Une catastrophe financière avant la climatique ?

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Georges Ugeux prédit une catastrophe financière. Photo © D.R. https://youtu.be/XUXQD6B6L2k

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Samedi 16 mars

 Le Fouquet’s saccagé, ensuite incendié. Plusieurs boutiques luxueuses des Champs-Elysées vandalisées après l’explosion de leurs vitres, une banque proche des Champs elle aussi incendiée ; le 18e samedi de présence Gilets jaunes aura donné lieu à des manifestations d’une violence inouïe à Paris. La traditionnelle manifestation s’est très vite métamorphosée en émeute. Tandis que les images montrent des casseurs occupés à renverser une camionnette de police et tenter d’en extraire le chauffeur, on découvre encore, sur le trottoir voisin, un couple banal, tranquille, tout de jaune vêtu, qui déclare « on n’est pas venu pour ça… », « c’est pas ça qu’on veut… ». Les reportages en télé dès 13 heures sont d’une loufoquerie tragique. On vous crache dessus et vous dites qu’il pleut… Le sujet suivant mélange l’absurde à l’ahurissant : Emmanuel Macron, tout sourire s’est évadé quelques heures pour aller skier à Mongie. Il pose au sommet des pistes, prêt à les dévaler. Sans doute est-ce mieux de dévaler les pistes que les courbes de popularité, comme il vaut mieux un grand débat plutôt qu’un grand déballage. Mais la montagne offre tellement de métaphores qu’on laissera aux observateurs de la presse dominicale le soin de commenter le parallèle entre la plus belle avenue du monde noire de suie et la balade du président de la République sur des voies immaculées.  

Dimanche 17 mars

Le cinéma français a la chance de compter parmi ses acteurs un admirable serviteur de la littérature, passionné, aimable, affable, d’une délicieuse éloquence, et que l’on suit à plaisir dans ses pérégrinations et ses facéties. Grâce à Fabrice Luchini, on peut donc savourer quelques belles histoires bâties autour des livres, sorte de roman dans le roman. La dernière réjouissance est proposée par Rémy Bezançon (« Le mystère Henri Pick »). Elle est tirée du livre de David Foenkinos et sans prétention, elle offre un voyage déroutant où les maisons Gallimard et Grasset relayent une intrigue née dans une petite bibliothèque publique bretonne.

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 Apologie du Temps. En 1962, Raymond Queneau écrivit « Cent mille milliards de poèmes ». L’an dernier les retards accumulés de la SNCF s’élevèrent 2 milliards de minutes.

Lundi 18 mars

 Après l’Italie, la Turquie entre aussi en récession. Erdogan l’appréhendait. C’est pour cela qu’il avait provoqué des élections anticipées, tant que l’économie lui procurait encore des indices favorables. Comme pour Salvini et ses alliés grotesques, si ce n’est qu’une mauvaise passe, le peuple sera convié à l’oublier. Si la situation perdure, il leur faudra envisager d’autres mesures. Et commencer d’abord par trouver un bouc émissaire. Une tête de Turc en somme…

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 On l’avait vue en 2015 dans le film de Jafar Panahi « Taxi Téhéran ». Elle dégageait une audace de propos qui distinguait une force de caractère déterminé. Le genre de femme qui n’a pas froid aux yeux. Elle est avocate. Elle défend ses semblables, sanctionnées pour ne pas porter le voile. Elle vient d’écoper de 38 ans de prison. Comme si la condamnation restait trop faible, on l’assortit de 137 coups de fouet. Une pétition circule en Occident.

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 Bernard Pivot a pu lire avant parution le dernier livre de Philippe Sollers (« Le Nouveau », éd. Gallimard). Il révèle que l’auteur plaide pour qu’une fête nationale soit instaurée en l’honneur de Madame Bovary. Pourquoi pas ? La Sainte-Emma est célébrée le 19 avril, qualifié Journée de la primevère au Royaume-Uni. C’est aussi, au calendrier républicain, le 30e et dernier jour de germinal, qualifié Jour du couvoir. Le couvoir était le nom donné à un nid, une boîte un panier où l’on disposait des œufs pour une couveuse (poule, dinde). Le Jour du couvoir, un beau titre pour une romance. Flaubert aurait bien ricané (« La grosse blague » aurait-il, comme à son habitude, remarqué).

Mardi 19 mars

 Le président brésilien Jair Bolsonaro effectue son premier voyage à l’étranger. Bien entendu, il le consacre à son mentor. Il sera l’hôte de Donald Trump pendant trois jours. On s’accordera sur un accroissement de ventes d’armes ; ça peut toujours servir… Les Etats-Unis devraient bénéficier aussi d’un nouvel emplacement du côté d’Alcantara, dans le nord-est, pour installer une base militaire. Cela peut toujours servir aussi ; en cas d’intervention nécessaire au Venezuela par exemple.

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 A terme, il n’y a pas l’ombre d’un doute, le peuple algérien aura raison du pouvoir en place. Les manifestations massives qui se déroulent tous les jours dans toutes les grandes villes en sont les prémices. Leur volonté d’être tout à fait pacifiques est remarquable. Reste la position de l’armée. Celle-ci continue d’observer les ballets tandis que le chef d’état-major semble adopter une attitude ambiguë. Il est périlleux d’oser un pronostic. Ce qui est certain, c’est que l’histoire des relations franco-algériennes est à un tournant.   

Mercredi 20 mars

 Trump sait surprendre. Si tout ce que l’on envisageait dans le cadre de la visite de Bolsonaro est dans la préparation du gâteau à offrir pour le communiqué final, le grand Donald annonce déjà qu’il y déposera une cerise : l’adhésion du Brésil à l’OTAN. Un écrivain d’anticipation qui voudrait décrire les positions d’un échiquier débouchant sur la troisième guerre mondiale ne s’y prendrait pas mieux.

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 Depuis samedi soir, le président de la République Macron, le Premier ministre Philippe et le ministre de l’Intérieur Castaner ne cessent d’annoncer des moyens plus performants tout neufs en faveur des forces de l’ordre pour éviter que ne se reproduisent les terribles déprédations de samedi. L’armée sera même samedi dans les rues de Paris afin de soutenir la police. Cela ne semble pas décourager les Gilets jaunes ou ceux qui s’identifient à eux. Ils préparent un « acte 19 » et ils ont bien l’intention d’être à la hauteur du défi. Lorsque dans les années 1975-1976 Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur de Valéry Giscard d’Estaing, avait fait monter la pression chez ses CRS, les sociologues l’avaient mis en garde contre ce qu’ils avaient appelé « le cycle infernal agression / répression ». On y est de nouveau.

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 « Les Allumettes suédoises », « Trois sucettes à la menthe », « Les Noisettes sauvage »s… A la fin des années soixante, Robert Sabatier (1923 – 2012) avait instauré une mode dans le roman, celle d’attribuer des titres insolites, en décalage avec l’essentiel du sujet abordé. Il fit école. Aujourd’hui, si l’on narrait les méandres que Theresa May connaît dans l’aventure du Brexit, on pourrait l’intituler « Les Cravates de John Bercow ». Ce monsieur bien sous tous rapports vient d’introduire quelques solides bâtons dans les roues de la Première ministre qui n’avait pas besoin de cela pour pédaler à la peine. Il est speaker, c’est-à-dire président de la Chambre des Communes. Le monde entier le connaît désormais puisqu’il lui revient de proclamer le résultat des votes et que ceux-ci furent nombreux. Or, la désolante caractéristique de la civilisation de l’image s’imposait chaque fois qu’un journal télévisé diffusait l’information : le téléspectateur était plus attiré par l’effet de l’allure Bercow que par ce qu’il exprimait. John Bercow est un amoureux des cravates. Il en porte de superbes, parfois très colorées, voire affriolantes. Il est, ainsi, très représentatif du style british : la fantaisie n’exclut pas le sérieux.   

Jeudi 21 mars

 Ce n’est pas parce que le communisme s’est effondré que le capitalisme se porte mieux.

 Ce théorème a souvent été démontré, dès les premiers jours qui suivirent la chute du Mur de Berlin. Prix Nobel d’Economie en 2001, Joseph Stiglitz n’a cessé de le répéter, ce qui l’a conduit à développer, avec d’autres confrères, l’idée d’un nouveau keynésianisme qui pourrait surgir au premier plan dans la prochaine campagne présidentielle aux Etats-Unis et peut-être aussi en Europe, Stiglitz conseillant par exemple le chef du Labour britannique Jeremy Corbyn et donnant de nombreuses conférences dans les pays de l’Union. Le voici à Bruxelles, reçu par la rédaction du Soir : « L’Europe a connu une croissance plus rapide avant l’arrivée du néo-libéralisme » souligne-t-il. Si l’on ajoute à ce constat que malgré toutes les voies nouvelles susceptibles de renforcer l’individualisme qu’offre l’informatique, on découvre ces temps-ci dans la lutte pour le climat que la jeunesse s’engage à fond dans l’action collective, on peut déceler (quand même) des raisons d’appréhender l’avenir avec un brin d’optimisme. Stiglitz ne l’a pas dit mais on sait que Bolsonaro, Erdogan, Orban, Salvini, Trump et d’autres de pareille trempe sont mortels. Ils disparaîtront du paysage avant tous ces adolescents qui se mobilisent le jeudi afin de défiler dans les villes européennes en voulant sauver la planète. Leur planète.   

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…Mais déjà, la page Stiglitz se tourne. Il est toujours très périlleux d’oser l’optimisme. Georges Ugeux, l’éminent spécialiste de la Banque, très apprécié sur la place new-yorkaise en appelle à un sursaut rapide des Etats, sans donner l’impression de trop y croire. Il craint (pour ne pas dire « prédit » …) un effondrement de la Finance mondiale dès 2020, beaucoup plus conséquent que celui que l’on a connu lors des crises de la fin du siècle passé comme ceux du présent (« La Descente aux enfers de la finance », éd. Odile Jacob). Ce Belge s’était exilé outre-Atlantique il y a plus d’un demi-siècle, écœuré par le tristement célèbre « Walen buiten » qui entacha la vénérable université de Louvain. C’est dire qu’il n’est pas friand de se risquer à des spéculations susceptibles d’être brouillées par les soubresauts du temps qui passe…    

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 Les abords du lycée Fernand Darchicourt, à Hénin-Beaumont, pourraient bien, demain, défrayer la chronique. Depuis plusieurs semaines, François Hollande s’est porté volontaire pour rendre visite aux lycées qui le souhaiteraient afin d’expliquer l’Europe. Bien entendu, des invitations lui parvinrent. Il les honora sans qu’une quelconque entrave, une complication administrative ou politique ne surviennent. Demain, c’est donc à Hénin-Beaumont - vieille ville socialiste du bassin minier tombée aux mains du Rassemblement national – qu’il devrait se produire. Marine Le Pen, députée de la circonscription, ne voit pas cette visite d’un bon œil. Elle a écrit à la rectrice des Hauts-de-France afin de solliciter l’annulation de la prestation. Celle-ci a refusé, arguant qu’il s’agit d’une séance pédagogique. On en est là. Et on espère que tout se passera bien…

Vendredi 22 mars

 Le dernier bastion de Daesh en Syrie est donc, cette fois, officiellement tombé. On l’a maints fois répété : il n’y a plus de califat ; pour autant, le djihadisme n’est pas mort.  On le vérifiera sous peu. Quant à Bachar al-Assad, il est toujours bien là, dans son palais, à Damas. Vladimir Poutine lui aura sans doute intimé l’ordre de ne pas se réjouir. Il a quelques centaines de milliers de morts sur la conscience, dont la caractéristique principale est qu’ils appartiennent à son peuple. La voie du tribunal de La Haye – où l’ex-président serbe Radovan Karadzic fut, avant-hier, condamné en appel à la prison à vie – ne semble pas ouverte pour lui.

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 Incendié samedi dernier, le Fouquet’s a été par la suite dévalisé. La tentation était grande pour des malfaiteurs. Deux d’entre eux n’ont rien trouvé de mieux que de présenter sur Facebook la photographie de leur butin. Les voilà du même coup en comparution judiciaire. Le ridicule du geste prouve jusqu’à quel point la satisfaction de l’ego est provoquée par ces systèmes de connexions en intensité collective. Andy Warhol nous avait prévenus…

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 Si on mourut beaucoup entre 1914 et 1918, on mourut aussi en 1919, mais l’idée d’un centenaire à commémorer serait indécente, par rapport aux précédents relais séculaires. On ne célébrera donc pas Jean-Pierre Brisset, l’ancêtre des irréguliers du langage, décédé à La Ferté Macé le 2 septembre 1919 (82 ans), que les pataphysiciens et les adeptes de l’Oulipo tenaient en haute référence, et que Jules Romains, qui fut son légataire universel, complimentait souvent. Il hérita d’une coquette somme d’argent afin de diffuser l’œuvre de Brisset. D’après Patrice Delbourg (« Les Jongleurs de mots », éd. Ecriture, 2008), il s’empressa de confectionner un colis avec les livres du défunt qu’il expédia au Groenland. On ne célèbrera pas non plus Jacques Vaché, mort à 23 ans le 6 janvier 1919 dans une chambre du Grand hôtel de France à Nantes, probablement d’une surdose d’opium. André Breton voyait en lui un disciple de tout premier plan. « Il est surréaliste en moi » clamait-il. Il publia les « Lettres de guerre » du jeune disparu. Un témoignage qui aurait mérité d’être souligné durant les si nombreuses commémorations de la Grande Guerre.

Samedi 23 mars

 40.000 Gilets jaunes ont défilé dans quelques grandes villes françaises pour un 19e samedi consécutif. La participation s’érode donc un peu mais elle reste significative. Autant supposer dès à présent qu’il y aura donc un 20e samedi de mobilisation. Si une lassitude plane, elle se ressent davantage du côté des forces de l’ordre que chez les manifestants. Les Champs-Elysées n’ont pas été le théâtre d’émeutes et de destructions. Mais à quel prix ! On n’y voyait que des camionnettes de police, des hommes en noir cagoulés, armés, prêts à l’affrontement. « J’avais envie de dire bonjour à n’importe qui… » fredonnait autrefois Joe Dassin en vantant les charmes des Champs dans sa chanson éponyme. N’importe qui, désormais, c’est quelqu’un de suspect.

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 Nicolas Sarkozy s’est rendu à Budapest pour clamer sa solidarité avec « son ami Viktor ». Le Parti populaire européen a suspendu de ses rangs le Fidesz, la formation politique du Premier ministre Viktor Orban. Quelle est la qualité principale qu’il faut reconnaître à Orban ? demande-t-on à l’ancien président de la République française. Réponse : « Il a réussi à être élu trois fois ! ». Sarkozy n’a pas changé. Pour lui, l’exercice de la politique, c’est un concours, une compétition, une épreuve. Ce qu’on fait quand on gagne ? Eh bien on se prépare pour la réélection. Et entre les deux ? Bof, on verra bien…

Dimanche 24 mars

 Le président chinois Xi Jingping est un grand pragmatique. Quand il vient en voyage officiel en France, il commence par une visite à Monaco. Ensuite, il déballera ses projets économiques rassemblés sous le vocable Routes de la soie, un intitulé qui a déjà séduit les Italiens, émus de constater que Marco Polo est toujours tenu en estime à Pékin. La Chine est occupée à coloniser le monde occidental. Son armée est prête à un conflit mais c’est dans la douceur de relations économiques et l’hypnotisme diplomatique raffiné que l’extension est engagée. Un Terrien sur cinq est chinois. A partir de là, on peut bâtir quelques syllogismes impressionnants.

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 Le Journal du Dimanche (JDD) s’est livré à une petite enquête, demandant à quelques personnalités d’évoquer le souvenir d’un enseignant qui marqua l’enfance. Isabelle Adjani parle de mademoiselle Nicole Bataille, qui l’a « laissée » se passionner pour la littérature et le théâtre ; Jean-Michel Blanquer souligne que sa maîtresse de maternelle, madame Drougard, lui faisait écouter de la musique… Toutes et tous décrivent un éveil à la beauté des choses. Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik est juif. Sa mémoire révèle un souvenir différent : « Mademoiselle Farges, mon institutrice maternelle, m’a sauvé la vie au sens propre du terme. Quand mes parents ont été déportés, en 192, elle est venue me chercher à l’assistance publique et m’a recueilli (…) J’ai ensuite été caché dans un tas d’institutions, protégé par toute une chaîne d’enseignants (…) Mais j’ai gardé contact avec Marguerite Farges jusqu’à sa mort, à 90 ans. Je la voyais quand j’allais à Bordeaux. Je lui envoyais des fleurs à Noël et à la Fête des Mères (…) Le temps des témoins vivants se dissipe dans l’ombre des années. Aussi nombreuses, précises, poignantes ou bouleversantes que seront les archives, elles ne pourront point se substituer à la parole directe.

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 Le recours aux techniques audiovisuelles n’a jamais trouvé autant sa justification que dans l’adaptation de « 1984 », le roman de George Orwell, que Thierry Debroux propose en son théâtre (Le Parc, Bruxelles). La mise en scène de Patrice Mincke, dynamique, audacieuse, bien soutenue par des plages musicales adéquates, est époustouflante, et si tous les comédiens assument parfaitement leur rôle, il importe de citer l’extraordinaire prestation de Guy Pion, dans celui de la mauvaise pensée de Winston Smith. On sort du spectacle bousculé autant que ravi. Le recul aidant, on se demande si cette adaptation paraît tellement facile à élaborer, ne serait-ce point parce que ce qui fut conçu par le romancier en 1948 trouve une formidable authenticité de persuasion et une approche possible de nos jours ? La réalité ne dépasse pas la science-fiction mais elle la tient en alerte.

Lundi 25 mars

 Il est possible de considérer les relations Chine – Europe comme une aubaine, un changement radical dû à l’attitude renfrognée de Trump. Lorsque celui-ci arriva au pouvoir, les observateurs soulignèrent que c’était là une chance pour l’Europe. Nouer des relations avec des Etats que Trump négligerait voire dédaignerait, c’était une occasion de gagner une place de choix dans les rapports internationaux. Nous y sommes peut-être. Demain, Juncker et Merkel seront à l’Elysée pour dialoguer avec Xi Jinping. On peut parier sur un partenariat équitable. Mais pas plus qu’au temps d’Henry Kissinger, il ne sera possible de donner au président chinois un numéro de téléphone pour atteindre l’Europe. Macron avance. II doit commencer à exaspérer certains partenaires. Tant que Merkel suit, tout va bien.

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 25 mars 1957. A deux mois des élections européennes, l’occasion était belle d’évoquer le 62e anniversaire du Traité de Rome. Mais voilà : nous vivons dans le système décimal et 62 n’est pas un numéro qui compte pour commémorer l’Histoire. Personne n’a donc pensé à souligner cette date. Demain, 26 mars, ce sera le 80e anniversaire de l’offensive finale des nationalistes du général Franco écrasant la république espagnole. Si cette conjonction de dates était évoquée en Espagne, cela s’intégrerait dans une polémique électorale. Les élections législatives auront en effet lieu dans un mois.  

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 « Nous vivons une crise civilisationnelle de l’épanouissement individuel ». Jacques De Decker, secrétaire perpétuel de l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique, ouvre par ce constat un champ de réflexions philosophiques immense. Celles-ci ne peuvent aboutir qu’à un projet politique. Mais lequel ? Et qui pour le porter ? L’angoisse est double.   

Mardi 26 mars

Le chef d’état-major de l’armée algérienne veut déclarer Bouteflika inapte. Inapte à quoi ? A danser ? A courir ? A discourir ? Inapte à gouverner pardi ! Les dés roulent… Il est certain que si l’armée lâche Bouteflika, c’est en concertation avec le pouvoir en place. L’objectif est de rester aux commandes… Mais sans Bouteflika. Comme on peut, sans craindre de se tromper, imaginer que Bouteflika n’était de fait déjà plus aux commandes, on en conclut que l’opération ne satisfera pas la rue. Deux remarques demeurent à souligner : 1. Les manifestations populaires ne cessent point ; elles sont toujours aussi joyeuses et extraordinairement pacifiques. 2. Le pouvoir est depuis si longtemps installé qu’aucune personnalité n’émerge pour le faire basculer. Pour le moment…

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 Elle reconnaît qu’une majorité de parlementaires ne voteront pas son texte concernant l’accord du Brexit. Le petit parti nationaliste d’Irlande du Nord, son indispensable allié au gouvernement, s’écarte d’elle. Theresa May doit commencer à faire ses valises. C’est cruel, deux années de négociations intenses réduites à néant, mais c’est la rançon d’une incroyable et absurde décision populaire. L’extrême droite britannique a foutu le bordel (il n’y a pas d’autre mot…) en usant de fake news pour convaincre un électorat sceptique disposé à se laisser séduire. Tous ceux qui, dans les 27 autres pays de l’Union, se préparent à voter pour un parti qui prône le retrait devraient s’interroger sur la portée de leur suffrage en observant la triste situation dans laquelle est plongé le Royaume—Uni.

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 Ah les GAFA ! cet acronyme issu de géants américains d’Internet (Google, Appel, Facebook, Amazone) que l’on pourrait nommer GAFAM en y ajoutant Microsoft ! Comme ils faisaient trembler les médias et les créateurs culturels d’Europe ! Une réforme des droits d’auteur paraissait pourtant tellement évidente afin de les empêcher de se soustraire aux élémentaires cotisations relatives à la diffusion d’œuvres. L’interrogation planait. Le parlement européen a voté la réforme. Ce qui n’est qu’une décision logique, allant de soi depuis Beaumarchais, apparaît comme une victoire ! De fait, le vote fut loin d’être massif : 348 pour, 274 contre, 36 abstentions. Cela révèle combien les lobbys américains pèsent lourd sur les députés de Strasbourg.

Mercredi 27 mars

 La Libye est devenue une prison à ciel ouvert où la torture et le rançonnage dominent les relations, en particulier envers les migrants repoussés d’Italie sous l’impulsion de Salvini qui n’en a cure, et que le parlement européen suit, laissant à l’ONU la faculté d’organiser des camps de réfugiés. On continue à mourir en Méditerranée. Déjà plus de deux mille trois cents noyés recensés cette année. Pour l’heure, ce chiffre est entré dans la normalité des choses. Celui qui fait débat et analyse concerne les deux centaines de femmes européennes qui s’étaient engagées chez les djihadistes et qui aimeraient rentrer au pays, certaines accompagnées d’enfants nés dans l’ancien califat des islamistes. Sous silence aussi les quelque 350.000 Syriens tués par leur propre président. A se demander si Bachar al-Assad est toujours en vie. Plus personne ne parle de lui et lui ne se manifeste nullement. Son ami Poutine lui aura intimé l’ordre de se faire très discret, faute de pouvoir se faire oublier.    

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 Theresa May connaît bien les classiques shakespeariens. Elle sait la fameuse déclaration de Richard III, « Mon royaume contre un cheval ». Alors, dans la tourmente parlementaire, elle abat sa dernière carte : « Mon accord sur le Brexit contre ma démission ». C’est beau, c’est grand, c’est en effet shakespearien.

 

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