Non aux bombes nucléaires

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Par | Journaliste |
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Une manifestation le 07-07- 2018 à Bruxelles organisée avant la venue de Donald Trump à l’OTAN. Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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Il était une fois des ogives nucléaires qui n’existent pas mais qui se trouvent quand même casernées dans notre base militaire belge de Kleine Brogel, depuis les années 70 et dans le plus grand secret à la suite d’un accord tout aussi secret avec les Etats-Unis.

Il se trouve que ces bombes sont déclassées, obsolètes, ringardes et doivent être remplacées par des engins de mort plus petits, modernes, plus efficaces et donc bien plus dangereux. Il s’agit des B61-12.

Officiellement, elles ne doivent pas servir mais on ne sait jamais, face au grand méchant ours russe que l’OTAN a bien pris soin de réveiller, elles seraient bien utiles. Pour cela il faut que la Belgique achète des avions capables de lancer ces petites merveilles technologiques et donc notre valeureux gouvernement s’est rendu aux pressions américaines et a décidé d’acheter 34 nouveaux avions F-35 qui nous coûteraient un nombre considérable de milliards d’euros si cette décision est concrétisée (on peut toujours rêver à un sursaut démocratique et de bon sens du prochain gouvernement…)

Du coup, notre petite Belgique deviendrait une puissance nucléaire par procuration et embarquée dans des combats perdus d’avance puisque les Russes ont développé en riposte un arsenal d’armes nucléaires, tout aussi si pas plus, performant. Et nous voici embrigadés dans une nouvelle guerre froide dont personne ne veut sauf les fabricants et marchands d’armes. Pas les populations en tout cas ! Selon un récent sondage, 64 % des Belges sont favorables au désarmement nucléaire. Ils veulent que la Belgique signe le Traité d’interdiction des armes nucléaires de l’ONU et 53% ne veulent pas que les futurs avions F-35 soient équipés pour transporter les bombes.

Un débat pré-électoral

Ce sondage, réalisé en Flandre et en Wallonie-Bruxelles par la Coalition belge contre les armes atomiques révèle bien l’opposition des citoyens à ces dérives militaristes. Mais qu’en est-il de nos représentants politiques ?  Pour le savoir, la Coalition belge contre les armes atomiques a organisé deux débats, l’un au Parlement flamand, l’autre à la Chambre des représentants où des parlementaires des principaux partis francophones devaient répondre à trois questions :

  •  La « modernisation » des bombes nucléaires B61 stationnées à Kleine Brogel.
  •  La capacité nucléaire de potentiels futurs avions de combat F35 de l’armée belge.
  • La signature par la Belgique du nouveau Traité d’interdiction des armes nucléaires de l’ONU.

Le débat était précédé par un discours bien senti de Béatrice Fihn, directrice d’ICAN et prix Nobel de la Paix 2017. Il faut en effet sortir des mensonges et des secrets et dénoncer ces accords secrets sur les armes nucléaires qui mettent en danger une grande partie de la population belge. Le monde a banni les armes chimiques et bactériologiques (pourtant encore utilisées comme ce fut le cas en Syrie). Le nucléaire fait parie de ces armes de destruction massive et doit lui aussi être interdit. La Belgique étant au cœur de l’Europe, siège des instances européennes, a donc le devoir moral de se positionner fermement contre ces armes. Nous vivons des temps de changements profonds ; nous devons décider du devenir du monde dans lequel nous voulons vivre. Bref, le débat porte sur un enjeu démocratique et de survie.

Sans surprise, les divers représentants des partis (Défi, CDH, Ecolo, PTB, PS), ont tous marqué leur accord sur la signature du Traité d’interdiction des armes nucléaires, sur le non transport de bombes atomiques par les F-35, sur l’arrêt du stockage de bombes sur notre territoire.

Pour Défi, François De Smet attire l’attention sur la balkanisation de armes nucléaires, plus petites, plus faciles à employer et donc risquant de tomber entre les mains de groupes terroristes. Une Europe de la défense est souhaitable afin de dépendre moins des Etats-Unis, même en gardant l’OTAN.

Pour Ecolo, Guillaume Defossé rappelle les plus de 300.000 manifestants contre les missiles en 1983 et constate la perte de mobilisation associative sur un danger tout aussi grand actuellement. Il évoque aussi le chantage du président US Donald Trump : l’achat des F-35 ou payer à l’OTAN l’équivalent de 2% du PIB belge !

La représentante du PS souligne aussi l’émergence de nouvelles menaces comme les cyber-attaques, les attaques massives par le biais des réseaux sociaux et la nécessité d’investir dans la lutte contre la désinformation, les manipulations de l’opinion publique et l’urgence de réfléchir sur les conflits futurs.

Pour le PTB, représenté par Marco Van Hees, la position est nette : l’Otan considère les armes nucléaires comme essentielles, il faut donc que la Belgique quitte l’OTAN, et que l’OTAN soit hors du pays. Le parti n’est pas favorable à une politique de défense européenne et prône une réduction de tous les armements dans les pays en ne gardant qu’une défense des territoires seulement.

Le représentant du MR, Jean-Jacques Flahaux, suit la doctrine du ministre Reynders à savoir le soutien au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, datant de 1970. Or, l’action de contrôle international du désarmement a été considérablement affaiblie ces dernières années, ce qui explique pourquoi l’ONU insiste tant sur le désarmement urgent par le biais de ce nouveau Traité. Celui-ci a été voté par l’AG des Nations Unies en juillet 2017 par 122 pays, signé par 70 pays et ratifié par seulement 21 jusqu’à présent. Le traité n’entrera en vigueur que lorsque 50 Etats l’auront ratifié. D’où l’importance du vote de la Belgique qui pourrait ainsi influencer d’autres pays européens car seuls l’Autriche et l’Irlande l’ont déjà signé.

Le MR explique sa position par le fait que ce sont uniquement des pays démocratiques qui ont signé ce traité et pas la Russie, la Chine, la Corée du Nord, l’Iran… Il se positionne pour une politique progressive d’interdiction complète des essais nucléaires, ensuite d’interdiction de production de matières fissiles et la vérification des politiques de désarmement tout en évaluant les risques. Il serait plutôt partisan d’une armée européenne dans l’OTAN mais constate qu’il n’y a pas d’unité à ce propos : 3 offres d’avions différents, par exemple ! Il se dit contre de nouvelles ogives nucléaires mais qu’il faut aussi respecter nos engagements concernant le F-35 qui doit pouvoir transporter des ogives nucléaires.

Fin de tout nucléaire ?

Les citoyens belges peuvent à présent faire leur choix parmi les propositions des divers partis. On ajoutera à ce débat sur les armes et la politique de défense celui sur la poursuite du nucléaire civil. En effet, ce 26 avril, 33 ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, l'ASBL Fin du nucléaire, le RAN et Bouli Lanners ont organisé une manifestation antinucléaire à Bruxelles (voir le reportage photo de Jean-Frédéric Hanssens ) Ils entendaient rappeler que tant d’années après la catastrophe, « la situation sanitaire des habitants qui vivent dans un territoire grand comme 5 fois la Belgique continue de se dégrader du fait de la contamination radioactive : plus de 80 % des enfants qui y vivent sont en mauvaise santé, contre moins de 20 % avant l'accident. Cette déclaration de Raisa Misura, pédiatre et directrice de l'hôpital central de Stoline, à 240 km au nord-ouest de Tchernobyl, ne surprend donc pas : « 84 % des femmes enceintes ont une pathologie. C'est pourquoi la naissance d'un enfant en parfaite santé est un évènement rare » (bulletin de janvier 2008 du bureau biélorusse de l'ONU). »

Alors, imaginons les dégâts que causerait une des nouvelles bombes atomiques que la Belgique accueillerait sur notre territoire !

  

Déjà paru dans entreleslignes.be :

 

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