corps d’une femme et comment cela fonctionne et que faire pour empêcher une fécondation. Elles ne savaient rien car leurs propres mères ne leur avaient rien appris.

C’était notre jeunesse au temps des hippies, de la drogue, des révoltes étudiantes, des premières voitures pilotées par des jeunes, des rencontres amoureuses entre jeunes plus ou moins politisés, plus ou moins en révolte.

Et puis la France et ensuite la Belgique ont dépénalisé l’avortement, grâce aux combats de médecins, de juristes, de femmes politiques et syndicalistes et même de prêtres.

En Belgique, il n’a été que partiellement dépénalisé. L’acte est toujours défini dans le code pénal comme « crime contre l’ordre des familles et la morale publique ».  Nous y revoilà : il ne s’agit pas d’un problème médical mais d’une question morale.

En Pologne libérée du communisme, l’extrême-droite catholique est au pouvoir et le gouvernement voulait interdire l’avortement même en cas de violences commises à l’encontre des femmes, même en cas de risques graves pour leur santé. La mère sacrifiée à un fœtus qui n’est pas encore un être humain. La mère impure, nécessairement coupable car elle est une femme. C’est cela qu’ont refusé les Polonaises.

En Belgique, des mouvements catholiques veulent que l’on puisse attribuer, lors d’une fausse-couche,  le statut d’enfant mort-né à l’embryon et ce dès avant l’échéance des 12 semaines après la conception, reconnues légalement comme date limite pour un avortement.  Une manière de contrer l’avortement légal !

Le débat politique est en cours, en  Belgique, afin de retirer l’interruption volontaire de grossesse (IVG) du code pénal et de légiférer sur cet acte médical et ce dans le cadre de la loi relative aux droits du patient du 22  août 2002. Ainsi, le délai de 12 semaines après la conception serait porté à 14 semaines pour le PS et à 20 semaines pour le sp.a car trop de femmes encore, parmi les plus défavorisées, les plus déstabilisées psychologiquement dépassent le délai légal et les plus fortunées se rendent en Hollande pour se faire avorter.  Sauf pour Ecolo qui demande une loi particulière. Dans ce débat, ce parti démontre son ancrage catholique car il considère toujours l’IVG comme une infraction pénale mais avec des peines allégées. Pratiquer l’IVG serait pour le médecin un délit punissable de 3 mois à 1 an de prison. Quant à la femme, elle subirait une amende de 50 à 200 euros ! Il est temps qu’Ecolo, un parti qui a pourtant accentué la féminisation de la politique, sorte de ses contradictions.

Mais bon, le débat est en cours et les positions des parlementaires vont encore évoluer au cours de celui-ci.

Aux hommes et femmes progressistes et féministes de rester vigilants face aux dérives de droite de certains gouvernements européens.

Infos : Dossier « Avortement : une trop fragile liberté », Espace de libertés n° 451, septembre 2016.

Colloque « Sortir l’avortement du code pénal », le 30 septembre 2016, CAL, de mens.nu, ULB, VUB.

Livre : « Jouissez sans entraves ? », « Sexualité, citoyenneté et liberté », par Fabienne Bloc et Valérie Piette, coll. Liberté, j’écris ton nom, CAL.

 

 

 

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