L'atlas belge des aphorismes est sorti!
L'autre soir, avant de sortir d'un bistrot où un livre était ouvert sur une table, un copain a décoché, sans s'en rendre compte, une formule qui lui appartient et ne sera pas ici divulguée. Mais je pris soin de la griffonner sur un sous-bock. Je n'y pensais plus, à cette courte phrase, quand un livre m'est arrivé par la poste. La solide enveloppe qui avait voyagé d'Amougies jusqu'en Thudinie contenait un livre auquel, depuis lors, je reviens souvent. Au hasard, j'ouvre "Belgique, terre d'aphorismes", anthologie subjective et tombe, par exemple, sur cette confidence de Luc Honorez, journaliste, critique de cinéma au Soir: "J'aimerais avoir l'écriture en trompette pour souffler dedans". Chapeau! Et, chaque fois, une force irrésistible me ramène à la page où figure la célèbre déclaration de Pierre Alechinsky, du Daily-Bul...
"En avant, y a pas d'avance", m'a souvent fait rigoler tout haut, quand, en fin de journée au boulot avec un rhume, les heures me paraissaient un peu longues. Tout est dans ces mots, le défi, la révolte, l'humour qui libère du joug, le recul, peut-être même un zeste de sérénité. Dans la préface, Christine Béchet, une Louviéroise, salue le travail de l'enquêteur qui a remué ciel et terre et surtout livres et vieux papiers, carnets jaunis et revues oubliées (ou pas...) pour en extraire ces aphorismes belges qui ont le surréalisme dans la peau. Michel Delhalle, bibliothécaire et auteur, donnerait l'ombre de son ombre pour le plaisir de repérer une de ces phrases courtes, denses, percutantes, trempées d'humour décapant. Tiens, le mot "ombre"? C'est bien André Balthazar, du Daily-Bul, qui nous a laissé cette pensée, "L'ombre n'a pas d'ombre"?
Le panorama va de Perlette Adler à Liliane Wouters. En route, il nous donne à croiser les aphorismes d'écrivains, journalistes, poètes, humoristes ou d'illustres inconnus que l'on découvre. Trois cents voix résonnent dans cette contrée de trois cents pages. En accord parfait avec le mot grec, aphorismos, qui veut dire "définition". Ah, cette manière de cerner, dire, de laisser une empreinte sur le sable avant que la vague ne la balaie. C'est Roger Avau qui nous demande, "A quel âge êtes-vous né?", Raymond Devos qui chuchote..."Se coucher tard nuit".
Dès lors, cet ouvrage serait une géographie au pays des mots qui nous emporterait dans le mystère d'un coin de terre que marquera toujours le surréalisme. Une manière de voir la réalité sans se laisser aveugler par les évidences et la révérence, qui demande de sortir des sentiers battus, de refuser de faire la file indienne, de rire quand les larmes menacent, en suivant ces magiciens du langage qui tordent le cou aux mots, ainsi le rappelle Delhalle. Des revues saluent ou ont salué l'aphorisme. Ainsi Les Lèvres Nues, Phantomas, Temps Mêlés, le Daily-Bul, Le Bâtia Moûrt soû, le Spantole (de Roger Foulon) et Court Toujours. Oui, c'est bien ça: court toujours!
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"Belgique, terre d'aphorismes", par Michel Delhalle. Cactus Inébranlable Editions. 297 pages. 17 euros.
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