Liban cherche président. Désespérément...

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Par | Journaliste |
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Les députés issus de la contestation populaire Najat Saliba et Melhem Khalaf, au siège du Parlement, le 30 janvier 2023. Photo Twitter/@najat_saliba

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La situation semble désespérée au Liban, englué dans une crise politique interminable qui rétrograde le pays à un niveau de pauvreté intolérable.

Jeudi 23 mars 2023, le Fond Monétaire International a diffusé sa grande inquiétude vis-à-vis d’une crise économique très "dangereuse". En réalité, le FMI s’inquiète du suivi d’un accord de principe conclu en avril 2022 et qui porte sur une aide de trois milliards de dollars, échelonnée sur quatre ans ; pour que le Liban obtienne cette aide, il doit mettre en œuvre des réformes, dont un amendement à la loi sur le secret bancaire ou une restructuration du secteur bancaire, ainsi qu'une loi sur le contrôle des capitaux.

Or, depuis le 30 octobre 2022, le Liban n’a plus de chef d’Etat, le général Aoun ayant quitté la présidence, et le parlement n’a, depuis, pas réussi à s’entendre sur le nom d’un successeur. Il faut dire que la tâche est complexe à cause du morcellement politique du Liban, déchiré entre musulmans chiites et sunnites, entre Druzes et chrétiens Maronites. Et donc un confessionnalisme religieux aussi étriqué qu’obsolète. Parmi les nombreux cris de colère de la population libanaise, retenons celui-ci :

« Le Liban était un phare entre l’Orient et l’Occident, surnommé la Suisse de l’Orient. Il n’est plus aujourd’hui que désastre et désolation. Du trait d’union entre les mondes arabe et occidental, Michel Aoun a contribué activement en complicité avec le Hezbollah à mettre le pays du Cèdre en orbite autour de la tyrannie de la Syrie et des mollahs de la République islamique chiite d’Iran. Et ce n’est certainement pas ce gouvernement de tocards d’Aoun-Mikati qui dépend de la confiance d'une majorité parlementaire hezbollahi-compatible qui y changera quoi que ce soit. », accuse le chroniqueur et écrivain Bakhos Baalbaki. Ce dernier avait suggéré le concept de « conclave présidentiel » à savoir l’enfermement des députés libanais discutant au finish pour arriver à un accord sur le nom d’un président.

Cela ne s’est pas produit. Pourtant, devant l’impasse politique et la crise dramatique frappant la population privée d’argent et des ressources élémentaires pour survivre, deux parlementaires ont décidé un tel enfermement au parlement afin d’inciter leurs collègues à faire de même. Depuis près de 60 jours, Najat Saliba et Melhem Khalaf protestent ainsi, nourris par quelques collègues et soutenus par des amis qui diffusent à l’étranger leur appel désespéré au monde politique libanais. Il semble malheureusement que cela se passe dans une certaine indifférence, les Libanais ne croyant pas à l’efficacité de cette méthode de protestation ni même à la pérennité du système de représentation confessionnelle.

Le système démocratique libanais apparaît comme bloqué, et le pays tout entier glisse dans la spirale de l’inflation, de la paupérisation, du désespoir.

Quant aux Etats occidentaux, ils redoutent plus que jamais la montée au pouvoir du Hezbollah chiite pro iranien et continuent à soutenir les actions armées de l’Etat d’Israël contre la population palestinienne en Palestine même mais aussi au Liban sans cesse attaqué. Ce Liban dévasté qui a accueilli près de 1,5 million de réfugiés syriens victimes de cette autre guerre occidentale lancée par les Etats-Unis contre le régime totalitaire de Bassar El-Assad. Et cela en plus des 300.000 réfugiés palestiniens persécutés par Israël. Sur un total de 4,5 millions d’habitants, les réfugiés représentent un quart de la population, privés de droits et survivant grâce à l'assistance interne et internationale. Il apparaît clairement que certains Etats européens et notamment la France, soutien inconditionnel d’Israël, ont condamné le Liban à une mort politique et économique.

Ecoutons le cri de colère du dramaturge libanais Roger Assaf :

« Or les raisons (légitimes) de l’existence du Hezbollah, les justifications (même si elles servent de prétextes) de leur politique, ont pour origine et pour raison d’être la présence de l’État d’Israël, l’injustice criante de son installation, la perpétuelle impunité de ses crimes, les innombrables agressions perpétrées contre le Liban depuis 1948, (1949, 1952, 1955, 1959, 1961, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972, 1974, 1975, 1976, 1977, 1978 suivie de 22 ans d’occupation du Liban-Sud (en majorité chiite), 1979, 1980, 1981, 1982 guerre qui a détruit les infrastructures civiles du pays), 1983, 1984, 1985, etc. etc. etc. , »

« On ne peut pas être à la fois ami du Liban et de Benyamin Netanyahu.

On ne peut pas être à la fois accusateur du Hezbollah et complice (ou témoin silencieux) de la colonisation sauvage de la Palestine occupée.

On ne peut pas à la fois exiger le désarmement du Hezbollah et autoriser l’arsenal nucléaire israélien.

On ne peut pas à la fois pleurer sur la détresse du peuple libanais et détourner les yeux de la tragédie humaine de Gaza… (Cette liste n’est pas exhaustive). »

Roger Assaf conclut ainsi :

« Les dirigeants libanais sont la mafia qui vampirise les Libanais, les dirigeants du monde ne sont que les serviteurs de la mafia qui extorque les ressources de la planète, en vampirisant de préférence les peuples au-delà de leurs frontières.

La France comme les États-Unis d’Amérique et la Russie, comme la Turquie, l’Iran, les pays arabes pétroliers, feront toujours passer leurs intérêts économiques avant les besoins des peuples dont ils se disputent les ressources. »

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Qui donc entendra le cri du peuple libanais et l’appel des deux parlementaires manifestant dans leur parlement ? Il s’agit simplement d’un appel pour une réelle démocratie alors que menace une prise de pouvoir autoritaire comme cela s’est passé en Tunisie.

Articles de presse

  • Le 23/10/21 : Tribune du dramaturge libanais Roger Assaf à destination d’Emmanuel Macron
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