Quand les « petites » ONG se rebiffent

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Par | Penseur libre |
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Il faut savoir que le tissu associatif en Wallonie-Bruxelles, y compris dans le domaine de la coopération, est très différent comparé à celui de la Flandre. Hormis quelques grosses ONG nationales comme MSF, OXFAM ou Memisa, les ONG francophones ont très mal vécu les plus récentes obligations les incitant à se regrouper en vue d’atteindre ce que les Ministres de la Coopération et l’administration appellent la taille critique nécessaire pour bénéficier d’une partie du budget annuel réservé au subventionnement des ONG.

Elles se sont senties disqualifiées et souvent dans l’incapacité de répondre aux incessantes nouvelles injonctions de l’administration. Ce harcèlement a abouti à l’exclusion de plus de 30 associations car elles ont échoué aux screening leur imposés par la société « Deloitte Belgium » chargée par le Ministre De Croo, alors ministre de la Coopération de faire le tri. Si elles tentent malgré tout de rester dans le groupe des bénéficiaires des moyens indispensables à la survie de leurs partenariats avec les associations du Sud, acteurs du développement de leur société, c’est la quadrature du cercle.

Ce qui pourrait, aux yeux de certain paraitre normal, à savoir alléger le travail de l’administration et éviter le saupoudrage des deniers de l’Etat ne l’est absolument pas pour trois raisons.

La première, les ONG ont anticipé l’argument de la surcharge en se coalisant au sein de ACODEV (fédération des ONG/OSC de coopération au développement). Il eut été logique de renforcer le statut de cette institution en lui confiant le soin avec des experts reconnus par la DGD, de faire non seulement l’évaluation de la qualité des projets et programmes des petites ONG, mais aussi d’assurer le contrôle de la bonne exécution et celui des montants financiers leurs alloués. Cela se fait dans le domaine de l’affectation de budget de l’Etat dans de nombreux secteurs de la culture, de l’enseignement, de la presse. Alors pourquoi pas pour les ONG ? Ceci n’empêchant nullement un contrôle de l’Etat tous les 3 ou 5 ans.

La deuxième raison : l’action des petites ONG décriée par les gestionnaires publics ou exclue de l’analyse des consultants est une grave erreur dans la mesure où sur le terrain avec leurs partenaires elles ont très souvent un réel effet d’innovation voire de contestation de ce qui est considéré par les bailleurs de fonds publics et internationaux, comme les normes obligatoires de la coopération. En outre, c’est, sur notre territoire, le maillage de ce réseau d’ONG qui mobilise le plus nos concitoyens et leur permet d’avoir une meilleure compréhension de la nécessaire solidarité avec les populations de l’hémisphère Sud.

La troisième raison découle des deux premiers constats : le pilotage de la coopération est confié à des consultants extérieurs - selon des modèles purement entrepreneuriaux directement inspirés par les cadres dits « logiques » de la Banque Mondiale, aujourd’hui appelés « théorie du changement ». La coopération, geste citoyen et humaniste par excellence, est donc de plus en plus limitée à des examens financiers dits de performances. Et là, nous voilà rendus en absurdie car tant la DGD que les banques chargées de réaliser les transferts financiers des ONG vers leurs partenaires, s’ingèrent tant et plus dans les choix de coopération des ONG.

Les voilà obligées de répondre et de communiquer à leur banquier non seulement leurs bilans mais aussi de préciser avec moultes détails l’identité de leurs partenaires surtout s’il s’agit de pays dits sensibles, entendez par là des pays comme la Palestine, Cuba, le Venezuela et nombre de pays africains. Sous prétexte de lutter contre le blanchiment de l’argent ou de contrôler sur les mouvements de capitaux illicites (drogues, terrorisme…) ils finissent par peser sur les choix de coopération des ONG.  C’est dans ce même esprit qu’une injonction vient d’être adressée aux ONG par la DGD leur octroyant 13 jours pour lui fournir avant la fin juin, le listing complet de toutes les dépenses à charge des subventions reçues pour les années 2020 et 2021 et le nombre exact des transactions (dépenses), pour ces mêmes années, toutes catégories de projets et tous pays confondus.

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Le motif explicite : la DGD entend externaliser le contrôle financier des subventions allouées aux ONG pour la période 2017/2021. Ce document sera transmis à toutes les sociétés sélectionnées dans le cadre de la procédure choisie pour ce marché. Outre le fait que l’on peut se demander pourquoi l’administration se débarrasse de cette tâche, la DGD ne tient évidemment pas compte qu’en cette même période les ONG doivent tenir leurs A.G., rentrer les rapports d’activités pour les années antérieures ainsi que les demandes de subventions auprès des divers bailleurs de fonds (U.E. WBI. Communes, Fondations privées).

Pour terminer par une note optimiste, je me réjouis de ce que la Fédération Wallonie-Bruxelles ne soit pas tombée dans ces travers et reste un soutien précieux pour les ONG de la francophonie. Je plaide donc une fois encore pour que la coopération au développement, qui doit s’assurer de l’adhésion citoyenne, soit défédéralisée, seul moyen de soutenir les efforts de solidarité de la Communauté Wallonie-Bruxelles.

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