Le mirador

Allo, allo, quelle nouvelle

Par | Penseur libre |
le

© Serge Goldwicht

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Lecture 7 min.

Le mur a été construit pour empêcher les envahisseurs venus du sud d’atteindre nos terres, nos femmes, nos richesses et c’est un succès. Il se dresse dans une région désertique à la frontière entre le Texas et le Mexique. Il est une protection contre la gangrène qui pourrit le sud du continent. Nous, les militaires qui travaillons sur le mur, nous sommes persuadés qu’il n’y aura pas de deuxième Fort Alamo.

Du mirador, le point le plus élevé du mur où j’aime passer du temps, je peux tout observer à des centaines de kilomètres à la ronde. Pour le moment, personne ne tente d’atteindre le mur. Il est trop grand, trop haut, trop puissant.  Infranchissable. Il fait renoncer les plus déterminés

Pour compagnon, on m’a confié Rufus, un berger allemand qui a d’abord été dressé pour flairer et débusquer les nègres autour des plantations de coton. Ce chien est intelligent car il s’adapte. Aujourd’hui, il est capable de débusquer un latino à cent mètres. Rufus me comprend mieux que n’importe qui. Il ressent immédiatement mes inquiétudes, mes angoisses, mes joies et mes colères. Il est l’ami et le frère que je n’ai jamais eu.Il est tendre quand il frotte son museau contre ma jambe.

Gardien du mur est un bon job. Il n’est pas mal payer et, pour la première fois de ma vie, j’ai vraiment l’impression de servir mon pays. Le mur est construit de telle manière que si un envahisseur s’approche à moins de trente mètres, je peux l’abattre sans aucune difficulté. Le mur fera battre en retraite tous les feignants qui viendraient du Sud pour profiter de nos richesses. La semaine dernière, nous n’avons même pas été surpris par l’arrivée de la mer aux pieds du mur. Nous avions été prévenus par radio que le barrage situé 250 kilomètres plus au nord avait cédé sous la pression de l’océan. Dans mes jumelles, je n’ai pas vu débouler de migrants, seulement des vagues furieuses qui ont contourné le muret le mirador. J’ignore la profondeur de l’eau. Parfois, entre deux vagues, on aperçoit le sommet du mur. Depuis quatre jours le mirador ressemble à un îlot perdu au milieu de l’océan. Ce matin, j’ai été réveillé par le meuglement d’une vache. Elle nageait tant bien que mal en se demandant ce qui lui arrivait. Elle était épuisée et n’allait pas tarder à se noyer. Brian a eu l’idée de l’attirer vers nous.

- Pourquoi ?

- Pour le lait et la viande, évidemment.

Parmi les soldats qui défendent le mur, se trouve un ancien cowboy qui a attrapé la vache au lasso dès sa première tentative. La tirer vers nous et la sortir des flots pour l’amener sur la plateforme située devant le miradorne fut pas simple mais, à cinq hommes, nous y sommes arrivés.

Actuellement, elle est au sec dans l’escalier de la tour du guet. Elle n’a rien à manger et n’est pas à son aise mais on s’en fiche.  Nous l’abattrons quand nous aurons envie d’un steak.Hier, nous avons aperçu le premier bateau. Dans nos jumelles, une famille d’américains que la mer avait arraché à leur terre. Dès qu’ils sont apparus à l’horizon, Brian a eu l’idée de faire un feu au sommet du mirador. A présent, la tour d est un phare qui guidera vers nous les survivants américains de la grande marée. Le problème, c’est que le phare attire tout le monde, même les mouches. Très vite, des bateaux remplis d’envahisseurslatinos guidés par la lumière ont mis le cap sur le mur. Le premier bateau à accoster devant le mur avait deux mexicaines à son bord. Les connes pensaient être tirées d’affaire alors qu’elles ont été reçues par une garnison d’hommes qui n’avaient plus baisé depuis plusieurs semaines. Avec elles, on s’est bien amusés pendant trois jours. Une vraie fiesta. Rufus nous a regardés bizarrement pendant qu’on les baisait ou alors, les hurlements des femmes le surprenaient mais je suis certain qu’il aurait agi comme nous s’il avait été à notre place. Il y a trois jours, une famille de latinoss’est approchée de la tour en canot pneumatique.  Deux adultes et trois enfants.

- Y’a une femme ! Y’a une femme ! a hurlé Brad qui a une bite à la place du cerveau.

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Au moyen d’une ancre de fortune, le s latinos sont parvenus à accrocher leur canot au sommet du mur. Leur canot s’était immobilisé à quelques mètres du mirador. Les enfants nous faisaient des signes auxquels, évidemment, nous ne répondions pas. Aucun contact avec les envahisseurs est la consigne.

Nous ignorons comment les latinos ont réussi à s’introduire dans le mirador. Il est probable que le niveau de l’eau leur a permis d’atteindre une pierre descellée dans le bâtiment. Les latinos sont comme des rats qui s’introduisent partout quand ils ont faim. Au début, Rufus a montré les dents et a mordu un gosse qui l’avait bien cherché.  Ensuite, il s’est habitué à eux et a participé à leurs jeux.Avec le temps, les envahisseurs l’ont amadoué à coups de caresses hypocrites et de morceaux de poissons. Ils sont restés trois jours. Le soir du troisième jour, Brad s’est battu avec le mari qui l’avait surpris en train de peloter sa femme. Le lendemain, les latinos embarquaient sur le canot qui n’a pas tardé à s’éloigner du mirador Dès le départ des latinos, Rufus dépérit. Il faut se rendre à l’évidence : ce chien s’amusait avec les gosses et s’emmerde avec nous. Après leur départ, il longea tristement les murs, ne toucha plus à sa gamelle et fixa l’océan en espérant revoir le canot. Et , l’ ce qui devait arriver arriva. Ce matin, Rufus s’est jeté à l’eau et a suivi le cap qu’avait pris le canot. Rufus ! Rufus ! Mon seul ami, mon compagnon !Mon ami !  Du haut du mirador, pendant de longues minutes, j’ai crié son nom mais les vagues de l’océan se sont montrées plus puissantes que ma voix. Les autres soldats m’ont regardé bizarrement. Certains se sont moqués de moi mais je m’en fiche. Heureusement, ce matin, en prenant mon café dans la cantine, j’ai vu mon chien se battre contre les vagues. Il est toujours en vie après une nuit en mer ! Rufus ! Je suis descendu sur la plateforme au bas du mirador et j’ai vu son petit corps sombre porté et anéanti par les vagues.Un vrai joujou pour l’océan. Rufus ! Je me suis jeté à l’eau pour lui venir en aide mais j’ai eu du mal à le rejoindre. Trop de houle et trop de résistance. Epuisé, je suis arrivé à la hauteur de mon chien qui m’a souri. Ce n’était pas Rufus mais une crapule de latino qui croyait, l’imbécile, que je venais l’aider.

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