Les acteurs ont remplacé leur marionnette

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Mercredi 1er mars

 Trump en a épaté plus d’un devant le Congrès. La forme de son discours fut présidentielle : grave, sérieuse, sans esbroufe, sans vocifération, sans assertions stupides. Manifestement, ses conseillers en communication l’avaient bien préparé, mais surtout, il les avait bien écouté, démontrant une fois de plus le vieil adage : c’est la fonction qui crée l’organe. Du coup, on en oublie le fond. Or, le contenu, lui, n’a pas changé. On est bien en présence d’un nationaliste obtus, borné, inquiétant.

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 Alors qu’il perd de plus en plus de soutiens à l’annonce de sa mise en examen, Fillion marche sur des œufs. Au Salon de l’Agriculture, Macron en reçoit un sur la tête. Les Guignols de l’info ont cessé de sévir sur les antennes de Canal +. Qu’à cela ne tienne, les acteurs ont remplacé leur marionnette.

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 On considère que la première utilisation « Internet » remonte à octobre 1972. Peut-être qu’un jour, c’est en fonction de ce repère que l’on évoquera la marche du Temps… Victor Hugo naquit en l’an 170 avant Internet…

Jeudi 2 mars

 Moscou annonce que les forces syriennes ont repris Palmyre. Ce sont les forces syriennes ou les forces russes ?

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 Fillion candidat : pour combien de temps encore ?

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 Le livre de Muriel Gilbert, la correctrice du Monde (Au bonheur des fautes, confession d’une dompteuse de mots, éd. Librairie Vuibert, 2017) fourmille d’espiègleries puisées dans la langue française. Ainsi, elle énumère certains mots qui ne riment avec aucun autre. En tête de la liste, le mot « belge ». Il y a bien Die Felge, mais c’est de l’allemand qui veut dire jante. En revanche, Selge, cité antique, aujourd’hui ville de Turquie, conviendrait bien. On notera aussi le nom de Baudouin Velge, président du Cercle de Lorraine à Bruxelles, expulsé de son poste à l’automne 2015. Avec ces quelques éléments, on peut contredire madame Gilbert.  

Vendredi 3 mars

 Autrefois, lorsque les médias sociaux n’existaient pas, les humeurs populaires versant dans le poujadisme s’épanchaient au Café du Commerce. Les mêmes humeurs issues de la bonne société trouvaient leur exutoire dans Le Figaro Magazine où le courrier des lecteurs orchestré par Max Clos donnait des nouvelles fraîches issues des esprits sains de la droite extrême, celle qui penchait souvent vers l’extrême droite au risque volontaire de parfois y tomber. Les éditorialistes relayaient parfaitement les diatribes. Louis Pauwels, le fondateur de l’hebdomadaire bien-pensant, dont Le Canard enchaîné avait révélé que l’épouse possédait quelques cinémas pornographiques à Pigalle, avait montré le chemin du style ampoulé qui convenait. Alain Griotteray lui avait succédé, sur un ton encore plus aigu. Guillaume Roquette, la plume de service aujourd’hui, honore bien l’héritage de ses illustres prédécesseurs. Sa prise de position Droit de violence ? vaut le détour cette semaine. Il disserte sur « la tolérance des pouvoirs publics » eu égard aux manifestations de la gauche, des méfaits qui s’y produiraient et qui seraient soutenus par les intellectuels. On n’imaginait pas qu’en 2017, il soit encore possible de dégager un succès d’estime en écrivant : « Dans la vulgate marxiste qui imprègne encore tant d’élites françaises, la fureur de gauche est forcément légitime puisqu’elle a accouché de la Révolution. » Bref, la gauche détruit quand elle descend dans la rue, la police et les juges laissent faire. Il est toujours bon de consulter Le Figaro Magazine en période électorale. C’est en cette circonstance que son délire atteint le paroxysme. Cette semaine, la couverture montre François Fillon en belle tenue élégante, serein, déterminé, calme, avec ce commentaire en titre : La contre-attaque. En pages intérieures, la soupe est servie.

Samedi 4 mars

 Le peuple. C’est le seul sujet qui peut, pour l’heure, élever le débat dans la campagne présidentielle française. Le peuple, et son dérivé, le populisme, une notion qui, comme l’a démontré Jean-Claude Michéa, ne renfermait point une signification péjorative. Mais dans le cadre de la défense de Fillon, utiliser le peuple contre les institutions judiciaires, c’est verser dans un dangereux populisme indigne d’un prétendant à la charge suprême. Comment dénoncer les vices de l’extrême droite, bafouant  sans cesse les valeurs de la République, lorsque l’on se sert des mêmes arguments ? Toute la faute ineffaçable de Fillon est là : il fait le contraire de ce qu’il dit, et il utilise des arguments fallacieux pour minimiser (ou se faire pardonner) ses erreurs.

Dimanche 5 mars

 Comme Sarkozy en 2012, Fillon appelle ses partisans à se rassembler sur la place du Trocadéro. Et comme pour le geste de la dernière chance qui permit à Sarkozy de réaliser un score plus honorable que prévu, l’on retrouve les mêmes images : des dizaines de milliers de mains qui agitent un drapeau tricolore. Au journal de 20 h sur France 2, Fillon se gargarise du succès et réaffirme que personne ne peut l’empêcher d’être candidat. Bref, il s’enlise un peu plus et met son camp davantage en difficulté. Juppé est à Bordeaux, en famille, et il se tait. Sarkozy consulte et joue les arrangeurs en coulisses. Il adore ça… Quant aux autres, la presse les dénombre soit du côté des absents, comme des centaines d’élus, soit comme du côté des présents, comme François Baroin en particulier, qui attend son heure. Les défections s’accumulent et Fillon s’obstine. On aimerait savoir ce que pense Gérard Larcher, homme probe et libre, président du Sénat, qui parrainait Fillon depuis sa candidature à la primaire, et que l’on ne voit plus depuis quelques jours. Les fractures de la droite sont profondes et graves pour la République. Celles et ceux qui, à gauche, s’e réjouiraient commettraient une lourde erreur.

                                                           *

 Le groupe PSA rachète Opel à General Motors pour plus d’un milliard. Aucun plan social ne serait associé à cette transaction, ni d’un côté, ni de l’autre. Une industrie française acquiert donc une entreprise allemande. Le contraire eut provoqué des éclats de voix de la part de celles et ceux qui prêchent le délitement de la France au point d’en faire leur principal argument de campagne.

Lundi 6 mars

 Juppé depuis Bordeaux à 10 h 30. Il renonce « une bonne fois pour toutes ». Une déclaration grave, amère, digne, désabusée quant aux divisions de sa famille politique. On comprend « Débrouillez-vous… » mais ce serait plutôt « Allez vous faire foutre ! » Le soir, le comité politique, une instance qui n’existe pas dans les statuts du parti LR, décide à l’unanimité de soutenir François Fillon. Tout ça pour ça… Le président de cette instance (illégale… aussi ?) est Gérard Larcher. Cet homme réputé probe et libre s’était mis aux abonnés absents depuis deux ou trois jours. On s’attendait à un retour en dignité nourrie de rigueur civique. Il n’en est rien. Le plantureux président du Sénat s’est dégonflé. Raison d’État ? Sans doute. Mais pas excusable pour autant…

                                                           *

 Durant toute la journée, des chaînes d’information en continu comme BFM-TV se sont consacrées entièrement à la crise du parti Les Républicains en rapport avec la candidature contestée de François Fillon. Des commentaires, des analyses et des spéculations interminables se sont succédé de la part d’observateurs et journalistes qui, fussent-ils chevronnés, n’en savaient pas davantage que le plus commun des téléspectateurs. C’est à peine si certains journaux télévisés pourtant bien construits (le Grand soir 3, par exemple, totalement muet…) ont évoqué la réunion de Versailles, où François Hollande, appuyé par Angela Merkel et leurs équivalents espagnol et italien, annonça la préparation d’une Europe à plusieurs vitesses, amorce de décisions importantes qui devraient être dégagées en ce mois de mars, 60e anniversaire du Traité de Rome. Le citoyen ne pourra point percevoir que cette prise de position aura demain plus d’importance sur son quotidien que la campagne de Fillon, qui est du reste loin d’être devenue sereine.

Mardi 7 mars

 Le journal Libération consacre un numéro spécial aux réfugiés. Á cette occasion, trois d’entre eux (une journaliste syrienne, un consultant et un journaliste iraniens) avaient sollicité une entrevue avec François Hollande sans trop y croire. Ils reçurent cependant une réponse positive. L’entretien eut lieu. Il est reproduit dans ces pages-là. Les questionneurs se sont davantage intéressés à la situation de l’homme qu’à ces analyses. On discute par exemple de l’importance de la famille… C‘est touchant et cela reflète bien le sens du dossier, axé naturellement sur la condition humaine et sur les valeurs de vie collective. Ce numéro tranche avec le reste des journaux dont les titres se rapportent à la relance de la campagne de Fillon. La une du Parisien – Aujourd’hui en France est la plus expressive : une grande photo de Fillon qui sourit et un titre : Il les a eus.

Mercredi 8 mars

 Le président turc Recep Erdogan prépare un référendum qui lui attribuera encore plus de pouvoirs. Il voudrait tenir meeting en Allemagne afin de s’adresser à l’importante communauté de compatriotes qui s’y est installée. Angela Merkel refuse. Il l’a compare à Hitler. Devant le consulat de Turquie à Berlin, un factotum s’adresse à la foule qui agite des drapeaux rouges étoilés. Une petite minorité d’opposants manifestent son opposition au sultan, en marge du rassemblement.

 (…)

 Ce qu’on fait de vous hommes femmes

 Ô pierre tendre tôt usée

 Et vos apparences brisées

 Vous regarder m’arrache l’âme

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 (…)

          (Louis Aragon. J’entends, j’entends)

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