COVID-19 : procès et épidémies des millionnaires

Confidences du chauffeur du Ministre

Par | Penseur libre |
le

Un chauffeur qui évite les pièges de conduite de son Ministre… Photo © Véronique Vercheval

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Lecture 5 min.

Je pense qu’en ce moment, mon patron le Ministre des Affaires Stratégiques et Tactiques (à prononcer avec respect…) a un bon motif de satisfaction.

 Première preuve de satisfaction, je crois : mon Ministre (avec M Majuscule) suit en spectateur relativement détaché, l’âme en paix jusqu’à nouvel ordre, le procès en   cours concernant le « procès des épidémies des millionnaires », selon son propre commentaire. Mon patron peut se féliciter jusqu’à nouvel ordre de ne pas s’être sali les mains, et cela grâce à qui, dites ? Grâce à son fidèle « Chauffeur 1e Classe », « Pilote de commandement de l’escorte ministérielle »! A plusieurs reprises en effet, sous la paillotte ministérielle, les yeux dans les yeux, j’ai fait part au ministre (et cela, suivant mes propres sources de renseignements), des tentatives et des tentations de « cops » nauséabonds, comme autant de pièges sur sa route.

C’est sans doute pour cela qu’en signe de reconnaissance, le Ministre m’a signé une autorisation sur mesure, pour ainsi dire, pour l’entrée et la sortie en République Autonome de la Gombe (RAGE), en confinement jusqu’à nouvel ordre …

… Et donc, ce matin, à pied et en route vers la résidence ministérielle, j’ai franchi la frontière de la Gombe, la tête haute, le torse bombé. Elle était là, la même officière de police de l’autre jour ; elle était là, l’infirmière de service de l’autre jour, le jour de mon calvaire de migrant rejeté. Oh, aujourd’hui, j’ai montré patte blanche, et elles m’ont souri gentiment, ces dames ! La plus jeune, et la plus belle, c’est-à-dire l’officière, a même baissé son masque sanitaire, comme on libère sa pudeur et ses réserves, et m’a décoché un sourire de soleil. Non seulement j’ai renvoyé à la belle, tic-au-tac, le même rayon de soleil ; mais devinant sa langue de terroir, j’ai fait à la dame le compliment sans doute le plus fleuri, le plus parfumé, le plus fusionnel, le plus percutant, le plus ensorceleur de sa journée…. Et son ‘’revolver-thermomètre’’ appliqué à ma joue a été une sorte de caresse, jusqu’à faire baisser ma température au beau fixe ! D’ailleurs, pour aller au fond de mon arrière-pensée, j’ai noté et retenu mentalement, sur le panneau d’affichage du poste de police, les jours de sa permanence. J’ai même résolu de faire de temps en temps un détour par le poste de cette entrée – là, au volant de la limousine ministérielle (avec dedans le Ministre !). Histoire de l’épater elle, mon Infirmière (avec I Majuscule) ; et de l’épater lui, mon Ministre (avec M Majuscule) …

… Pour l’instant, comme chaque matin en arrivant à la résidence, je suis installé sous la paillotte, en attente des consignes du chef.  Devant moi, à la télévision, c’est la retransmission en direct du « procès-des- cent-jours ». Entretemps, mon patron de Ministre s’est installé sous la paillotte pour suivre aussi le procès ; il a suivi religieusement le procès comme on suit un match ‘’classico’’ à la télé. Mais pas de commentaires de sa part, sauf par moments, lors des réponses des accusés, le recours à des jurons tonitruants comme ceux d’un spectateur de foot devant des penalties ratés… Le Ministre a été tellement accroché à la retransmission télévisée du procès qu’il en a oublié le boulot, le cabinet. J’ai donc eu droit à un congé inattendu…

… Retour à domicile. Une mauvaise surprise m’attendait. Ma femme était alitée et fiévreuse. Consultée par l’infirmière du quartier, elle en était à presque 40 degrés de fièvre, ce qui en ces temps de Covid-19, était un mauvais présage. D’ailleurs entre deux chuchotements, l’infirmière m’a conseillé l’automédication domestique et, au besoin, tradipraticienne, afin d’éviter tout diagnostic fatal et … positif dans un grand hôpital de référence….

Ayant finalement repris plus ou moins ses esprits, ma chère épouse nous a confessé, à l’infirmière et à moi, l’objet de son malaise et de ses cauchemars. Elle serait tombée évanouie devant la télé, lors de la retransmission en direct du ‘’procès-des-cent-jours’’.

Le déroulé vertigineux des millions et des millions en dollars tel que ressassé par des intervenants en toge noire ; le choc et le cumul des chiffres mirobolants ; la description et le film des ‘’cops’’ sur ‘’cops’’, toute cette saga aurait ébranlé profondément mon épouse. D’autant plus qu’elle s’était mise à procéder à un calcul mental éprouvant, compliqué, mais comparatif entre d’une part le salaire de son pauvre mari de chauffeur, un véritable salaire... SIDA (= SALAIRE INSIGNIFIANT DIFFICILEMENT ACQUIS) ; et d’autre part les coups de poker en millions de dollars tripatouillés comme en casino à ciel ouvert…

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