COVID-19 : le Pasteur Lola-Miracle à l’assaut !

Confidences du chauffeur du Ministre

Par | Penseur libre |
le

Un pasteur en pleine séance frénétique à Kinshasa. Photo © Véronique Vercheval.

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Même mon patron, le Ministre des Affaires Stratégiques et Tactiques (à prononcer avec respect…), à l’exemple de ma femme, n’arrêtait pas d’en parler, de ce Révérend Pasteur Lola-Miracle, surtout en ces temps incertains d’avant-apocalypse… Comme son nom et son prénom l’indiquent, c’est un pasteur dont la force de frappe aurait, d’après ma femme, dépassé les frontières de sa propre « Eglise de réveil », de sa propre ville, et même de son propre pays ; puisque, toujours selon mon épouse, venaient à lui en masse, et malgré cette période de confinement, des déshérités de toutes conditions et de tous les quartiers. Il paraitrait, toujours selon les … confidences de ma bigote d’épouse (mais, en vérité j’ai cru entendre la même version de la part de mon Ministre…), venaient à lui des dévots du « Congo-d’en-face » qui pirogueraient et traverseraient nuitamment le fleuve, et ceux d’Angola qui clandestineraient sur des routes en cachette jusqu’à la capitale, jusqu’au « temple des bénédictions et des prodiges ». Ah, s’écrie ma femme extasiée, la foi déplace les fleuves et la géographie ! Ma femme dit du fameux pasteur (en vérité je l’ai déjà entendu de mon Ministre aussi…), que sa parole est l’Evangile même ; que quand lui énonce la Parole, elle a la chair de poule (entre parenthèses, de mémoire de mari, je n’ai jamais entendu mon épouse dire un tel compliment à moi, devant moi…).

Ma femme m’assure, intarissable, que ce Révérend Lola-Miracle, tout comme Jésus, guérit les aveugles, les paralytiques, les coronaïques, et même les époux… impuissants (en vérité je ne voyais pas le rapport…).

Matin-midi-soir désormais, malgré le confinement, ma maisonnée était secouée de chants et prières d’adoration frénétiques que diffusait à grand tapage notre radiocassette. Alléluiah ! Amen ! Désormais interdite ici toute musique rumba-ndombolo dite « païenne », « mondaine », « concupiscente » (un mot catéchisé sans doute par le pasteur, mais nouveau pour moi…). Désormais ici chez nous, pas question de bière-ngwasuma ; désormais, c’est l’eau plate : inodore, incolore, insipide. Désormais dans la garde –robe de madame, pas de bijoux, de perruques, de pantalons juste-au-corps. Tout ça a été remis au pasteur pour être soi-disant « désenvoûté », et soi-disant « cadeauné » aux enfants de rue et aux coronisés. Désormais, à notre table, plus de testicules de chauves-souris ni de croupions de porc-épic, animaux jugés « sataniques ». Désormais, pas de visite de mes amis ambianceurs et cuiteurs, tous d’avance condamnés comme « pécheurs impénitents », et vecteurs de corona.

L’autre soir en rentrant au bercail, après une journée chiffonnée et coronisée, je suis tombé pile au salon sur un groupe de « mamans évangélistes » en pleine transe, en pleine prière. Surconcentrées et me croyant absent, ces femmes invoquaient le Seigneur pour qu’il me délivre de mon « obsession de chien », de « vadrouilleur vagabond et séducteur ». Excédé finalement, j’ai foncé au milieu de ces hystériques. Croyez-vous qu’elles ont été intimidées ? Pas du tout. Bien au contraire, elles m’ont lancé leurs pagnes avec des cris d’exorciseuses : « Arrière, Satan! » ; ou encore : « A mort, Corona ! ».

Trop, c’était trop : j’ai piqué droit à la police du quartier, avec des plaintes en vrac : « tapage nocturne, violation de domicile, violation des consignes de sécurité sanitaire et de distanciation sociale contre Corona, dérision sur la pandémie, menaces et calomnies sur ma personne, etc… ».  Moyennant matabiche sous la table, le commissaire est venu embarquer de force toute cette faune agitée.

Je ne sais comment mon patron de Ministre (avec M Majuscule) a appris ce qu’il a appelé la mauvaise nouvelle. En pleine nuit il aurait  chargé son garde du corps de payer la caution libératoire des séquestrées.

A ma grande surprise, ce n’est pas le garde du corps qui va procéder à l’exécution de la mesure ministérielle de libération de ces insoumises, c’est finalement le pasteur en personne. C’est lui qui va ramener ma bigote de femme à la maison, l’air triomphant.

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… L’incident est presque clos, mais je boude tout le monde autour de moi : mon patron de Ministre (chuuut ! avec respect quand même), mon épouse (chuuut ! avec un pincement au cœur quand même). Ah, je boude surtout les compagnes dévotes (sans commentaire…). Et surtout, surtout, surtout le pasteur (sans commentaire) …

 

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