Politique sans conscience…

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Guantanamo n’est pas encore vide, la Turquie est toujours candidats à l’Union européenne et le Pape François reçoit l’autre François.

Mardi 16 août

 George W. Bush avait instauré dans l’enclave américaine de Cuba un camp de prisonniers détenus sans raison juridique à démontrer, subissant des conditions de vie très éprouvantes. Guantanamo devenait l’exemple d’un impérialisme brutal au-dessus des lois élémentaires du respect de la personne humaine. Quand Barack Obama fut élu, il possédait dans son programme la fermeture de ce triste camp. Á son arrivée au pouvoir, celui-ci comptait 242 prisonniers. Obama vient d’en faire libérer 15, renvoyés dans les Émirats. Il en reste encore 61. Son dernier jour de présidence est le 7 novembre.

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 En août 1996, Le Nouvel Observateur annonçait un tirage de 450.365 exemplaires. En 2006, le chiffre était passé à 592.431. Il est aujourd’hui de 413.361. On évoque des licenciements à la rédaction tandis que plusieurs grandes plumes comme Renaud Dhély préfèrent s’envoler vers d’autres magazines (Marianne, quant à lui). Bien entendu, Jean Daniel entretient la flamme. Il est toutefois bien seul. Son Ce que je crois n’est à coup sûr plus le bréviaire de l’équipe rédactionnelle. Cette semaine, L’Obs a consacré un dossier à la sexualité féminine ; un numéro de vacances qui devrait doper les ventes. D’autant qu’en couverture, on trouve en gros plan un détail du fameux tableau de Courbet L’Origine du monde. Un détail, oui… Devinez lequel.

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 « Les chambres à gaz sont un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. » (Jean-Marie Le Pen. Forum RTL, 13 septembre 1987)

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 François Hollande à Libération, avant de s’envoler pour Rome afin de rencontrer le pape : « La laïcité à la française, parfois mal comprise, au Vatican en particulier, est aussi là pour protéger les cultes. »

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 Peshmerga, le film de Bernard-Henri Lévy, ne semble pas connaître une audience plus grande que Bosna !, son autre témoignage de guerre  (1994) Et pourtant, l’Histoire retiendra peut-être que ce sont ces Kurdes d’Irak qui auront donné de coup de grâce à Daesh ; et surtout que les femmes de ces combattants-là étaient au front pour, à travers leurs assauts, vaincre aussi l’obscurantisme et l’état d’esclavage auquel les islamistes réduisent la Femme. On les sait en tout cas aux portes de Mossoul, la ville considérée comme la capitale de l’État islamique.

Mercredi 17 août

 Être de son temps, vivre en honnête homme du 21e siècle, citoyen du monde conscient de ses périls tout en prenant acte aussi de ses progrès et malgré les crises, l’insécurité, certaines détresses, demeurer en quête du bonheur. Existe-t-il une autre recette pour accomplir son existence ?  Penser au pire  - qui est toujours possible … - conduit à l’instabilité mentale permanente et à ses corollaires touchant principiellement à la santé. Exemple : aujourd’hui, l’on apprend que des armes nucléaires américaines sont stockées en Turquie. Il faut en convenir puisque la Turquie fait (toujours) partie de l’OTAN. On nous indique de surcroît que ce stock se trouve à 110 kilomètres de la frontière syrienne. Être de son temps, vivre en honnête homme du 21e siècle, etc.

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 « Que ce soit là le fort de l’honnête homme : une conscience sans reproche. » (Horace. Êpîtres, I, 1, env.17 avant J.-C.)

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 Quand François reçoit François, qu’est-ce qu’ils se racontent ? Des histoires de François. Et surtout des histoires qui ne se racontent pas au-delà du colloque singulier. Bien entendu, le pape et le président de la République  auront parlé du vieux prêtre assassiné lâchement par des djihadistes dans la banlieue de Rouen. Évidemment, ils auront évoqué la nouvelle législation sur le Mariage pour tous. Mais il n’est pas pensable que la fibre sociale du pape n’ait pas aussi coïncidé avec celle du président pour aborder les affaires du monde. Suppositions superflues. Commentaires et investigations journalistiques inutiles.

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 Les envies et souhaits touristiques des Chinois s’éloignent de la France. Les voici qu’ils boudent Paris. Revoir le film de Jean Yanne Les Chinois à Paris (1974) et en rire.

Jeudi 18 août

 Il y a quelque chose de charmant, d’agréable à découvrir dans les livres de Jean d’Ormesson. C’est l’écrivain qui convient parfaitement aux lectures de vacances. Pas trop de dentelle mais un tissu soyeux. Un peu d’évasion sans oublier le chemin, un peu de funambulisme sans omettre de rester sur le fil, et une délicieuse naïveté qui lui sert de talent. Bon écrivain mais piètre analyste politique, il ne restera pas, comme Chateaubriand, son maître, dans l’histoire de la littérature, malgré, fait rare, une entrée de son vivant dans le mausolée qu’est la Pléiade. De même que des gens de gauche sont attirés par des écrivains de droite (Chardonne, Morand, les Hussards, etc.), de même d’Ormesson est impressionné par des hommes de gauche. Il ne l’avouera jamais mais Mitterrand le remue et le fascine au point de l’avoir incarné au cinéma (Les Saveurs du palais, de Christian Vincent, 2012). Deux de ses récents ouvrages ont comme titre un alexandrin de Louis Aragon dont il est subjugué (C’est une chose étrange à la fin que le monde, éd. Robert Laffont, 2010 ; et plus près de nous, Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, éd. Gallimard, 2015 ; autre vers extrait du même poème). Sans doute s’est-il rendu compte qu’il ne pourra jamais faire briller notre chère langue française aussi bien que le poète d’Elsa… On pourrait plagier Salvador Dali à la mort de Picasso et clamer, à propos de d’Ormesson : Aragon était communiste, lui non plus !

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 « D’Ormesson : il fait de la politique comme d’autres font l’amour : plus de désir que de plaisir. » (François Mitterrand.  L’Abeille et l’architecte, éd. Flammarion, 1978)

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 Être de gauche, sauf pour la joue à tendre.

Vendredi 19 août

 Si Nicolas Sarkozy redevenait président de la République, Bernard Reynès recevrait sûrement un important maroquin en signe de récompense. Qui est Bernard Reynès ? C’est le maire (LR) de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône). Chaque année, il organisait le meeting de rentrée de Jean-François Copé. Cet été, le jeudi 25 août, c’est Sarkozy qui tiendra tribune là-bas. Et les invités les plus fidèles ou les plus récents sont tous priés d’accomplir le déplacement. Car le 25 août, c’est la date ultime pour diriger le parti avant de se mettre en congé si l’on désire être candidat à la primaire de la droite. Patience, patience, plus que six fois dormir. La grande fête de l’esprit et de l’élégance dans la diatribe va commencer. Les historiographes sont prêts, crayon taillé à l’oreille.

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 « En France, ce ne sont pas les couilles que l’on coupe, mais la tête. » (Nicolas Sarkozy – prix de l’Humour politique 2006 – répondant à Dominique de Villepin qui aurait dit : « Nous sommes en ’14, c’est la guerre des tranchées, moi, j’ai des couilles ! »)

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 En sélection officielle cette année à Cannes, Toni Erdmann, le film allemand de Maren Ade est désormais en salles. La critique est très élogieuse, le considérant comme l’oublié du Festival bien qu’il ait quand même reçu le prix de la Critique internationale. L’histoire est belle et la morale qu’elle reflète l’est aussi. En un mot : ne négligez jamais l’humour et vivez heureux. Un père plaisantin, constatant que sa fille use sa vie en Roumanie au profit de grands groupes d’entreprises, qu’elle s’enlise dans les frasques du néo-libéralisme,  décide de lui prouver que l’humour et la dérision sont les piliers d’un chemin vers le bonheur de vivre. C’est à la fois souvent burlesque, allusif et attendrissant. Mais cela manque de connexité, parfois de vraisemblance. Dommage, car le sujet aurait pu, en effet, épater Cannes.

Samedi 20 août

 On ne compte plus les déboires, les démissions, les plaisanteries, les désaveux, les mises en scène grotesques et autres critiques virulentes qui démonétisent Donald Trump. Désormais, le principal concurrent d’Hillary Clinton, c’est l’abstention. Toutes celles et tous ceux qui préfèreront ne pas se rendre aux urnes, considérant que le résultat est acquis d’avance. Comme justement rien n’est jamais acquis, plusieurs embûches peuvent encore apparaître pour la grande favorite : un ennui de santé, un dossier à charge pourri, la percée de petits candidats (la candidate écologiste avance dans les sondages…) ou – pourquoi pas ? – un coup de tonnerre : le parti républicain, écœuré par celui qui le représente, lui retire son investiture et désigne un autre compétiteur. Toutes ces hypothèses ne sont pas plausibles mais l’Histoire nous a souvent habitués à des remous imprévisibles et invraisemblables.

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 L’ambassadeur turc auprès de l’Union européenne a déclaré à l’hebdomadaire allemand Die Welt que son pays, candidat depuis 1999, espère faire partie de l’Union en 2023, pour célébrer le centième anniversaire de la proclamation de la République turque. On n’imagine pas que ce diplomate ait pu prononcer semblable perspective sans l’accord de Recep Erdogan. Peut-être même était-il en service commandé. Trois hypothèses : ou bien la mégalomanie d’Erdogan le conduit au délire ; ou bien il envoie un signal sous la forme d’un ballon d’essai pour tester les réactions que cela provoquera en Europe ; ou bien il ironise par pure provocation à l’égard de l’Union européenne à laquelle il ne croit plus. Six ans seulement nous séparent de 2023. C’est à la fois long et bref pour accomplir pareil projet. Bah ! On n’a, de toutes façons, pas finit d’observer les caprices et les ardeurs du sultan. Peut-être cherche t-il encore quelques têtes de Turc du côté de Bruxelles…

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 « Selon  ce que je connais de l’histoire, je vois que l’humanité ne saurait se passer de boucs émissaires. Je crois qu’ils ont été de tous temps une institution indispensable. » (Arthur Koestler. Le Zéro et l’infini, 1941)

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 Les hôpitaux sont devenus des cibles privilégiées dans les zones de conflits armés, où que cela se passe dans le monde. Aucune guerre n’est propre, mais une lâcheté pareille éloigne  la chevalerie d’antan qui édifia les légendes de l’héroïsme et de la bravoure loyale.

Dimanche 21 août

 Trois triplés (100 m., 200 m., 4 x 100 m.) lors des trois dernières éditions des Jeux Olympiques, c’est une preuve par neuf qu’Usain Bolt - qui fête aujourd’hui son trentième anniversaire - est l’homme le plus rapide du monde. Ses performances ne font que nourrir l’interrogation : pourquoi la Jamaïque (île de la mer des Caraïbes, 11.000 km², moins de 3 millions d’habitants) produit-elle des spécialistes du sprint alors qu’elle ne brille quasiment pas dans aucune autre discipline en athlétisme ?

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 Chaque âne dit que son ânon est un cheval de course. (Proverbe jamaïcain)

 

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