L’Europe resserre les rangs

Les calepins

Par | Penseur libre |
le

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, Charles Michel, président du Conseil européen, Josep Borrell Fontelles, Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Christine Lagarde candidate à la présidence de la Banque centrales européenne. Tous nommés par les 28 chefs d’Etats et de gouvernement. Photo © EU – Délégation France

commentaires 0 Partager
Lecture 11 min.

Lundi 1er juillet

 Carola Rackete, la capitaine du navire Sea-Watch qui déposa 42 migrants à Lampedusa et qui est actuellement écrouée : « Si la justice ne m’acquitte pas, l’Histoire le fera. » Elle a du cran cette femme, et de la lucidité !

                                                                        *

 John Rawls (1921 – 2002) n’avait pas attendu l’éclosion du trumpisme pour annoncer la mort du libéralisme débridé, celui qui célèbre l’individualisme compétitif, les inégalités de propriété autant que le libre marché. Rawls a toujours défendu les libertés fondamentales, celles d’un libéralisme égalitaire. Son livre « Théorie de la Justice » (paru en 1971 et qui ne fut traduit en France que 16 ans plus tard par les éditions du Seuil) fit référence. Catherine Audard souligne qu’il parlait plus tard d’un « socialisme libéral » en y décelant des perspectives tout à fait concevables, une « utopie réaliste » selon le philosophe américain. Ne dirait-on pas, en Europe, qu’il s’agit d’une évolution neuve de la social-démocratie ? Le livre de Catherine Audard mérite réflexion (« La Démocratie et la Raison. Actualité de John Rawls », éd. Grasset)

                                                                        *

 Les grandes fortunes françaises sont celles qui, de par le monde, progressent le plus rapidement. Les 14 milliardaires français ont vu leur fortune augmenter de 35 % au cours du premier semestre de cette année. François Hollande a raison : Emmanuel Macron n’est pas le président des riches, il est le président des très riches. 

Mardi 2 juillet

 Ils ont mis du temps mais reconnaissons que les nominations, difficilement équilibrées, sont intéressantes. Deux femmes aux postes-clés de l’Union européenne : Christine Lagarde dont on connaît les compétences et le sérieux, et surtout Ursula von der Leyen, chrétienne-démocrate allemande, plusieurs fois ministre des gouvernements Merkel, qui aura la lourde charge de succéder à Jean-Claude Juncker. Elle est née à Bruxelles (en 1958) et elle s’exprime parfaitement en français. Son destin était donc tracé. Le Premier ministre belge en fin de mandat, Charles Michel, dirigera le Conseil européen (il n’a, lui, que 43 ans...) et si le Parlement le veut bien, demain, le président des socialistes européens, le Bulgare Sergueï Stanichev, le présidera. On pourra aussi compter sur la longue expérience du socialiste espagnol Jossep Borrell pour diriger la diplomatie de l’Union. L’Europe le sait, elle joue un peu son destin quitte ou double durant cette législature. Il semble qu’un sang neuf devrait lui offrir un nouvel élan. Mais on a déjà si souvent utilisé ces mots-là et les métaphores qu’ils font naître ! Contentons-nous, pour l’heure, de deux autres : prudence, confiance.

                                                                        *

 Raymond Barre plus fort que Cahuzac ! Le Canard enchaîné révèle que « le meilleur économiste de France » (dixit Giscard) le père La Rigueur, aurait planqué 11 millions de francs suisses au pays des horlogers. Champagne pour tout l’monde ! Á gauche et à droite !

Mercredi 3 juillet

 Le parlement européen a donc porté à sa tête un socialiste italien, David Sassoli. Ainsi, tous les postes à direction renouvelés auront été attribués à des personnalités issues des pays fondateurs de l’Europe auxquels il convient d’ajouter l’Espagne : Michel pour le Benelux, Von der Leysen pour l’Allemagne, Lagarde pour la France, Borrell pour l’Espagne, et désormais Sassoli pour l’Italie. C’est la véritable fragilité de cette sélection. Pas un seul représentant de la Scandinavie, pas non plus des Balkans. On resserre les rangs et qui m’aime me suive. Ce principe est peut-être nécessaire au nouvel élan. On parlait d’une Europe à deux vitesses, c’en sera une à trois, quatre ou cinq vitesses… La méthode Macron s’impose. Il est maître du jeu. Tous, à l’exception du président du parlement, lui doivent leur désignation. Macron gère mieux l’Europe que la France. Normal : il n’est pas ici confronté aux réalités du quotidien, il en reste à l’étage supérieur de direction, depuis son palais, depuis les Institutions, depuis les centres financiers. Aux autres d’aller au contact. En diplomatie aussi. Son ami Charles Michel devra beaucoup voyager dans le Nord et dans l’Est de l’Union. « Engagez-vous ! Vous verrez du pays ! » qu’il disait…

                                                                        *

 Philippe Sollers l’avait traité de « tribun de la plèbe ». Michel Onfray lui répond, et pas n’importe où, dans Le Figaro Magazine : « J’aime la plèbe, oui. J’en viens, je suis un de ses produits. Elle ne me fait pas peur et je préfère ses défauts aux travers des patriciens ». On a envie d’ajouter : Et toc !

Jeudi 4 juillet

 Les commentaires vont encore bon train sur l’Europe. Aucun n’envisage encore un événement qui pourrait modifier considérablement le cours des choses : une fin de mandat soudaine, prématurée, pour Angela Merkel. L’Histoire est capricieuse. Elle ne se déroule jamais comme on le prévoyait.

                                                                        *

Jusqu’à présent, la Fête nationale marquant l’indépendance des États-Unis était populaire, musicale, enthousiasmante, joyeuse sous les feux d’artifice. Désormais, elle se parera aussi d’un défilé militaire. C’est que Trump a été invité aux Champs-Élysées par son ami Macron au défilé du 14-juillet. Et il a vu le bougre, il a été très impressionné. Dans l’avion du retour, Air force one, un titre qui lui va si bien, il s’était dit « moi aussi », et il ajouta même un projet de discours. Là c’est sans doute un peu trop, surtout s’il désire le prononcer devant le Lincoln Memorial de Washington, à l’endroit où Martin Luther King avait lancé son « I have a dream » le 28 août 1963. Mais avec Trump, on se dit toujours que trop, c’est trop. Et puis demain devient un autre jour…

Vendredi 5 juillet

 La déforestation se poursuit à un rythme effréné en Amazonie. Chaque minute, un espace équivalent à un stade de football est dégarni. Comment l’Europe agricole peut-elle passer des accords économiques avec Bolsonaro, un assassin de la Nature ?

                                                                        *

 Non seulement il basait tous ses spectacles sur des propos racistes et antisémites appuyés, mais en plus, il fraudait le fisc. Dieudonné M’Bala M’bala écope de trois ans de prison fermes dont un avec sursis. Le moins qu’on puisse dire est qu’il l’a bien mérité. Soyons néanmoins conscients que cela ne changera rien à la maladie sociétale. Le racisme et l’antisémitisme ambiants ne seront pas éradiqués. Rappelons-nous aussi que ce triste comédien se produisait souvent à guichets fermés.  

                                                                        *

 Une marée humaine jaune est attendue à Bruxelles et dans quelques villes belges. Des gilets ? Non, des maillots. En l’honneur du 50e anniversaire de la première victoire d’Eddy Merckx dans le Tour de France, les organisateurs ont choisi la capitale de l’Europe comme lieu de départ de leur merveilleux périple. Grand succès populaire assuré. Bonnes retombées financières garanties pour la ville et la région. Même le soleil sera jaune.

Samedi 6 juillet

 Un nouveau bateau allemand avec 65 réfugiés somaliens dont de nombreux enfants se dirige vers Lampedusa. On sentait bien que la capitaine Carola Rackete avait ouvert un nouvel épisode dans l’histoire des migrations en Méditerranée. Matteo Salvini ne se sent plus. Il interpelle son homologue allemand Horst Seehofer dont on se souvient qu’il avait failli faire capoter récemment la coalition de Merkel en s’opposant à sa politique migratoire. Cette embarcation pourrait envisager d’accoster demain au petit matin. Quelques projets de repos dominical sont hypothéqués dans la Botte…

                                                                        *

 « Il y a des outrages qui vous vengent de tous les triomphes, des sifflets qui sont plus doux pour l’orgueil que des bravos. » Message de Macron à Merkel au lendemain du sommet européen ? Non, lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet (16 janvier 1852).

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !

 

David-Maria Sassoli, élu à la tête du Parlement européen. Photo © Multimédia centre P.E.

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte