Nous, enfants de Prométhée

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Charles Susanne Photo et vidéo © Jean-Frédéric Hanssens

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Lecture 8 min.

Qui sommes-nous, pauvres humains qui créons à l’égal des dieux et détruisons la terre qui nous fait vivre ? Nous sommes les enfants de Prométhée, ce Titan qui selon la légende grecque a ravi le feu de la connaissance aux dieux.  Dans la Bible, c’est Eve qui a cueilli la pomme à l’arbre de la connaissance, défiant ainsi dieu lui-même ! La conséquence est la même : nous sommes des humains débarrassés de la tutelle divine (imaginée par nous) et en principe responsables de nos actes devant notre conscience et devant l’humanité tout entière. Cette responsabilité énorme et sans cesse en évolution est détaillée dans un livre collectif lumineux pour qui le consulte au fur et à mesure de ses propres interrogations : « Les nouvelles chaînes de Prométhée. Ethique des Progrès ».

La direction de cette compilation de réflexions revient à Charles Susanne, docteur en biologie, professeur à l’ULB et à la VUB, président d’associations groupant des anthropologues ainsi que des experts en bioéthique. Ce scientifique imprégné de questions et de recherches sur la philosophie, sur l’éthique et plus particulièrement la bioéthique répond à nos questions sur entreleslignes.be.

Commençons cette exploration philosophique par un petit rappel de la notion d’éthique. Retour chez les Grecs pour qui ethikos signifie morale, ethos sont les mœurs. Il s’agit d’une discipline philosophique qui réfléchit sur les finalités, sur les valeurs de l’existence. C’est aussi une réflexion sur les comportements à adopter pour rendre le monde humainement habitable. Donc, une recherche d’idéal de société et de conduite de l’existence.  Nous ne parlons pas de « morale » au sens étroit de ce terme qui signifie actuellement un ensemble de règles ou de lois ayant un caractère universel (par exemple les droits humains). L’éthique s’attache aux valeurs, elle se détermine dans le temps et l’espace en fonction de la communauté humaine dans laquelle nous vivons.

Quant à la notion de « Progrès », elle est racontée par Hervé Hasquin en préface de ce livre : « Le progrès c’est l’espérance que l’humanité et la civilisation soient en évolution vers un mieux ».

Il y a en effet du pain sur la planche ! « Des crises à la recherche des progrès ! Vers un nouvel humanisme ? » s’interroge Charles Susanne. « Pour une nouvelle éthique du progrès », analyse Anne Goldberg qui lance ainsi un appel à une nouvelle République des Lettres. « Quelle humanité pour le 21ème siècle ? » s’interroge Patrick Traube pour qui « l’activité de pensée est une effraction permanente dans le béton des certitudes » et donc, « l’acte d’enseigner est, par nature, subversif et dérangeant. » Yves Kengen analyse le paradoxe du progrès régressif. Frank Pierobon met en garde sur une science qui risque de « réinventer le genre humain ». Isabelle Jespers nous parle des « Orphelins de Prométhée ou crise de la transmission » : il nous faut garder notre liberté de recherche et de jugement pour la transmettre aux jeunes. Les interrogations fondamentales sur le transhumanisme sont portées par Pascal Simoens dans « faudra-t-il encore croire en dieu demain pour devenir immortel ? » Jean Semal s’inquiète de la protection de nos données privées, pillées et marchandisées à l’excès. Pierre-Paul Maeter nous décrit « L’IA dans la cité : au profit de qui et pour quoi ? » Yves Lattenist s’interroge sur notre rapport au temps depuis l’arrivée des nouvelles technologies.

Jean-Pascal Labille décrypte les enjeux sociaux et sociétaux de notre société éclatée où les normes sont refusées et l’intégration en panne ; une nouvelle solidarité s’impose donc. Benoît Van Der Meerschen défend ardemment la liberté d’expression. Le concept de liberté étant, lui, détaillé par Serge Mondo. Christiane Vienne pose la question suivante : « De homo sapiens à homo ameliorus, quelle bioéthique pour le devenir de l’Homme ? » Serge Lowagie s’inquiète des recherches chinoises sur la modification du génome humain. Leo Goeyens nous décrit le bain de pollution chimique dans lequel nous sommes plongés par l’industrie notamment alimentaire. Myriam Wauters nous parle de l’« éthique de la prise en charge des personnes âgées malades. Ethique de la relation soignant-soigné. » Jean-Pierre Genbauffe se penche sur « L’allocation universelle est-elle un projet possible pour l’humanité ? »

Les conclusions de cet imposant ouvrage sont tirées par Jacques Vanaise, Marcel Voisin et Charles Susanne. Un point important émerge : l’éducation du citoyen afin qu’il s’ouvre l’esprit, qu’il doute, imagine, évite les préjugés et crée une société solidaire où le progrès de l’humanité est celui de tous, libres et égaux.

  • « Les nouvelles chaînes de Prométhée. Ethique des Progrès ». Ouvrage collectif. 2019. 327 pages. Ed. MeMograMes. Les éditions de la Mémoire. www.memogrames.com.
  • Voir ci-dessous l'interview de Charles Susanne par Gabrielle Lefèvre

Colloque de la Laïcité 2020 : « IA, mon boss ou ma camarade de travail ? »

Vous pourrez retrouver quelques-uns des contributeurs à ce livre le 7 mars 2020 lors du Colloque de la Laïcité qui traitera du travail au XXIème siècle. D’un côté, nous avons le monde des entreprises et des banques qui poussent au « tout au numérique », remplacent des millions de travailleurs par des robots, embauchent d’autres travailleurs formés pour les diriger, les réparer et concevoir les robots de nouvelles générations.

De l’autre, nous avons la grande masse des populations des secteurs agricoles, des industries traditionnelles, des services publics manuels et du non marchand dans lequel le travail humain et/ou relationnel est prépondérant (quoique des robots de divertissement ont fait leur entrée dans des homes de personnes âgées !).

Le travail est généralement sous-payé :

  • Particulièrement dans le monde de l’agriculture car les pressions sur les prix, exercées par les grands groupes de distribution alimentaire, sont insoutenables.
  •  Car l’instauration de bourses mondiales des matières premières, y compris alimentaires, empêche de payer justement les travailleurs.
  •  Car l’industrie de l’habillement utilise des travailleuses – esclaves de pays très pauvres.
  • Car l’industrie du numérique abuse de micro-travaux payés quelques cents. Etc.

Nous vivons dans une société de gaspillage, d’exploitation intensive de la force de travail et des ressources de l’environnement. Seuls quelques-uns en profitent: les grandes multinationales, les puissances financières qui détournent les revenus générés par le travail au lieu de les rediriger vers les pouvoirs publics, de plus en plus désargentés et devenus incapables de remplir leur mission de justice sociale. C’est ainsi que notre système de sécurité sociale est très menacé.

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Quel sera donc notre avenir dans ce contexte ?

Le champ des interrogations humanistes sera donc largement ouvert lors de ce 32ème Colloque de la Laïcité qui se déroulera au Château du Karreveld à Molenbeek. A inscrire d’ores et déjà dans vos agendas !

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