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De gauche à droite : Philippe De Keyser, René Schoonbrodt, Maurice Culot, lors de la fête des 50 ans de l’ARAU. Photo © Gabrielle Lefèvre

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50 ans de conquête du droit à la Ville avec l’Atelier de recherche pour l’action urbaine étaient au programme de la cinquantième Ecole urbaine de l’ARAU. Si un hommage chaleureux a été rendu aux grands anciens, les fondateurs de cette dynamique étonnante, ce sont des jeunes qui ont repris le flambeau avec un but affirmé : rendre la démocratie urbaine encore plus démocratique.

Cette dynamique a été lancée il y a cinquante ans par le sociologue René Schoonbrodt, l’architecte Maurice Culot, le juriste Philippe De Keyser, le « curé des Marolles » Jacques Van der Biest. Dans cet Atelier se concoctait la potion magique d’une nouvelle politique urbaine : « la restauration d’une rencontre humaine dans la ville d’aujourd’hui, orientant les techniques vers le bien commun. Nous entendons par là le développement de l’autonomie urbaine par la démocratie communale, la promotion du pluralisme et de l’échange, la subordination de la technique et de la production à la vie commune. »

Le combat était ainsi lancé contre ce mal chronique qui frappait Bruxelles : le secret entourant les projets urbanistiques, la mainmise des promoteurs sur un certain « développement » des quartiers favorisant les bureaux au détriment de l’habitat - surtout celui des plus pauvres, des responsables politiques aveuglés par les mythes du modernisme genre Le Corbusier, du « tout à la voiture », d’une emprise européenne sur un espace urbain de plus en plus grand, voire même d’un « World Trade Center » bruxellois jetant des milliers d’habitants à la porte de chez eux…

Le contexte était chaud, les défis énormes et les blocages politico-économiques renforcés par des pratiques peu légales et de corruptions diverses. Alors, nos quatre pionniers ont affronté cela avec finesse : la stratégie était celle de l’information, de l’argumentation, du débat avec les habitants pour les éclairer sur la complexité des projets urbains, sur leurs droits comme citoyens et habitants. Les moyens d’agir étaient divers : visites de quartiers, de maisons, conférences, débats, contacts multiples avec la presse afin de diffuser le plus possible les contre-projets, les propositions, les désidératas des habitants.

Cette éducation populaire à grande échelle était concrétisée par le talent des architectes, notamment ceux de La Cambre entourant Maurice Culot, qui dessinaient cette ville humaine et démocratique. Une ville de rues, de places, de quartiers. Une ville où le travail n’est pas éloigné de l’habitat, où la mobilité se base sur les transports en communs : « des petits trams partout et tout le temps » était un des slogans les plus fameux de l’ARAU. Une ville verte aussi, absorbant l’eau de pluie et favorisant les potagers qui étaient relativement nombreux à l’époque ! Une vision d’une magnifique actualité en ces temps de combat pour le climat.

C’est ainsi que, avec des personnalités politiques à l’esprit ouvert puisqu’il s’agissait de l’Agglomération bruxelloise, préfigurant ce que deviendra la Région, l’ARAU et Inter-Environnement Bruxelles regroupant des dizaines de comités de quartier, ont obtenu les procédures de concertations entre habitants et pouvoirs publics dans le cadre des plans d’urbanisme. Une formidable avancée démocratique qui a ouvert la voie à toutes les nouvelles formes de dialogue avec les citoyens : débats, réunions d’information, concertations obligatoires, consultations populaires, référendums d’initiative citoyenne, etc.

La 50è Ecole Urbaine avait donc parmi ses thèmes, celui de l’approfondissement du contrôle citoyen. Le défi actuel est en effet la complexité de dossiers d’aménagements urbains sur des espaces considérables parfois, ce qui rend la concertation quasi impossible puisque les habitants ne peuvent appréhender l’ensemble. Et l’échafaudage des pouvoirs de décision rend la tâche encore plus difficile : qui peut s’y retrouver dans cet écheveau de responsabilités ?

Un autre défi qu’entend relever l’ARAU est celui de la reconfiguration des pouvoirs dans la Ville : fusions de communes, instauration d’une commune unique couplée à la Région ainsi que le prévoit le plan élaboré par l’Aula Magna, fusions partielles… L’interrogation porte sur le manque de cohérence et donc d’efficacité entre les politiques communales et régionales.  Il n’est pas normal en effet que d’une commune à l’autre, il y ait des différences parfois fortes de traitement de certains aspects de la mobilité, de l’équipement urbain, de l’aide aux personnes…

Au centre de ces réflexions, l’option reste la même : la démocratie urbaine. Bruxelles-Région ne sera démocratique que si elle se gère avec, disons une trentaine de conseils de quartiers. Donc, avec les habitants. Une nouvelle « démocratie communale », comme annoncée dans le texte fondateur de l’ARAU, dont le but est le bien commun.  Tout cela est décliné dans le projet de nouvelle Charte d’action urbaine qui fut discuté lors de cette dernière Ecole urbaine.

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