USA – Russie : la guerre mondiale pour l’énergie

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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L’état inquiétant de notre économie pendant cette guerre en Ukraine qu’on aurait pu éviter si on avait accepté des négociations politiques et économiques éclairées et sérieuses.

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Une chose est certaine, dans la masse des informations vraies et fausses qui déferle sur nous depuis l’invasion guerrière de la Russie en Ukraine, c’est que tout était prévu, analysé, annoncé depuis quelques années. Il fallait que la Russie, provoquée par les Etats-Unis et l’OTAN, envahisse l’Ukraine, et que l’Europe mette fin au projet russo-allemand de Nordstream 2 un nouveau gazoduc qui prive l’Ukraine des juteux droits de passage du gaz russe passant par son territoire.

Le 18 septembre 2020, nous écrivions ceci : https://www.entreleslignes.be/humeurs/zooms-curieux/russie-allemagne-de-l-eau-dans-le-gaz

Et en août 2020, nous commentions les grandes manœuvres otaniennes en Europe, Defender 20, voir ici :

https://www.entreleslignes.be/humeurs/zooms-curieux/l%E2%80%99otan-partout-tout-le-temps

Dans cet article, nous avons publié le discours de Mark Esper, secrétaire US à La Défense (29 juillet 2020) qui annonçait clairement la politique de « dissuasion » des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie, à savoir un encerclement accru de ce pays par des bases militaires otaniennes. Un obstacle important à cette politique US était la position claire de la chancelière allemande Angela Merkel qui voyait dans la gazoduc Nordstream 2 russo-allemand une garantie pour son pays d’assurer une transition énergétique pas trop polluante puisque l’Allemagne avait courageusement abandonné le nucléaire.

La chancelière ayant pris sa retraite et les dirigeants de l’Europe, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen ainsi que le président du Conseil Charles Michel étant entièrement acquis aux visées états-uniennes, la voie était libre pour finaliser la politique du président Joe Biden, poursuivant celle de son prédécesseur Donald Trump : acculer la Russie, l’affaiblir afin de contrer plus facilement la Chine, alliée de la Russie. Et vassaliser l’Europe. L’Ukraine était le terrain idéal pour mettre en œuvre cette stratégie : refuser tout accord avec la Russie sur la sécurité des frontières, sur le statut de la Crimée, favoriser les massacres commis par les forces ukrainiennes d’extrême-droite dans le Donbass russophone, refuser la proposition d’autonomie des républiques du Donbass dans l’Ukraine, refuser toute intermédiation des Nations Unies, cette instance mondiale que les Etats-Unis affaiblissent et discréditent sans cesse depuis des décennies, obliger l’Europe à se fournir (très cher) en énergie notamment aux USA, à dépenser des milliards en armes, à mettre en péril sa propre économie et donc le bien-être de ses populations ce qui affaiblit considérablement l’Europe politique, devenue vassale complète des Etats-Unis ( à l’instar de la Grande-Bretagne). Un indicateur : l’euro a dégringolé au niveau du dollar et les chiffres de l’inflation donnent le tournis.

Pour bien comprendre l’ampleur de cette catastrophe politique et économique pour l’Europe, le Monde Diplomatique de juin 2022 propose un dossier « Qui gagne la guerre de l’énergie » qui analyse clairement le bouleversement du système énergétique planétaire qui n’est plus soumis aux seules lois du marché (pourtant le crédo de ces néolibéraux purs et durs que sont Joe Biden et Ursula von der Leyen) mais suivrait les lignes de fracture géopolitiques. « Les Etats-Unis et leurs ‘amis’ contrôleraient ainsi un gigantesque réseau de distribution d’énergie tandis que le reste du monde se partagerait des réseaux de taille plus modeste, définis en fonction des loyautés politiques de leurs acteurs. », explique l’universitaire américain Michael Klare.

Et l’on voit le ministre de l’Economie et du Climat, l’allemand Robert Habeck, acheter du gaz naturel liquéfié, très coûteux et très polluant auprès de champions de la démocratie que sont le Quatar et les Emirats arabes unis, au détriment de la politique climatique pourtant urgente et essentielle pour l’avenir de la planète, racontent Mathias Reymond, économiste et Pierre Rimbert, journaliste du Monde Diplomatique. C’est d’ailleurs dans cette même optique que Joe Biden rencontre ces jours-ci les dirigeants de pays du Proche-Orient, à commencer par Israël, et qui ne sont pas des exemples de respect des « valeurs occidentales ». Pendant ce temps, les grandes multinationales de l’énergie engrangent des plantureux bénéfices au détriment des investissements nécessaires dans les énergies renouvelables.

« L’ère numérique qui dissimule soigneusement son infrastructure énergivore derrière les petits écrans du grand public, et le flou qui accompagne la transition vers les énergies renouvelables ont fait perdre de vue l’évidence qui avait hanté des générations de dirigeants occidentaux : l’accès à l’énergie conditionne la souveraineté des nations, leur puissance. », résument Mathias Reymond et Pierre Rimbert. Pour l’instant, ce sont les Etats-Unis qui tirent avantage de cette déstabilisation géopolitique, la Russie n’y perd pas grand-chose car elle vend son gaz en Asie. C’est l’Europe qui est la grande perdante de ce jeu de dupes, à cause de la politique désastreuse de ses dirigeants, qui n’est passée par aucun crible parlementaire, qui a nié toutes formes de diplomatie traditionnelle et qui a été imposée aux citoyens aveuglés par une propagande belliciste otanienne relayée par les principaux médias d’information.

« Trois mois après le début de l’invasion russe, la bataille de l’énergie qui se joue loin de Kiev compte déjà ses cocus, ses coquins et ses conquérants. L’Europe et, en particulier, l’Allemagne, appartiennent sans ambiguïté à la première catégorie. », ironisent Reymond et Rimbert. Lisez ce dossier pour savoir qui sont les coquins et les conquérants. https://www.monde-diplomatique.fr/2022/06/

Poutine, maître du jeu ?

Pour ceux qui, nombreux, souhaitent décrypter le vrai du faux dans les informations qui nous sont déversées à chaque instant dans la presse et les réseaux, Jacques Baud nous propose une grille d’analyse critique. Dans son livre « Poutine, maître du jeu ? », il part d’une série d’affirmations lancées par des journalistes et des experts lors d’émissions en France et en Belgique.  Exemple : Poutine cherche-t-il à reconstituer l’URSS ? Quelles ont été les promesses de l’OTAN ? L’intervention russe en Syrie était-elle opportuniste ? Quelles sont les opérations d’espionnage par la Russie ? La Russie est-elle une dictature ? Les néo-nazis en Ukraine ?

Répondant ainsi à plusieurs dizaines de questions, Jacques Baud qui fut membre du renseignement stratégique suisse et spécialiste des pays de l’Est, chef de la doctrine des opérations de la paix des Nations Unies, apporte informations, preuves, sources irréfutables qui permettent aux citoyens de mieux comprendre la complexité de cette guerre en Ukraine et ses répercussions dans le monde. Ce livre est un outil indispensable à tout journaliste sérieux, qui y trouve des références lui permettant de poursuivre lui-même sa recherche d’objectivité, en démontant les mensonges, les allégations inventées, les propagandes diverses qui nous viennent aussi bien des politiques occidentaux que des Russes et des Ukrainiens.

Son indignation ? « Qu’est-ce qui rend l’offensive russe en Ukraine plus blâmable que la guerre déclenchée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne contre l’Irak, et contre lesquels aucune sanction n’a été prise, malgré les centaines de milliers (peut-être millions) de victimes qu’elle a causées ? Les populations arabes vaudraient-elles moins que la population ukrainienne ? Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Pologne, Lituanie, Roumanie et bien d’autres ont participé à des guerres d’agression après avoir menti à la communauté internationale, ils ont torturé, massacré femmes et enfants de manière documentée et connue, avec le blanc-seing de l’Union européenne et de l’OTAN. »

Notre rôle de citoyens est d‘interpeller nos représentants politiques et d’exiger que les moyens de la paix soient privilégiés par rapport à ceux de la guerre. Pour cela, il nous faut nous informer mieux et selon les principes de base du journalisme : « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité. » (Premier devoir de la Charte de Munich : Déclaration des devoirs et des droits des journalistes).

  • Jacques Baud. « Poutine, maître du jeu ? ». Ed. Max Milo. 297 p.
  • Voici un autre livre, paru en 2018, signé par notre consœur Nina Bachkatov et qui permet de mieux comprendre qui est Vladimir Poutine :
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  • Rappel de notre article sur le contexte géopolitique actuel :

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