La démocratie se préserve par le droit

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Victoire écrasante du oui au Chili lors du référendum visant à modifier la constitution imposée par le dictateur Augusto Pinochet. Photo et reportage Claudia Aranda https://www.pressenza.com/fr/2020/10/chili-victoire-ecrasante-du-oui-au-...
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Samedi 24 octobre

 Toujours aussi obnubilé par la personnalité de Churchill, l’homme qui surmonta l’impossible, Boris Johnson rayonne, persuadé que l’Union européenne finira par lâcher du lest quant aux accords sur la pêche, et de toute manière convaincu qu’un No deal ne serait pas si mauvais. Il semble ne pas se rendre compte que l’Écosse, l’Irlande du Nord et le Pays de Galles commencent à sécréter des envies d’indépendance afin de solliciter une adhésion à l’UE. On est là bien entendu dans de la politique fiction mais il est permis de se demander si Elisabeth II ne risque pas de connaître la dislocation du Royaume-Uni avant de mourir. En restant au domaine de la fiction, on pourrait même imaginer que ce serait son coup de grâce. Shakespeare pas mort, lui…

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 Dans un entretien à Paris-Match, l’actrice, scénariste et réalisatrice Maïwenn s’élève contre « cette bande de féministes qui n’aime pas les hommes ». Elle dit prendre pour un compliment le regard bestial d’un homme et rejoint Catherine Deneuve eu égard à sa formule « le droit d’importuner ». Conséquemment, elle défend bien entendu Roman Polanski et se réjouit de son César pour « J’accuse ». Le Point, qui relate l’entretien, rappelle que l’an passé, lorsque Polanski fut gratifié du Grand prix du jury pour ce film à la Mostra de Venise, il reçut un télégramme de félicitations rendu public par celle qui l’émettait depuis les États-Unis, Samantha Geimer, dont il avait abusé en 1977 tandis qu’elle était mineure, et qui ne cesse de souhaiter que l’on ne réveille pas cette affaire dans les médias. Allez savoir…

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 C’était il y a 50 ans. Salvador Allende devenait président de la République du Chili. Et demain, grâce à la tenue d’un référendum, peut-être que son peuple va pouvoir modifier la Constitution, dernière trace de son ennemi putschiste qui le destitua le 11 septembre 1973, aidé de manière bienveillante par les États-Unis.

Dimanche 25 octobre

 Á moins de dix jours du scrutin, près de 50 millions d’Étatsuniens – soit un quart du corps électoral – ont déjà rempli leur devoir civique. Bizarrement, Donald Trump est de ceux-là. C’est énorme et inédit. Est-ce pour éviter des files d’attente susceptibles de sécréter le Covid ou pour s’empresser d’éliminer Trump ? En tout cas, cette affluence augure d’une forte participation.

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 Il y aura bientôt dix ans qu’Arthur Nazaret officie en tant que journaliste politique au JDD. Consacrant aujourd’hui un article à la préparation du prochain congrès du PS et de l’attention qu’y porte François Hollande, il termine en citant Patrick Kanner, chef du groupe socialiste au Sénat, « un mano à mano entre Macron et Le Pen en 2022 n’est pas une fatalité ». Effronté, il ajoute pour clore son papier : « Quant à un mano à mano entre Hollande et Macron, ce n’est même pas une possibilité ». La chute sonne bien mais le rédacteur prend un risque inutile. Tout laisse croire qu’il voit juste et cependant, son expérience d’observateur devrait lui permettre de savoir que cette compétition ne s’accomplit jamais comme on le prévoit, du moins à distance d’un an et demi de l’échéance. En 1994, beaucoup de ses confrères  - et non des moindres – avaient annoncé la victoire facile d’Édouard Balladur. Il y en avait même qui, en janvier 1995, lui pronostiquaient une victoire dès le premier tour. En avril, le Premier ministre ne fut pas qualifié pour le second tour. 

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 Ça suffit !  La République doit absolument agir, se défendre. L’odieux meurtre de Samuel Paty semble mobiliser l’opinion sur ce sentiment-là. Dans le JDD, des personnalités comme Élisabeth Badinter, Richard Malka, Caroline Fourest et Marcel Gauchet lancent le débat du ras-le-bol. Il faudra quelque chose de fort, que le ministre de l’Intérieur devra conduire. Modifier la loi de 1905 en la rendant plus contraignante et en l’actualisant. On doit aussi réfléchir à la question de l’anonymat sur les réseaux sociaux. S’ils ont la capacité d’énerver les fragiles et de souiller les esprits, ceux qui se livrent aux influences néfastes doivent les assumer en signant leurs diatribes. Mais comment lever l’anonymat sur les réseaux sociaux sans tomber dans une forme de censure ou sans porter atteinte à la sacrosainte liberté d’expression ? Le droit. Toujours la démocratie est parvenue à se préserver des attaques par le droit. Et rien d’autre.      

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« Le sperme du cochon est abondant. Le cochon peut éjaculer jusqu’à un demi-litre. Est-ce pour cette raison qu’il est devenu l’incarnation de nos turpitudes ? »   (Érik Orsenna, entretien avec Michel Aubert in La Tribune de Genève, à propos de son livre « Cochons. Voyage au pays du Vivant » (éd. Fayard / Stock).

Lundi 26 octobre

 Le Chili est en liesse. Le référendum si difficilement obtenu a rendu un verdict indiscutable : 78 % des votants se sont prononcés en faveur d’une nouvelle constitution. La deuxième question obtint aussi une réponse sans ambages : ce ne sera pas une commission mixte, composée de parlementaires et de citoyens qui rédigeront le projet, mais un groupe émanant intégralement du peuple. Ce groupe sortira d’élections organisées en avril ; le nouveau texte sera lui aussi soumis à référendum en 2022. C’est dire que ce chapitre de l’histoire chilienne n’est pas clos et qu’il sera intéressant d’en suivre les prochaines étapes. L’idée d’un pouvoir émanant directement du peuple, négligeant ainsi l’institution intermédiaire des représentants du peuple, n’est pas discutée que dans ce pays-là, mais là, elle serait en voie d’être appliquée.

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 Les propos d’Erdogan, considérant qu’Emmanuel Macron avait une défaillance « dans sa santé mentale » et appelant après le déversement de sa bile à boycotter les fromages français, ces paroles de vilenie ne méritaient pas d’être notées si Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du Culte musulman (CFCM) n’avait publié un communiqué de presse afin de s’opposer à ce discours d’Ankara et de vanter la République française. Mieux : il soutient qu’il ne faut pas renoncer à la caricature ; n’étant pas obligé de les aimer …  De même qu’il ne faut pas suivre le boycott. Le président reçoit ce soir le CFCM. Il se passe quelque chose de nouveau dans cette cohabitation nationale.

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 Une nouvelle trêve entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, devait entrer en vigueur aujourd’hui à 8 heures. Le cessez-le-feu a été violé juste après l’heure convenue. Record battu ! (Bien entendu, les deux parties s’accusent mutuellement d’avoir commis l’irréparable)

Mardi 27 octobre

 Il ne fallait pas se faire d’illusions. Malgré la proximité des élections présidentielles, malgré les réticences de certaines personnalités républicaines eu égard à l‘étourderie qui domine les actes de Trump, le Sénat confirma la proposition présidentielle et nomma Amy Coney Barrett à la Cour suprême des États-Unis en lieu et place de l’icône progressiste et féministe Ruth Bader Ginsburg, récemment décédée. La plus haute instance juridique du pays, celle qui délibère sans appel et qui est chargée d’examiner la conformité des lois des États avec la Constitution, est donc désormais composée de six membres conservateurs sur neuf. Il serait certes bon que Biden l’emporte dans huit jours, mais ce serait nécessaire aussi que les démocrates recouvrent la majorité au Parlement.    

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 La grève générale est décrétée en Biélorussie. C’est une étape décisive dans le conflit qui oppose le peuple au pouvoir autoritaire de Loukachenko. Ou bien celui-ci plie, ou bien il parvient à se maintenir en écrasant la contestation, fût-ce au prix du sang versé. On sait déjà que le pouvoir autoritaire perdra la partie. Si ce n’est pas maintenant, ce sera plus tard. Cette histoire-là est déjà écrite. C’est son calendrier qui reste incertain.

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 Briser l’évolution de la courbe. Toute l’Europe se prépare à un reconfinement. Car cette fois-ci, la société est moins docile, moins disposée à suivre collectivement les conseils et même les instructions. Quant aux homme d’affaire, ils supplient le gouvernement de continuer à faire marcher l’économie, même au ralenti.

Mercredi 28 octobre

 Covid. La deuxième vague est bien là, ravageuse. Déconcertante. On la dit plus puissante que celle de mars. En ce temps-là, on applaudissait le personnel soignant à 20 heures. Tiens ! On n’applaudit plus à présent… !

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 Intervention télévisée de Macron. Ferme, déterminée, didactique. La France reconfine pendant quatre semaines, sauf les écoles et quelques autres services indispensables. Le président, tout au long de son exposé, souligne régulièrement « comme en Europe… » C’est en effet toute l’Europe qui subit de plein fouet cette deuxième vague et qui, pays par pays, devra tôt ou tard prendre de semblables mesures. La sagesse veut que les citoyens suivent les consignes le mieux possible et que la solidarité sociétale triomphe de l’individualisme incivique. La durée de ce virus ? Personne ne sait. Une seule donnée peut habiter l’esprit : vivement un vaccin !

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 Le chocolatier belge Pierre Marcolini est sacré Meilleur pâtissier du monde au World Pastry Stars 2020. Voilà le petit garçon carolorégien (qui adorait les desserts et qui avait déclaré à sa maman dès l’âge de 7 ans sa volonté d’être un jour chocolatier…), membre d’une grande fratrie pauvre d’immigrés italiens au sommet de sa gloire. Il possède déjà plus de quarante établissements dispersés dans le monde entier.

Jeudi 29 octobre

 Et un attentat, un ! A-t-on presque envie de crier amèrement. Des coups de couteaux dans une église de Nice. Le meurtrier tue trois personnes et prend la fuite en hurlant « Allah Akbar ! ». L’Assemblée nationale respecte une minute de silence. Le Premier ministre annonce une « riposte implacable » tandis que le président de la République se rend sur les lieux. Les gestes qui conviennent. Il ne faudrait cependant pas que ce scénario devienne banal au prétexte qu’il est redondant.  

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 « Les Polonaises » ne fait plus penser à Chopin, mais à toutes les citoyennes de ce pays dirigé par des conservateurs ultra-catholiques bornés [pardon pour le pléonasme] qui ont encore resserré la loi sur l’interruption volontaire de grossesse. Elles manifestent, sans désemparer. Quand on voit les images de leurs défilés, quand on voit leurs slogans, on a l’impression d’être revenu comme il y a un demi-siècle en Europe de l’ouest. Proposition aux ardentes féministes qui s’agitent dans nos démocraties occidentales : Ne penseriez-vous pas à créer une Internationale du Féminisme afin que de toutes parts des militantes puissent venir à Varsovie épauler vos semblables ? Leur combat, soyez-en sûres, est plus essentiel que la féminisation des noms de métier.

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 L’ONG Memorial Russie – droits de l’Homme commémore au moins une fois par an les victimes du stalinisme. Mais leurs actions recueillent davantage d’audience à l’étranger que dans son pays. Á Moscou, on trouve encore beaucoup de nostalgiques de l’ancien régime. Quant au pouvoir, il est composé en grande partie d’anciens du KGB à commencer par le chef de l’État, de charmants gestionnaires qui savent faire des misères à l’association, sous la forme d’une surveillance administrative et fiscale. Quand on veut tuer mon chien, on dit qu’il a la rage. Pour le Kremlin, les responsables de l’ONG sont des chiens.  

Vendredi 30 octobre

 Même si on n’est pas souvent d’accord avec Natacha Polony, la directrice de la rédaction de Marianne, hebdomadaire fondé par Jean-François Kahn qui en regrette la tournure, on peut l’attendre sur les questions suscitées par l’attenta de Nice. Son éditorial s’intitule « Français avant d’être musulmans », ce titre qui signifie déjà tellement bien le problème que vit la République et que chacun devrait défendre avec ténacité, en particulier à l’extrême gauche, si prompte à voir de l’islamophobie partout. Polony fustige « l’abandon par nos élites [elle cite deux fois Edwy Plenel], soit par idéologie, soit par facilité, de la défense de la laïcité à la française. » Et justement, tout son développement est basé sur les principes d’une laïcité vécue. Pour les uns : « Respecter les musulmans, c’est considérer qu’ils sont des Français comme les autres et qu’ils ne doivent pas être réduits à leur religion. » Et pour les autres : « La laïcité implique la discrétion. Vivre librement sa foi, ce n’est pas la porter en étendard. »

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 Depuis que l’on apprit cette semaine la mort d’Alain Rey (70 ans de bons et loyaux services aux éditions Paul Robert), des réflexes de langage correct émanent spontanément de l’écoute audiovisuelle. Le temps n’est plus aux conseils des professeurs de français, invitant les parents à proposer aux enfants d’observer la marche du monde en compagnie de Claude Darget ou de Léon Zitrone. Désormais, les « devra t’être » fleurissent, sans parler du subjonctif qui suit « après que »…  Á propos du virus, presque seul sujet des conversations, les commentateurs restent prudents. Rares sont ceux qui parlent de seconde vague ; on en reste à évoquer la deuxième. C’est, en effet, plus sûr.
 

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