Le bouddhisme, philosophie ou religion sans dieu ?

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Birmanie. Photo ©Jean Frédéric Hanssens

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Le bouddhisme est un concept spirituel et psychologique intéressant, presque paradoxal car il peut être à la fois une spiritualité, une religion mais sans dieu imposé, un chemin d’introspection non religieux, un folklore très riche qui s’exprime dans de nombreux pays par des expressions culturelles impressionnantes...

"Pour Philippe Cornu, le bouddhisme est une religion avec une prédominance de l'aspect 'voie spirituelle', qui privilégie le chemin individuel. Il ne concerne pas l'aspect institutionnel, social. Ce n'est donc pas une religion qui a une emprise directe sur la société.

C'est une religion non-théiste mais qui n'est pas pour autant athée : les dieux sont tolérés, mais pas vénérés. Elle met en avant l'esprit pour présenter le monde, agir avec le monde. Elle insiste sur l'intériorité, sur l'observation de soi-même et de ses réactions, plutôt que sur l'instauration de règles et de commandements extérieurs. Elle établira plutôt des recommandations.

La transcendance du bouddhisme est à trouver à l'intérieur de nous-mêmes. Mais nous sommes tributaires de toutes nos croyances et illusions fabriquées à partir d'une incompréhension fondamentale de notre existence. (…)" (1)

Voilà une bonne présentation, nuancée, de la complexité de ce thème spirituel. Cependant, de nombreux voyages dans des pays d’Extrême-Orient m’ont permis de découvrir la diversité des pratiques et rituels du bouddhisme, son importance religieuse, sociétale voire même politique. Des millions de pratiquants cherchent dans cette religion la consolation aux malheurs qui les frappent, la solution à leurs problèmes, la joie partagée quand il s’agit de moments de bonheur. Bref, des pratiques religieuses guidées par des moines plus ou moins sages, plus ou moins véreux, plus ou moins paresseux, comme ce fut le cas dans notre histoire occidentale. Et si Bouddha n’est pas un dieu, il est une figure tutélaire, protectrice, consolatrice que l’on invoque comme les croyants le font avec nos dieux des religions du Livre.

Bouddha, qui ne devrait être que compassion et amour, sert même de drapeau à des extrémistes bouddhistes pour des guerres prétendument religieuses, ainsi que nous le voyons au Myanmar (Birmanie) à l’encontre des Rohingyas musulmans. Ils sont considérés comme « une des ethnies les plus persécutées au monde » par l'Organisation des Nations Unies (ONU).

Le bouddhisme est ainsi mis à toutes les sauces culturelles et politiques mais dans nos pays, il sert plutôt de voie exotique à la recherche intérieure, à un peu de paix et de calme dans notre monde de brutes compétitives et consuméristes. Et ses représentants en Belgique se sont mis en tête de se placer sur le même rang que les laïques organisés, celui de la philosophie non confessionnelle, subsidiée au même titre que les cultes reconnus.

C’est bien « une nouvelle blague belge ! », ainsi que l’écrit André Lacroix dans son opuscule « Le bouddhisme : une philosophie non confessionnelle ? »

Résumons : dès 2006, l’Union bouddhiste de Belgique (UBB) demande officiellement que le bouddhisme soit reconnu en Belgique comme une philosophie non confessionnelle. Il lui faudra attendre 17 ans pour que le gouvernement adopte un avant-projet de loi en ce sens. Le président de cette Union qui regroupe 35 associations est Carlo Luyckx, ancien échevin PS à Saint-Gilles, et désormais interlocuteur officiel de nos pouvoirs publics pour cette mouvance bouddhiste. (2)

Dans son livret, André Lacroix explique les nombreuses nuances du bouddhisme qui n’échappe pas aux tares des religions. Ainsi, le prosélytisme qui va parfois jusqu’à la violence contre le non-bouddhiste ; exemple des Tamouls au Sri Lanka, des Rohingyas, des Bouthanais et même, dans l’histoire, des persécutions sanglantes commise par des lamas contre des missionnaires chrétiens et leurs ouailles. Et de rappeler que les nazis se sont inspirés du mythe guerrier tibétain du Shambala.

D’ailleurs, le bouddhisme, surtout le tibétain, a toujours fait bon ménage avec la droite et l’extrême-droite, ainsi que le prouvent le japonais Daisetz T. Suzuki, ultranationaliste proche des théories nazies, et l’Italien Guiseppe Tucci, sympathisant du fascisme et vantant la pureté raciale des populations tibétaines, souligne l’auteur.

Quant à l’actuel Dalaï-Lama, il est devenu le symbole de l’opposition à la Chine communiste et à ce titre chouchouté par toutes les droites européennes et américaines.

André Lacroix décrit ensuite les violences d’institutions bouddhistes sur leurs adeptes, les pratiques sexuelles « aberrantes » dans certains monastères et certaines sectes lamaïstes comme celle qui a sévi en Belgique, à savoir la secte OCK et son gourou le Belge Robert Spatz.

A l époque d’un féminisme très militant, soulignons aussi l’extrême misogynie du bouddhisme, notamment tibétain. Et aussi la similitude avec les traumatismes causés par le catéchisme catholique et l’obsession de l’enfer et des châtiments post-mortem dans le lamaïsme ; ou encore le trafic d’indulgences en monnaies sonnantes et trébuchantes qui engraisse les moines et appauvrit les pauvres crédules.

En bref, comment donc expliquer le tour de passe passe du gouvernement belge qui gomme un constat largement reconnu dans le monde, à savoir que le bouddhisme est avant tout une religion presque comme une autre, même si elle ne reconnaît pas l’existence d’un dieu créateur ?

Selon André Lacroix, l’argent dédié aux cultes et philosophies non confessionnelles serait mieux utilisé en rendant obligatoire, pour tous les élèves de l’enseignement secondaire, un cours substantiel de philosophie et d’histoire des religions ; et en option, l’approfondissement de tel ou tel culte.

- André Lacroix. « Le Bouddhisme : une philosophie non confessionnelle ? Nouvelle blague belge ! » Ed. Vérone.France. 2023. andre.lacroix@lacroix-deruyt.be

- André Lacroix, ancien professeur et cofondateur en 1981 du Syndicat de l’enseignement libre (SEL) est aussi un passionné du Tibet et un observateur très critique des rapports entre politique et religions en Extrême-Orient notamment.

(1) Professeur à l’Institut de recherche Religions, spiritualités, cultures, société (RSCS/TECO) de l’Université Catholique de Louvain.

Extrait de l'interview sur le site de la RTBF

https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/rscs/actualites/le-bouddhisme-religion-ou-philosophie.html

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