Lune Rouge : utopies au Palais

Pérégrinations

Par | Journaliste |
le

Portrait de Staline par Georgi Roublev, 1935. Collection de la galerie Trétiakov

commentaires 0 Partager
Lecture 4 min.

Deux utopies se rencontrent au Grand Palais à Paris. La première, l’objectif lune, s’est formidablement concrétisée le 21 juillet 1969 quand Neil Amstrong et Buzz Aldrin ont posé le pied sur ce satellite, compagnon de toutes les rêveries. Cet événement dont on fête à présent le cinquantième anniversaire fut donc l’occasion pour le Grand Palais d’aller inspecter la chose sous tous ses quartiers et aussi de montrer les fabrications humaines, résultat de diverses cogitations scientifiques et artistiques liées à la fascination pour l’astre de la nuit. Dans cette exposition La Lune, du voyage réel aux voyages imaginaires il y a bien sûr des photographies, des films et, en quelque sorte, des reliques directement liés à cette épopée. Selon diverses approches plus terre à terre, on trouve aussi des calendriers lunaires, des cartes géographiques, des extraits de films, qu’ils soient de Méliès ou de Fritz Lang. Par ailleurs, il y a encore, par exemple, des oeuvres de Chagall, de Miro, de Man Ray ainsi que des installations originales créées pour l’exposition. Enfin, il existe aussi un genre de cabinet de curiosités qui propose des objets de différentes civilisations, évoquant le pouvoir de la lune via les dieux, qu’ils soient grecs, péruviens ou égyptiens. Pourtant bien nourrie, mais probablement de manière trop disparate, cette exposition est tiède et n’emporte pas vraiment l’adhésion. 

L’autre utopie est celle qui correspond à l’émergence du communisme tel qu’on le trouve au travers de l’art dit « soviétique », soit à partir de la révolution d’octobre 1917 jusqu’à la mort de Staline en 1953.

N’était le côté tragique de cette période à la fois enthousiasmante, cruelle dans ses sacrifices et abominable dans ses dérives totalitaires, l’exposition Rouge, Art et utopie au pays des Soviets peut être considérée comme une fête pour les yeux, en tout cas de ceux et celles qui aiment le rouge.

Articulée en deux séquences, la première montre le pluralisme (si on peut dire) artistique des bolcheviks des années 20, à savoir dépourvu de dogme esthétique officiel. On y trouve donc des artistes avant-garde de gauche, militant pour la redéfinition de ce que doit être une oeuvre d’art. Inutile de souligner qu’ils n’étaient pas du tout d’accord entre eux. Par exemple s’affrontent sur sujet les Maïakovsky, Brik ou Pounine, bientôt mis au placard par les peintres traditionalistes qui, à leur tour, rencontrent la faveur du pouvoir bolchevik. Viennent alors les porte-drapeaux de l’art productif imaginé dans la logique industrielle et où des casseroles hyper-réalistes remplacent notamment les paysages pastoraux de la peinture bourgeoise. 

Le deuxième séquence consacrée aux années 30-40 détaille la manière dont l’art est, de façon de plus plus en totale, pris en charge par l’Etat. Emergence du constructivisme, et. son apport dans les scénographies de théâtre avec des artistes ingénieurs, tels Rodtchenko ou Stepanova.  On ne peut dire ici l’extrême variété des propositions d’oeuvres et films de propagande, d’affiches en photomontage et en diffusion massive. Laissées aux mains des unions professionnelles spécialisées en art du prolétariat, toutes ces fabrications plongent dans le kitsch d’Etat. Enfin, les artistes furent aussi priés de célébrer l’avenir radieux du communisme. Ce sont alors des images d’une jeunesse vigoureuse au corps idéalisé. Et pour finir, trônent les portraits de Lénine et de Staline accompagnés ou non de "seconds" et débarrassés de "traîtres" gommés de l’histoire du communisme soviétique. Au final, c’est une exposition passionnante destinée aux amateurs d’art et d’histoire. Elle rassemble 400 oeuvres et mène le visiteur d’un bout à l’autre, ou presque, d’un rêve dont on connaît la fin. Attention, derniers jours.


"Rouge, Art et utopie au pays des Soviets", jusqu’au 1er juillet 2019.

"La Lune, du voyage réel aux voyages imaginaires" jusqu’au 22 juillet 2019 Grand Palais, 75008 Paris.

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !

Informations : https://www.grandpalais.fr

Private Moon, une composition rétro-éclairée de Leonid Tishkov ©Leonid Tishko

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte