C’est la pagaille qui hurle

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Samedi 24 novembre

 Des barricades dans la belle avenue des Champs-Élysées, causées par des gilets jaunes qui seraient inoffensifs mais infiltrés par des casseurs. On commence à difficilement accepter cette candeur. Sans chef, sans service d’ordre, sans une réelle organisation, un mouvement de protestation n’est jamais protégé contre des débordements. C’est la pagaille qui hurle « Macron, démission ! » Tout cela ne semble pas très sérieux, mais il faut dire que Macron l’a néanmoins bien cherché. La réplique du petit séisme social pourrait bien devenir plus percutante.

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 Dans Épicure en Corrèze (éd. Stock, 2014), Marcel Conche fait sienne une morale du philosophe grec en précisant que le premier acte de sagesse est de ne pas se soucier de la mort puisque quand nous sommes là, la mort n’est pas là et quand la mort est là, nous ne sommes plus là. On comprend le raisonnement d’Épicure, mais en son temps, on pouvait couler une existence sans être confronté à la mort. Aujourd’hui, par le développement de l’audiovisuel, on la côtoie à tout moment au point que le regard vers ce qui arrive aux autres se projette dans notre propre miroir. Morituri me salutant.

Dimanche 25 novembre

 Gilets jaunes (suite). Hier soir, le ministre de l’Intérieur Castaner accusait Marine Le Pen d’avoir aiguillé les casseurs vers les Champs-Élysées. Même si c’était vrai, c’est indigne de sa fonction. Il est là pour maintenir l’ordre, quelle que soit la source qui provoque le désordre. Quant au président Macron, il publie un message « Honte aux casseurs ». Il est complètement déconnecté des difficultés que connaît son peuple.

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 Thomas, 34 ans, Clémence, 32 ans, Julien 31 et Fora 26 sont les enfants de Ségolène Royal et de François Hollande. Un jour, quand ils seront vieux et que leurs parents ne seront plus en activité, il faudra que ce quatuor-là prenne la plume pour évoquer leurs deux géniteurs qui auront, quoiqu’il arrive, accompli une vie peu ordinaire. Au moment où ils pourraient se préparer à cultiver l’art d’être grands-parents, ils occupent encore l’actualité en première ligne. François était à Semur-en-Auxois pour une nouvelle séance de dédicace. C’est la 88e ville ou commune qu’il visite, avec toujours la même délectation à écouter les citoyens venus lui dire combien ils le regrettent. Plus de 150.000 exemplaires de son livre ont été vendus. On en est à la 17e réimpression. Pendant ce temps-là, le livre de Ségolène (Ce que je peux enfin vous dire, éd. Fayard), en librairie depuis moins d’un mois, est au plus haut dans le palmarès des meilleures ventes. Elle était l’invitée de FR3 ce midi. En une quarantaine de minutes, elle a réussi une prestation parfaite, témoignant d’une impressionnante maîtrise des sujets, en particulier ce qui touche de près ou de loin à l’écologie, où elle excelle, ses expériences ministérielles aidant. Affirmée, sérieuse, responsable, Ségolène Royal semble prête à débattre. Vite qu’elle s’engage dans la campagne européenne ! Elle pourrait très vite endosser le rôle de favorite et faire la course en tête dans les sondages. Bref, il est encore un peu tôt pour que les quatre enfants de Ségolène et François envisagent d’écrire leurs mémoires… Á moins que les petits-enfants ne s’adonnent, plus tard, à la publication d’un deuxième tome…

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 60 % des Terriens ne disposent pas de toilettes. Ce chiffre ne doit pas tellement émouvoir. Ce qu’il entraîne et plus interpellant : les scientifiques considèrent que pour augmenter l’espérance de vie dans les pays dépourvus, il est plus efficace de construire pour tous les habitants des toilettes propres plutôt que des hôpitaux.

Lundi 26 novembre

 C’est l’heure du souper. On regarde d’un œil le journal télévisé en découvrant un exploit scientifique majeur. Après un voyage de 7 mois, la sonde InSight atterrit sur Mars. Elle devrait émettre des informations pendant deux années. Á Cap Canaveral, l’équipe scientifique explose de joie. On est content pour elle. Un sujet suivant efface celui-là, c’est la nature même du J.T. Sa rançon. Certes, les chaînes auront tout loisir de réaliser des reportages précis et détaillés sur le travail de la sonde. D’ores et déjà, on notera qu’elle a été construite avec le concours de nombreuses autres nations. La France d’abord ; l’Institut physique du globe de Paris joua un rôle crucial, notamment dans la conception du sismomètre. Mais aussi l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Japon, la Suisse et le Royaume-Uni. Le succès de cette entreprise scientifique, c’est celui d’une mise en commun de performances techniques issues de pays divers et variés, partenaires des Etats-Unis pour une aventure humaine à l’échelle du monde. Monsieur Trump, adepte de l’America first, peut-il comprendre cela ? Tiens ! Il n’a pas encore twitté pour féliciter l’équipe scientifique victorieuse, multinationale et multiculturelle… !

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 Kheiron n’est pas un humoriste très provocateur, voire brutal. Il ne cogne pas, il n’invective pas, il n’ironise pas en frôlant l’indécence ou la vulgarité. Kheiron est un humoriste gentil, charmant. Et donc, quand il se met en scène et derrière la caméra, en bénéficiant de la complicité d’acteurs chevronnés comme Catherine Deneuve et André Dussoulier, il réalise un film charmant, gentil… Ainsi capte-ton Mauvaises herbes. Sauf qu’en toile de fond, le spectateur découvre quelques moments qui heurtent : la persécution des chrétiens d’Orient, la pédophilie, le racket chez les ados des banlieues, etc. Kheiron a du talent. Il vient d’avoir 36 ans, un âge où, dans ce métier, on devrait seulement commencer à mûrir.

Mardi 27 novembre

 En 1967, le docteur Christian Barnard réussissait la première transplantation cardiaque. Cinquante ans plus tard, la chirurgie du cœur est presque devenue banale. Aujourd’hui, le chercheur Hie Jankui a confié, devant un auditoire de Hong Kong, qu’il avait fait naître des bébés génétiquement modifiés. Comment seront les enfants dans cinquante ans ?

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 Les Gilets jaunes ne semblent pas relâcher leurs actions. Ils ont même compris qu’ils devaient se structurer pour mieux peser dans le débat démocratique et surtout organiser leurs manifestations. La formule qui consiste à s’inquiéter de « la fin du mois » avant de s’intéresser à  « la fin du monde » est compréhensible. Toute la prospérité, toutes les formes de confort ont été bâties sur l’énergie à bon marché. Taxer l’énergie pour l’économiser apparaît donc forcément comme de la régression sociale.

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 D’après Agathe Rouart-Valéry, le premier mot que son père, Paul, bébé, prononça (en 1872) fut « clef » ; preuve que très tôt, le poète fut sensible au problème.

Mercredi 28 novembre

 Et tandis que Jean-Luc Mélenchon annonce qu’il participera au sein des Gilets jaunes à leur manifestation de Paris (aux côtés de Marine Le Pen ?...), l’extrême gauche française se fissure doucement : disputes, exclusions, morcellements… Rien de neuf sous le soleil des camarades enfermés dans leurs certitudes… Que la gauche moins dogmatique renaisse vite avant que les extrêmes ne se rejoignent !

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 Le nouvel album de Barbara Hendricks s’intitule Les Routes de la liberté. Une ode à l’amour des Hommes inspirée par Martin Luther King dit-elle : « La haine obscurcit la vie, l’amour la rend lumineuse. » Barbara Hendricks est ambassadrice pour le Haut Commissariat des Nations Unies en faveur des réfugiés.

Jeudi 29 novembre

 Les Géorgiens ont donc élu confortablement (presque 60 %) Salomé Zourabichvili à la présidence de leur pays. C’est un événement considérable pour ce pays de 5 millions d’habitants situé sur la Mer Noire, en plein Caucase, entre l’Europe et l’Asie, et qui était encore il n’y a pas si longtemps sous la coupe soviétique, bien collée aussi désormais à la Russie de Poutine. Une femme de 66 ans au palais de Tbilissi, certes, mais surtout une Européenne convaincue, jusqu’il y a peu de nationalité française, fonctionnaire au Quai d’Orsay, qui rêve de conduire son pays dans l’Union des 27. Le projet est irréalisable mais des accords de coopération pourront sûrement être envisagés. Cela démontre que du côté des anciens satellites de l’URSS, il n’y a pas que des ultras libéraux comme en Hongrie ou en Pologne, il y a aussi des libéraux démocrates ouverts à la tolérance et au progrès.

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 Le ver ronge le bois et personne ne l’entend. Pas même Emmanuel Macron.

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 Jacques Chirac a 86 ans aujourd’hui. Mais le sait-il ? « La vieillesse est un naufrage » disait de Gaulle à propos de Pétain… Et en citant Chateaubriand.

Vendredi 30 novembre

 Á Bruxelles, une manifestation des Gilets jaunes s’embrase très vite. Voitures de police renversées, brûlées, mobilier urbain démoli sont les premiers signes d’une révolte. Á Paris, six porte-parole devaient être reçu par le Premier ministre. Un seul a finalement accepté de dialoguer. Demain, les Champs-Élysées seront à nouveau envahis, mieux contrôlés sans doute par la police mais .... Deux constats s’imposent après trois semaines d’action : d’une part le mouvement est de plus en plus infiltré par des casseurs ; d’autre part, les manifestants continuent d’être inorganisés, sans apparemment vouloir le devenir, ce qui pose un problème de contacts préalable à d’éventuelles négociations. Dialoguer, oui, mais avec qui ? » se demande Édouard Philippe à haute voix. On ne peut pas plus lui donner tort qu’à ceux qui clament être trop préoccupés par la fin du mois pour s’intéresser à la fin du monde. Soit. Mais encore ? Macron, tous muscles dehors, ne veut pas envisager un quelconque « recul ». Cet homme n’a jamais été confronté à un conflit social de grande ampleur. Sa suffisance semble le cantonner au mépris. Il devrait savoir que l’on ne gouverne pas contre le peuple, même quand on s’appelle Jupiter.

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 Yann Moix est un grand admirateur (on doit dire fan aujourd’hui, même en France) de Michel Polnareff. Pour exprimer toute son inconditionnelle admiration (comment dire aujourd’hui ? la fanitude ?), il use d’une formule assez déroutante, que seul un homme de lettres pouvait imaginer : « On n’a pas de preuve que Polnareff va mourir ».

 

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