Les renoncules du château de Chimay

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
le

Simon a dessiné le mystère d'une balade dans la forêt.

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Le bois est calme. Du soleil éclaire le sentier. Les feuilles jonchent le sol. Un chevreuil file dans un fourré. Le chien lève la tête. Observe. Un oiseau appelle. Un autre lui répond. Bruit des pas sur le chemin, le petit tient le chien en laisse. Le gamin cherche à s'orienter. Il veut aller retrouver la vallée mystérieuse au-dessus de laquelle, à la lisière des arbres, s'étendent les champs avec les rapaces qui glissent sur le vent.  Alors que le monde gronde, craque, que les injustices s'amoncellent, aller vers la nature permet de souffler. Et si d'aventure, alors, vous plantez le bulbe d'une fleur ou un arbrisseau, vous aurez peut-être le sentiment d'avoir avancé alors qu'autour, le chaos donne le vertige.

Les étudiants de 4e et 5e année de l'Institut-médico-pédagogique de Marchienne-au-Pont éprouvèrent-ils cette impression, voici quelques jours? Par une  journée d'automne, ces élèves qui apprennent les techniques de l'horticulture sont montés dans un minibus pour sortir du Pays Noir et gagner la lointaine contrée du Pays de Chimay. Là, dans la vieille cité, au château qui est un moteur de l'économie locale, ils ont été accueillis par la princesse Elisabeth. Une dame qui aime écrire. Du haut de ses 92 printemps, elle défend son château avec un amour plus grand sans doute que l'édifice car seuls les rêves n'ont pas de limites. Accompagnée d'Anne, l'assistante des princes, elle a ouvert la demeure aux jeunes visiteurs. 

Après une plongée dans l'histoire,  ils ont suivi la petite route qui s'amorce sous le château pour gagner le parc de 130 hectares qui relie Virelles à la cité. Au milieu d'une prairie où des générations de jardiniers ont veillé sur les potagers, une maison basse, comme sortie d'un conte de fées, les attendait. Il y avait deux feux de bois, du pain de campagne et une soupe aux légumes du jardin qui mijotait. D'abord,  avant de s'installer autour de la longue table de bois brut, ils ont commencé à planter, en divers endroits du parc et autour de la vénérable maison du sabotier, mille bulbes de narcisses, de renoncules et de tulipes.

Didier, leur professeur, avec Alain, un des deux jardiniers du château, rappelaient comment procéder.Bien répartir les bulbes pour constituer un massif. Veiller aux chemins. Creuser un peu la terre. Trois fois la hauteur du bulbe. Planter sans omettre de diriger la tête du bulbe vers la lumière. Il faisait un peu froid, le ciel d'azur, les jeunes travaillaient à bonne cadence. Le lendemain, ils reviendraient en ces lieux où ils se sentaient en voyage, eux qui ne vivent pas  la vie de château. Ces mômes connaissent la difficulté de vivre dans un monde où la précarité progresse. Vers midi une cloche a sonné en haut dans la cité et ils se sont rassemblés autour de la grande soupière. Il y avait Dylan, Lili, Antoine, Mallory, Didier, Noëlla, Brandon, Nicolas, Rohan, Bryan, Kevin, Marie-Line, Françoise, Juan et peut-être d'autres, j'espère n'avoir oublié personne.

Ils ont parlé de leur école. L'école est une chance à saisir. Ils veulent travailler dans les jardins. Sont capables de dire en latin le nom des plantes. Il faut les aider à arriver au bout de leur formation. D'autres étudient la soudure, la carrosserie, le service aux personnes, l'hôtellerie, la maçonnerie, la mécanique et la bureautique. L'IMP compte, en tout, plus de 500 élèves, du primaire au secondaire. Alors que l'après-midi avançait, me demandant comment la rencontre des jeunes de l'école carolo et des gens du château avait pu s'opérer, Didier, horticulteur philosophe et professeur imprégné de son métier, m'a expliqué. Comme il aime le cinéma, il est venu au château de Chimay pour figurer dans le nouveau clip de Kid Noize, le DJ à la tête de singe. Ce jour-là, contemplant la belle ordonnance du parc, entre deux moments du tournage, il a  dit que ses élèves seraient contents de créer un parterre dans un tel environnement. Anne, qui travaille avec les princes, a trouvé que l'idée était bonne. 

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L'école se chargerait des formalités et du transport des jeunes à Chimay. Le château procurerait les mille bulbes et l'accueil. Pour qu'à la belle saison, les horticulteurs en herbe puissent revenir au château et découvrir les couleurs des massifs qu'ils ont créés, ensemble, avec leurs profs et Alain le jardinier. Quant à la princesse Elisabeth, elle écoute Kid Noize en se disant qu'après tout, si on aime la musique, on peut apprécier l'électro tout en étant fascinée par Mozart. Cette dame a un rare sens de l'humour.             

Les élèves de l'IMP de Marchienne-au-Pont auront fait pousser des fleurs dans le parc du château de Chimay. Ils n'oublieront pas la vieille maison où ils se sont réchauffés. Photo © Marcel Leroy

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