La promesse de l'aube

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Dimanche 16 décembre

 En prolongeant jusqu’à hier soir une quinzaine de travail qui aurait dû s’achever avant-hier, les acteurs de la COP 24 ont sauvé l’honneur. Ils sont parvenus à fixer des règles pour donner vie à l’accord de Paris. Ainsi, on peut conclure que si le rendez-vous de Katowice ne fut pas un succès, il ne fut pas non plus un échec. On n’y a pas sauvé la planète mais on y a sauvé les meubles. Piètre satisfaction pour les ONG qui se démènent tant et plus afin de clamer l’urgence de prendre des mesures conséquentes.

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 France 2 diffuse Le Père Noël est une ordure (Jean-Marie Poiré, 1982). Les principaux acteurs (La bande du Splendid : Balasko, Clavier, Lhermitte, Jugnot…) connaissent là le démarrage d’une belle carrière mais le film a beaucoup vieilli. Ce ne sera pas un grand classique dans l’histoire du cinéma, juste une bonne farce témoin de son temps.

Lundi 17 décembre

  Les patrons allemands savent gré à Merkel d’avoir accueilli un million de migrants (pour la plupart des réfugiés syriens) en 2015 et 2016. Ils apprennent vite la langue du pays et suivent des formations professionnelles. Près de la moitié d’entre eux ont déjà trouvé du travail. Le président des organisations patronales est même « surpris que ça aille si vite ». Bien entendu, tout n’est jamais simplement réjouissant, surtout en matière sociale. Ainsi, l’Institut allemand des droits de l’Homme soulève le risque de disposer d’une main-d’œuvre à bon marché. Les syndicats relayent. Mais en Allemagne, ceux-ci sont tellement puissants que s’il y a des scories en ce domaine, les réunions de concertation avec le pouvoir devraient les aplanir ou les corriger. L’essentiel est de montrer aux citoyens craintifs ou inquiets, sensibles aux sirènes de l’extrême droite, que l’immigration peut être un bien pour l’économie, surtout dans un pays en panne démographique.

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 Dans un entretien sur la chaîne Public Sénat, Gilles Le Gendre, le chef du groupe macroniste La République en marche à l’Assemblée, estime que le gouvernement a été « trop intelligent… trop subtil… trop technique ». Le président sait maintenant à quoi s’en tenir. S’il remaniait son équipe gouvernementale, il devrait plutôt choisir des abêtis, des balourds et des basiques.

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 Parmi les anglicismes inutiles parce que superflus, il faut citer aussi medley, désormais employé jusque dans les concerts des petits villages. Dommage pour pot-pourri, emprunté à la gastronomie, inventé par Rabelais et que, du reste, bien des pays latins (Espagne, Italie, Roumanie… même la Turquie …) utilisent encore, en ayant bien entendu adapté l’orthographe.

Mardi 18 décembre

 Message aux Gilets jaunes. Envoyez à Macron ce que Bernanos écrivait, il y a près de cent ans, à Charles Maurras pour se détacher de son mouvement : « Á force de prétendre obéir sans comprendre, on risque de ne plus comprendre pourquoi on obéit. »

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 Journaliste politique, Christine Clerc s’est surtout fait connaître par ses articles au Figaro et au Figaro Magazine où elle officia dès 1981 jusqu’à sa retraite. Elle s’était aussi beaucoup intéressée à la période gaullienne, y consacrant plusieurs livres. De manière ludique, elle écrivit une pièce de théâtre, en imaginant un dialogue entre Daniel Cohn-Bendit et Charles de Gaulle le 28 mai 1968, la veille du jour où le président de la République fut introuvable (on sait désormais qu’il s’était rendu à Baden-Baden pour retrouver le général Massu…) Pour les Universités populaires du Théâtre, son fondateur Jean-Claude Idée mit la lecture-spectacle en espace au Théâtre 14 à Montparnasse (Le Tombeur du Général). Il la présentait hier soir au Centre culturel d’Uccle, en présence de l’auteure. Gros succès d’assistance pour ce bon divertissement un peu léger. Cohn-Bendit n’est pas très bien cerné. En revanche, de Gaulle est authentique. Il faut dire que Pascal Racan, qui l’interprète, est, soyons-en sûrs désormais, la réincarnation de l’illustre sauveur de la France.

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 « … Peuple à genoux

Attends ton Rédempteur… »

 Cet ordre de soumission inquiétant, de quel pouvoir est-il issu ? Du plus puissant qui soit. Dans quelques jours, des millions de chrétiens entonneront Minuit, Chrétiens…, et prononceront ces paroles en ouvrant solennellement les Messes de Minuit. L’histoire de ce chant, qui ne date que de la moitié du 19e siècle, vaut la peine d’être connue. Elle est dotée d’un cocasse pittoresque. Adolphe Adam qui en créa la musique, l’appelait La Marseillaise religieuse. Quant au texte, son origine est encore plus surprenante puisque son auteur est Placide Cappeau, négociant en vin, socialiste et anticlérical, qui l’aurait rédigé à la demande du curé de Roquemaure, son village natal, dans la diligence qui le conduisait de Mâcon à Dijon sur la route de Paris. Claude Debussy appelait Minuit, Chrétiens… « Le chant d’un ivrogne ». C’était sans doute exact, mais rien ne dit que les ivrognes sont exclus du royaume des Cieux…

Mercredi 19 décembre

 Les statistiques de fin d’année commencent à être diffusées. En 2018, selon Reporters sans frontières, des records en nécrologie comme en détention seront  battus. Déjà 80 journalistes tués, 348 emprisonnés. L’Afghanistan, la Syrie et le Yémen sont les trois pays les plus sombres au palmarès funèbre, mais ils ne sont pas seuls. Ainsi, la campagne présidentielle mexicaine fut aussi meurtrière. Et d’ici dimanche, le Congo pourrait bien encore actionner le compteur.

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 « Ils pourront couper toutes les fleurs, jamais ils ne seront maîtres du printemps. » Lorsque Pablo Neruda (1904 – 1973) utilisait cette métaphore poétique, il parlait du capitalisme sauvage (le néolibéralisme dirait-on aujourd’hui) Les écologistes pourraient s’emparer de cette parabole lumineuse.

Jeudi 20 décembre

 Tandis que la campagne électorale a déjà causé la mort d’une bonne centaine de Congolais, la Commission chargée d’organiser les élections annonce que celles-ci sont reportées au 30 décembre. Le millésime n’est pas précisé.

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 Au cours de sa traditionnelle grande conférence de presse annuelle, Vladimir Poutine charge les Occidentaux de tous les maux de la Terre. Tous ? Non. Il prend soin de ménager Donald Trump…

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Rubrique L’artiste est prophète (suite). « Kandinsky soutient que le jaune est la couleur de la vie. On saisit maintenant pourquoi cette couleur fait si mal aux yeux. » (Cioran. Aveux et anathèmes. Á l’orée de l’existence, 1981)

Vendredi 21 décembre

 En retirant prématurément ses troupes de Syrie, Trump a fait un beau cadeau à Poutine, lequel peut continuer à conserver ses bases dans ce pays ravagé par la guerre civile. Deux ministres à département régalien ont encore démissionné cette semaine à Washington, dont celui de la Défense. Des Républicains renâclent. Mais les chiffres de l’économie restent très favorables, parfois exceptionnels, alors… Au paradis du capitalisme, ce sont eux qui font l’opinion, pas les défenseurs des droits de l’Homme, encore moins les stratèges militaires. Ni colombe, ni mitraillette, des dividendes, à n’importe quel prix dont, bien entendu, celui du renoncement.

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 Bottrop, dans le Nord-Ouest de l’Allemagne. C’est là que la dernière mine de houille vient de vivre ses dernières heures d’extraction. En d’autres temps, on en aurait profité pour évoquer la terrible vie des mineurs de fond, leur mort prématurée, agonisant sous la silicose, les conditions inhumaines de leur labeur infernal. Aujourd’hui, sensibilisés par les problèmes environnementaux, on conclut : « Il était temps qu’on ferme cette mine ! Ils ont fait assez de mal à la planète ! »

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 Caprices du c  a déclenché le shutdown, une majorité de parlementaires ne souhaitant pas lui voter des budgets pour construire un mur de 3200 kilomètres à la frontière mexicaine. C’était une de ses plus loufoques promesses de campagne. Non seulement il la mentionnait régulièrement dans ses meetings, mais de surcroît, il signalait que le Mexique en règlerait la facture. Comment un peuple peut-il croire de pareilles affirmations ?

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 Le RIC (Référendum d’initiative citoyenne) apparaît de plus en plus dans les manifestations à revendications civiques et sociales, reflétant toujours un peu plus la méfiance et le rejet envers la démocratie représentative. On y viendra, la Suisse montre l’exemple depuis longtemps. Il s’agit surtout de définir les sujets ou les matières pouvant entrer dans ce type de consultation, hors des départements régaliens, bien entendu. En finalité, grâce à l’informatique, la démocratie participative deviendra pratique courante. Et ordinaire.

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 Les Bonnes intentions ne développent pas toujours de bons sentiments. Gilles Legrand l’a bien compris. Alors, il a voulu qu’Agnès Jaoui les illustre et elle accepta d’être le pivot du film montrant une militante humanitaire tellement captivée par ses objectifs de bienfaisance et de bienveillance qu’elle en néglige sa petite famille. Il y a un peu trop de clichés ainsi que du mélo inutile. Bah ! C’est pour la bonne cause…

Dimanche 23 décembre

 Repère. Pour mémoire. Commissaire européenne à la Concurrence, Margaret Vestager est une personnalité du Parti social-libéral danois depuis l’âge de 21 ans. Elle en a aujourd’hui 50 (13 avril 1968). Elle pourrait succéder à Jean-Claude Juncker. Ce serait là un choix intéressant mais le Parti populaire européen (PPE), qui s’étend (et s’étale) d’Orban à Merkel en passant par Barnier ne sera-t-il pas en position d’imposer son candidat ? On a envie de crier Hourra l’Europe ! comme Aragon criait jadis Hourra l’Oural ! Et puis l’exaltation se dissout très vite dans les méandres de la réalité politicienne.

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 Parmi les collègues et confrères de sa génération, Bernard Pivot a toujours apprécié Jacques Chancel. Celui qui donna des lettres de noblesse au service public de la télévision avec Le Grand échiquier proposait aussi tous les jours, sur France inter, de 17 à 18 heures, un dialogue avec une personnalité qui recueillait beaucoup d’auditeurs. L’émission s’appelait Radioscopie. C’est le titre choisi par les éditions du Sous-sol pour faire paraître 19 entretiens avec une préface de François Brusnel, successeur de Pivot avec son émission La Grande librairie sur la 5. La sélection n’a pas dû être aisée. On y retrouve Isabelle Adjani (qui n’avait que 18 ans…), Françoise Giroud, Simone Signoret, Robert Badinter et Gérard Depardieu (il n’avait, lui, que 32 ans ; il en aura 70 dans quatre jours…), etc. Cet ouvrage, qui pourrait être posé sous le sapin – comme on dit – et qui réjouirait ainsi les plus d’un demi-siècle, c’est celui que Pivot a choisi pour sa chronique hebdomadaire du Journal du Dimanche (JDD). Survient un jeu de miroirs. Lors d’un passage sur le plateau de Brusnel, à l’occasion de la parution de son livre La mémoire n’en fait qu’à sa tête (éd. Albin Michel), Pivot avait confié que l’un de ses grands regrets était de ne pas avoir pensé consacrer une émission complète à Romain Gary. Ce n’est donc sans doute pas un hasard si, dans son commentaire de Radioscopie, il écrit : « Pour moi, le plus bel entretien est celui de Romain Gary, 61 ans, cinq ans avant sa mort. » Comme on le comprend ! Du reste, Gary va redevenir un auteur très prisé, comme on connut la mode Boris Vian au début des années ’70. Voilà une prédiction que l’auteur de La promesse de l’aube aurait confirmée, saluée comme une évidence historique.

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 Sur France-Culture : « Ce film est le plus gros blockbuster de l’année. » Est-ce vraiment ringard de dire « succès commercial » ? Sur France-Culture, merde !

 

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