Le pommier

Une édition originale

Par | Penseur libre |
le

© Serge Goldwicht

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Lecture 3 min.

Je sais ce que vous pensez car vous pensez comme tout le monde : Un pommier doit se contenter de produire des pommes à l’automne et de faire apparaître de magnifiques fleurs blanches au printemps mais si tout le monde restait sur ses acquis et sa fonction sans jamais transgresser, la terre ne tournerait pas rond. Je suis un pommier d’Europe occidentale qui reçoit suffisamment d’eau et de lumière pour vivre confortablement. Pourtant, quand j’apprends que des enfants souffrent de pauvreté et de malnutrition à quelques centaines de mètres de moi, mes fleurs se fanent et ma sève se bloque. C’est pourquoi, j’ai révolutionné les règles qui soumettent l’existence des arbres depuis l’origine de la vie sur terre en déterrant mes racines et en les avançant d’un mètre, puis deux. Déterrer mes racines est simple mais les planter dans le sol est complexe surtout s’il est sec et ferme. Je ne voudrais pas être le premier arbre qui se casse la gueule en marchant. Oui, je sais que je pourrais laisser le vent emporter mes graines un peu plus loin mais le temps presse et il faut avancer. Déterrer mes racines et les replanter.

Voilà, je marche mais comme les révolutions font peur aux citoyens, je ne progresse que la nuit, discrètement. Evidemment, le mieux serait de me rendre au Yémen ou dans les autres pays où les populations, adultes et enfants, souffrent atrocement de faim mais ni le sable ni les voyages maritimes ou aériens ne conviennent à mes racines. Au matin, les gamins de la cité me découvrent et m’utilisent immédiatement comme poteau de but. C’est bon d’être utile. C’est bon aussi de changer de perspective, de regarder autre chose et voir le monde autrement. Les voyages forment ma jeunesse. Chaque fois que le ballon heurte accidentellement mon tronc, je laisse tomber une pomme bien dorée que les gamins se partagent avec bonheur. Quelle joie ! Quand des amoureux s’asseyent contre mon tronc pour faire l’amour, je les inonde d’une pluie de fleurs blanches et parfumées histoire de rendre cet instant inoubliable. Il suffit d’un pommier pour créer le paradis sur terre sauf quand le propriétaire du verger de départ assigne en justice pour vol de pommier le propriétaire du nouveau terrain dans lequel j’ai planté mes racines. Le plaignant fait constater le vol du pommier par des huissiers qui constatent le délit. L’argent ne fait pas le bonheur des hommes avides. Mon propriétaire actuel a probablement perdu le procès parce que ce matin, une équipe de bucherons s’est déployée autour de moi. Leur scie émet un bruit épouvantable et une douleur atroce quand elle pénètre mon tronc. Affreuse souffrance, cette guillotine. Comme tous les révolutionnaires avant-gardistes, on m’a condamné à mort et exécuté.

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