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Les calepins

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Blanche Gardin : "Est-ce que les actrices ont encore le droit de coucher pour avoir des rôles ?". Photo © Canal +

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Jeudi 1er mars

 Michel Barnier conduit les négociations du Brexit de main de maître. Dans 13 mois, la séparation sera effective, l’évaluation du divorce pourra s’accomplir, mais il est d’ores et déjà évident que l’Union européenne aura géré cette épineuse question inédite avec sérieux et sens des responsabilités devant l’Histoire.

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En politique, rien n’est jamais acquis et on n’est jamais fini. L’exemple le plus flagrant sera désormais celui de Silvio Berlusconi. On le croyait hors du champ. Á 81 ans, toujours sous le coup d’une éligibilité, le voilà qu’il pourrait emmener son parti Forza Italia vers une victoire dimanche prochain. Même si la victoire n’est pas assurée, l’homme a déjà réussi son come back miraculeux. D’ailleurs ce n’est pas un come back, c’est carrément une résurrection.

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 « La fille des Lumières », Madame de Staël, la dernière pièce de Jean-Claude Idée présentée en lecture-spectacle au Centre culturel d’Uccle, est d’une remarquable qualité théâtrale. L’auteur, désormais spécialisé dans des évocations de moments d’Histoire, progresse de sujet en sujet au point de brasser un public de plus en plus nombreux. Qui plus est, les comédiens qui le suivent dans la belle aventure des Universités populaires du Théâtre épousent de mieux en mieux ses objectifs. Ainsi, Annette Brodkom est ici une Germaine de Staël qui ne doit rien à celles, plus célèbres, qui ont incarné cette libertine éprise de libéralisme. Créées dans la même veine que les initiatives de Michel Onfray en matière de philosophie, les Universités populaires du Théâtre commencent à se doter d’une vitesse de croisière impressionnante. Plusieurs lieux, en particulier Avignon, devraient le confirmer cette année.

Vendredi 2 mars

 Carles Puigdemont renonce à diriger la Catalogne depuis sa retraite flamande. Cela signifie qu’il exclut aussi de rentrer dans son pays, d’être envoyé en prison, et de provoquer un procès politique retentissant. On avait bien perçu depuis longtemps que ce triste sire était un faux héros. Il n’a pas l’étoffe d’un véritable personnage qui se dépasse pour modifier le cours de l’Histoire. Le voici en train de démontrer que tous les nationalistes ne sont pas courageux. Au domaine des grandes gueules, on trouve aussi des lâches.

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 Emmanuel Macron visite la Maison d’arrêt de Fresnes. Une fois encore, on espère pour lui, pour son avenir, que le sens de son déplacement et les paroles (positives, forcément positives…) qu’il y prononce ne relèvent pas d’un simple coup de com’. Des archives radiophoniques pourraient démontrer que Robert Badinter en 1985, Élisabeth Guigou en 2000 et Christiane Taubira sous le précédent quinquennat – trois personnalités irréprochables -, avaient dénoncé la surpopulation carcérale et affirmé leur volonté d’y remédier. Bien d’autres, du reste, s’étaient inscrites dans leur sillage.

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 Il importe de remercier ses partenaires, de saluer son producteur, d’exprimer sa gratitude à ses maîtres, son affection à sa compagne ou son amoureux, et bien entendu, de ne pas omettre ses parents, leur confier l’expression d’une reconnaissance filiale pour avoir pu choisir son destin, malgré les doutes et les risques que comportait l’aventure (Hé ! Maman ! T’as vu !...). Tous ces mots convenus emballés comme il se doit dans un bouquet d’émotions et de joies parfois difficilement contenues. D’année en année, les cérémonies des Césars se réforment, souvent avec bonheur. Mais comment éviter ces parties si lassantes qui vénèrent l’octroi de la récompense et qui pèsent sur l’ensemble de la soirée, pourtant bien ajustée ? La question a sûrement déjà taraudé plus d’un organisateur mais elle ne peut sans doute pas accoucher d’une réponse adéquate. Une récompense, cela s’honore de commentaires. Ce soir, seule Jeanne Balibar -meilleur rôle féminin pour son interprétation de Barbara dans le film éponyme de Mathieu Amalric – a tenu des propos intéressants (et intelligents) dans le cadre de ses remerciements. Albert Dupontel aurait pu en faire de même. Le lauréat de la meilleure réalisation (Au revoir là-haut) n’était pas présent bien qu’il dut se douter qu’au moins un trophée lui serait attribué. Celles et ceux qui se sont exprimés au nom du film le plus primé (120 battements par minute) – y compris le réalisateur Robert Campilio – tentèrent bien un commentaire audacieux. Le discours était finalement très apprêté. Bref, à l’exception d’une belle petite sortie de l’humoriste Blanche Gardin (une artiste à suivre), la partie la plus réussie était celle des hommages. Il faut dire que la palette ne manquait pas d’allure. Dans l’ordre d’entrée en scène : Jeanne Moreau, Jean Rochefort, Johnny Hallyday, Mireille Darc, Danielle Darrieux ouvrirent des chapitres funéraires impressionnants. On a coutume de préciser que 2017 fut une grande année pour le cinéma français (et même le cinéma francophone). Elle le fut aussi dans ses deuils.

Samedi 3 mars

 Olivier Faure, le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, fait campagne pour diriger le parti à reconstruire. Il visite sections et fédérations et, dans la tradition bien française de ses prédécesseurs, sait trouver les mots d’esprit qui réjouissent les militants. Celui-ci n’est pas mal : « Macron voulait mettre la République en marche, il l’a transformée en marché. » Pas mal, et assez exact…

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 Le Salon de l’Agriculture de Paris ferme ses portes demain. Á l’approche de l’heure des bilans, deux faits retiennent particulièrement l’attention des observateurs : 1. Emmanuel Macron a battu tous les records de présence : 12 heures 30 dans les stands et travées.  2. le grand snobisme des urbains consistait cette année à l’acquisition d’une poule. On s’attendait au premier constat ; on ne devinait pas le second. Quant à la situation désespérante de certains agriculteurs, ça ne fait point partie de la com’ qui marche, « la com’ qui fait le buzz coco ! ». Les Césars avaient pourtant bien évoqué (et récompensé !...) le film Petit paysan (Hubert Charuel) hier soir…

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 Jérôme Garcin ne célèbre pas que ses parents, il évoque toute sa famille, inventant ainsi le genre « autobiographie familiale » que l’on connaissait déjà dans le roman (Les Thibault de Roger Martin du Gard…) mais qui était beaucoup plus rare dans l’essai. En remontant jusqu’aux Lumières, on trouve beaucoup de médecins chez les Garcin. Le titre que Jérôme donne donc à son voyage dans l’arbre généalogique va donc de soi : Le syndrome de Garcin (éd. Gallimard). Mais alors, le petit Jérôme serait-il l’héritier qui aurait mal tourné ?
Hum ! Finaud, il a construit sa pirouette : « Si soigner, c’est sauver des vies, écrire, c’est les prolonger » dit-il. Du coup, il peut même clore son récit par une phrase sibylline empruntée à Emmanuel Berl : « Il fait beau, allons au cimetière. »

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 Si tu ne vas pas à la station-service, la station-service ira à toi. Á Paris, la firme Gaston-le-pompiste livre le plein à domicile. Et de surcroît – ce qui devient introuvable à cause du self-service – le préposé à la livraison peut vérifier la pression des pneus et laver la voiture. Un petit coup de fil, et il arrive dans les deux heures ! Les périodes critiques ont toujours excité l’imagination des inventeurs. La trouvaille de Gaston pourrait devenir une nouvelle manière d’accompagner les automobilistes.

Dimanche 4 mars

 On annonçait un scrutin serré. En fait, c’est à une large majorité (66 %) que les militants du SPD ont approuvé le programme de coalition gouvernementale avec la CDU-CSU. Et en une belle participation : 78 % des 462.000 adhérents. Les instances européennes sont ravies. Angela Merkel et Emmanuel Macron sont attendus au tournant de l’Histoire. Sans tarder s’il vous plaît.

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 Les Suisses votent massivement (71 %) contre la suppression de la redevance et expriment ainsi, malgré le montant très élevé de la participation de citoyen (400 euros par an) au maintien de l’audiovisuel public. Aux dirigeants de démontrer, à présent, que ledit audiovisuel public est capable de réaliser une télévision intéressante, où la culture et l’information occupent une place prépondérante. Ainsi, les pays voisins pourront demain prendre exemple sur la Suisse afin d’opter pour la qualité du média. C’est un peu cocasse et surtout inattendu mais c‘est à prendre avec l’étonnement du plaisir et de la confiance en un esprit civique parfois si décrié.

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 Nathalie Baye est la seule de la grande famille constituée par Johnny Hallyday à ne point participer aux médiocres discussions publiques sur l’héritage. Voici qu’elle déclare au JDD sa passion pour une des chansons de son ex-mari, La Mort d’Ophélie, écrite par Mort Shuman en 1976. « Une ballade dont je ne me lasse jamais » confie-t-elle. Grâce à Nathalie Baye, on découvre une chanson de Johnny tout à fait tombée dans l’oubli. C’est mieux que d’inventer un codicille.

Lundi 5 mars

 En prenant connaissance du résultat des élections législatives italiennes, ce n’est pas l’étonnement qui domine. Les sondages et la campagne annonçaient la perspective d’un pays ingouvernable. On ne s’affole pas non plus car on se souvient que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cet État fonctionne en moyenne au rythme d’un gouvernement par an. Une combinazione finissait toujours par être trouvée entre les partis traditionnels. Désormais, ce sont les extrêmes qui émergent : les populistes du mouvement 5 étoiles et les ligues d’extrême droite, toutes formations anti-européennes qui tirent profit d’un manque de solidarité des 26 envers la crise migratoire dont l’Italie subit plus que tous les autres les effets. On prévoit donc déjà l’organisation d’un nouveau scrutin. Si tel était le cas, plaise à Macron et Merkel de prendre une initiative forte afin de rétablir un minimum de confiance à Rome, là où en 1957 fut signé le traité de baptême de l’Union.

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 Il y a 65 ans s’éteignait le petit père des peuples. Aujourd’hui, nombreux sont les journalistes qui estiment que Jean-Luc Mélenchon dirige son groupe La France insoumise de manière stalinienne. Il ne faut pas dénaturer la puissance des mots. Mélenchon est fou mais ce n’est pas un dictateur dangereux. Voilà déjà tellement d’années que le mot « fasciste » est utilisé à tort et à travers si bien qu’il n’effraye plus la jeune génération dont les parents, qui n’ont pas connu le régime ainsi nommé, ne sont même pas des témoins de première main. Dans quelques semaines, à l’occasion du 50e anniversaire du mouvement de Mai, on réentendra le slogan « CRS-SS ». La rime était aisée mais le sens était stupide : les CRS ne sont évidemment pas des SS, ni ceux de ’68, ni ceux d’aujourd’hui.

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 La cérémonie des Oscars s’est avérée aussi douceâtre que celle des Césars, l’humour étatsunien la rendant plus quelconque encore. Là où la salle s’esclaffa le plus, c’est lorsque le présentateur lui fit remarquer qu’Oscar, la statuette, n’avait pas de pénis… Retenons donc simplement que Gary Oldman fut célébré pour son interprétation de Winston Churchill dans Les Heures sombres (Joe Wright), c’est ce qui restera dans l’histoire d’Hollywood pour cette 90e édition du grand gala des meilleurs.

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 Commentaire,  la revue trimestrielle de pensée libérale, publie un texte inédit de Jean-François Revel dans lequel il évoque son alcoolisme : « Ce n’est jamais de l’ivresse que provient la manifestation du talent. C’est toujours de la victoire sur l’ivresse. »

Mardi 6 mars

 On la croyait au-dessus de la mêlée, loin des contingences médiocres. Il n’en est rien. Nathalie Baye sort de son silence et confie au Figaro sa « douleur » et son sentiment de « grande injustice » dans l’affaire de l’héritage Hallyday. Il est probable que  l’identité artistique de Johnny va désormais traverser une longue période silencieuse. Déjà, la sortie de l’album qui était en préparation au moment de sa mort a été reportée. L’actualité du rockeur se répercutera plutôt dans les pages judiciaires que dans les échos musicaux.

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 L’enquête quotidienne du Figaro auprès de ses lecteurs porte sur une question résultant des élections italiennes : La montée des populismes en Europe vous inquiète-t-elle ? Á midi, 60.000 réponses avaient déjà été enregistrées. Résultat : 37 % de oui ; 63 % de non. Confirmation : si l’extrême droite n’est pas encore majoritaire dans les urnes, elle l’est déjà dans les esprits.

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 Le Retour du héros, de Laurent Tirard, est un film qui frôle de vaudeville campagnard, au moment des guerres napoléoniennes, dont la petite aristocratie bourguignonne est le cadre. Sans intérêt, sauf pour apprécier ce grand cabotin de Jean Dujardin, aussi à l’aise dans un rôle de séducteur que dans celui d’un imposteur, a fortiori quand il s’agit de la même personne.

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 Le Real Madrid est venu vaincre le Paris Saint-Germain dans ses propres installations, au Parc des Princes. La gloire européenne échappe une fois de plus au club qui avait bénéficié d’un investissement d’un demi-milliard d’euros en provenance du Qatar pour ramener le trophée. Il faudra encore déverser quelques millions de plus. Attendons-nous à ce que le prix du baril de pétrole augmente.

Mercredi 7 mars

 Les dirigeants des deux Corées se parlent, se rencontrent, et se font même des politesses. Ils vont bientôt s’échanger des cadeaux : Alice au pays des merveilles, Mickey et Donald sont dans un bateau…

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 En Belgique, on pratique tout le temps des compromis, même des compromis sémantiques. Lorsqu’une institution appartient autant à la communauté flamande qu’à la francophone, on opte pour une forme de phonétique afin de trouver un nom qui satisfasse tout le monde. Ainsi, le Palais des Beaux-arts, que l’on doit aux illustres francophones Jules Destrée ministre de la Culture des années ’20 et à Victor Horta, maître-architecte de l’art Nouveau, ne peut plus s’appeler ainsi. On le nomme désormais Bozart. Cette appellation si poétique a aussi inspiré les talentueux décideurs pour la cinémathèque attenante, l’une des plus riches du monde, intitulée désormais Cinematek. Est-ce que le nom de la chanteuse Sennek ressortirait à la même transformation en hommage au grand philosophe stoïcien Sénèque ? En Belgique, rien n’est impossible… Elle s’appelle Laura Groeseneken, née à Leuven il y a 27 ans. On comprend qu’elle ait cru bon de choisir un pseudonyme pour la scène et l’on pourrait même imaginer qu’elle ouvre une mode, celle d’opter pour l’anglicisation des patronymes de glorieux anciens. Ce serait amusant de retrouver Héraclite, Ovide, Périclès, Pythagore, Socrate, Sophocle, Virgile et les autres en une allure sémantique up to date… Toujours est-il que Sennek représentera la Belgique au Grand Prix Eurovision de la Chanson à Lisbonne en mai prochain. La Belgique est un pays de 11 millions d’habitants qui possède trois langues nationales : l’allemand, le français et le néerlandais. Comme il n’y a pas un Gainsbourg belge capable d’écrire une bonne mélodie en phonétique, Sennek interprétera une chanson en anglais. A matter of time sera le titre de la nouvelle rengaine. Fors l’honneur, of course...

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 La presse française se ridiculise. Elle avait de manière quasiment unanime laissé croire que le 3-1 de Madrid pouvait être corrigé par la prestation du match retour au Parc des Princes. Aujourd’hui, les qualificatifs de la déception mêlée parfois de colère ne possèdent pas assez de synonymes. Franz-Olivier Giesbert fait exception. Il adore cela. Il publie donc un poème à la gloire de Zidane, l’entraîneur du Real Madrid. Mais c’est dans La Provence, le journal de Marseille. Donc, pas de lynchage en vue, plutôt un piédestal.

 

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