Venezuela : Bolton sur les pas de Kissinger ?

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Par | Journaliste |
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A droite, le Vice-président US Mike Pence et le conseiller pour la sécurité nationale John Bolton. Photo © D.R.

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Henry Kissinger fut le précurseur des Dick Cheney et autres John Bolton ayant l‘oreille des présidents étatsuniens pour organiser les coups les plus sombres de leurs politiques internationales et guerrières.Kissinger c’était évidemment le Vietnam, une tragédie pour les Vietnamiens et une défaite meurtrière pour les Américains mais aussi la cause indirecte du génocide au Cambodge. Ce qui n’a pas empêché le comité Nobel de décerner le prix de la paix à celui qui devrait être considéré comme un criminel de guerre.

Plus de 40 interventions US en Amérique latine

Après la guerre du Vietnam, Henry Kissinger fut un des principaux instigateurs des coups d’Etats et prises de pouvoir de militaires en Amérique latine, instaurant de sanglantes dictatures pour le plus grand profit des intérêts économiques étatsuniens et, avant tout de puissantes multinationale qui ont mis ce territoire en coupe réglée pendant des décennies. Le 11 septembre 1973, le président Allende en fut la victime la plus symbolique car il avait prouvé qu’un développement économique et politique était possible pour le bien de la population tout entière et pas seulement pour les classes possédantes et les intérêts étrangers. Une politique socialiste basée sur la solidarité des travailleurs et la redistribution des richesses afin de gommer les inégalités sociales : c’était inacceptable pour les conservateurs US en pleine guerre froide contre l’URSS et cachant derrière le péril communiste la crainte de perdre leurs avantages exorbitants dans l’exploitation des richesses de ce qu’on appelait alors le « tiers monde ».

L'historien John Coatsworth, professeur à Harvard, a recensé « plus de quarante interventions américaines ayant eu pour conséquence le changement de dirigeants d'un pays d'Amérique latine entre 1898 et 1994, une tous les vingt-huit mois en moyenne. Parmi elles, dix-sept interventions militaires directes et vingt-sept indirectes, pour lesquelles l'implication américaine, notamment via des groupes armés, s'est révélée décisive. », lit-on dans Médiapart. « Parmi les plus connues, le soutien du coup d’État au Chili contre le président élu Salvador Allende, le coup d’État au Guatemala soutenu par la CIA en 1994, l'intervention aux côtés des milices antisandinistes au Nicaragua, ou encore le renversement du général Noriega au Panama en 1989. », précise le journal.

L’Amérique latine selon la « doctrine Monroe » est le pré carré des intérêts étatsuniens et rien ne peut les empêcher d’en tirer tous les profits possibles et surtout pas la justice sociale. Cette doctrine est à nouveau illustrée sous la présidence de Donald Trump par son conseiller à la sécurité nationale John Bolton, un néoconservateur, partisan de la guerre en Irak et de bombardements « préventifs » contre les installations nucléaires iraniennes, souligne Médiapart. C’est John Bolton qui, le 1er novembre 2018, présentait le Venezuela comme l’un des membres de la « troïka de la tyrannie » en Amérique latine – aux côtés de Cuba et du Nicaragua –, un langage qui n'est pas sans rappeler l’« axe du mal » évoqué en 2002 par George W. Bush – il s'agissait alors de l'Irak, de la Corée du Nord et de l'Iran, explique Médiapart. On en a vu les tragiques conséquences en Irak, Afghanistan, Syrie et les menaces actuelles de guerre contre l’Iran par Israël et les Etats-Unis font craindre pire encore. 

Un pays victime de la crise du pétrole et de mauvaise gestion

En réalité, ce qui intéresse Donald Trump, c’est, comme au Moyen-Orient, le contrôle des immenses ressources pétrolières du Venezuela qui en exporte 40 % vers les Etats-Unis.  Le moment est propice car le Venezuela connaît une très grave crise économique mal gérée par ses dirigeants, Hugo Chavez en premier, Nicolas Maduro ensuite qui ont mené des politiques sociales remarquables mais n’ont pas diversifié leur économie, dépendant entièrement des ressources pétrolières alors que les prix du brut se sont effondrés en 2014. L’économie du pays s’est alors délitée ces dernières décennies et les plus riches ont quitté le pays fuyant les pénuries et les désordres politiques. Les Etats-Unis n’ont cessé de soutenir les opposants à Chavez et à Maduro, à savoir les plus classes le plus riches de la population, de droite et anticommunistes. Donald Trump a décrété des sanctions économiques contre le pays, visant à renverser le gouvernement de Nicolas Maduro. 

Plus de trois millions de Vénézuéliens ont quitté le pays depuis 2016 et la pénurie de nombreux produits de première nécessité, alimentaires, médicaments, etc., s’est aggravée. La contestation du pouvoir en place et les manifestations plus ou moins violentes se sont succédées ces dernières années.

Ces dernières semaines, l’hallali a sonné contre le régime de Nicolas Maduro avec la prise de pouvoir de Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale et qui s’est proclamé président du pays.  Un titre reconnu immédiatement par les Etats-Unis suivis par une cinquantaine d’Etats dans le monde, alors que ce même Juan Guaido n’a pas suivi la voie légale à savoir celle de élections pour obtenir la présidence.

De rumeurs de guerre contre Nicolas Maduro, venant notamment de Colombie avec l’aide du Brésil (deux Etats anti-démocratiques et entièrement inféodés aux intérêts étatsuniens) circulent avec intensité ces derniers jours.

 Bernie Sanders, sénateur du Vermont et figure de la gauche américaine, rappelle, lui que « Les États-Unis ont une longue histoire d'intervention inappropriée en Amérique latine, nous ne devons pas reprendre cette voie ». Il plaide pour « l'autodétermination » des Vénézuéliens.

L’Europe, par la voix de sa haute représentante Federica Mogherini, a établi une position claire : « Nous avons exclu de manière catégorique tout soutien de l’Union européenne ou toute acceptation à l’égard d’une escalade militaire au Venezuela ».

Le sort de ce pays est entre les mains du conseiller du président Trump John Bolton qui semble privilégier la manière forte en partant de la Colombie…

 En Belgique, de nombreux démocrates et pacifistes se lèvent pour réclamer une solution pacifique à ce conflit. Voir, ci-dessous, le texte de cet appel lancé à l’initiative de Paul-Emile Dupret, juriste, membre du Collectif Venezuela 13 Avril et du Comité pour les droits humains "Daniel Gillard". On espère que cette voix sera entendue au niveau européen.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henry_Kissinger

https://www.mediapart.fr/journal/international/270219/venezuela-bruits-de-bottes-la-maison-blanche?page_article=2

https://www.20minutes.fr/monde/2459607-20190225-crise-venezuela-union-europeenne-demande-eviter-toute-intervention-militaire

VENEZUELA : EMPECHONS D’URGENCE LA NOUVELLE GUERRE ANNONCEE !

Le Président Donald Trump a annoncé qu’il n’excluait pas une intervention militaire au Venezuela. La Colombie et le Brésil ont promis leur appui. M. Mike Pompeo vient d’annoncer que son pays allait « passer à l'action » et que les jours du Président Nicolas Maduro "étaient comptés". Nous sommes donc face à des menaces d’une nouvelle guerre qui peut enflammer toute la région, alors que l’on connaît bien le bilan désastreux des autres aventures guerrières soi-disant libératrices lancées par les Etats-Unis, avec la complicité de pays européens, en Afghanistan, en Irak, en Libye ou au Moyen-Orient, entre autres.

Pour éviter ce nouveau désastre humain et écologique, et quelles que soient les opinions des uns et des autres sur l’administration du pays par le Président Maduro et sur l’état de la démocratie au Venezuela, nous devons tout faire pour préserver la paix en exigeant le respect du droit international.

Précédées de sanctions économiques et financières qui constituent un véritable blocus, ces menaces d'intervention militaire au Venezuela, -et a fortiori la mise en œuvre de cette menace-, constituent des violations flagrantes du droit international; il n’est pas du ressort des pays tiers, en ce compris les Etats-Unis et les Etats membres de l’Union européenne, de déterminer qui doit être le Président du Venezuela. Les pays reconnaissent des Etats et non des gouvernements, et le contrôle de l’Etat du Venezuela est clairement exercé par le Président Maduro. Les Etats-Unis et l’Europe appuient du reste des gouvernements dont la légitimité est bien plus discutable que celle de M. Maduro. Pensons au Honduras, où la réélection est interdite par la Constitution et des irrégularités graves ont été constatées par l’OEA lors des dernières élections; ou au Brésil où a eu lieu un impeachment express et donc illégal contre Mme Dilma Rousseff, présidente élue, ainsi qu’un procès monté de toutes pièces contre M. Lula da Silva, pour l’empêcher de se porter candidat à la présidence, alors que les sondages le donnaient gagnant.

Des canaux existent pour réclamer le respect des droits humains et l’amélioration de la démocratie dans les pays tiers. L’Union européenne était engagée dans de tels processus avec le Venezuela, mais sa position commune a été spectaculairement renversée en trois jours (entre le 23 et le 26 janvier 2019) sous l’influence de l’administration du Président Trump et sa reconnaissance aventureuse du député Juan Guaido qui s’est auto-proclamé président du Venezuela. Personne de sensé ne peut croire que l’action des Etats-Unis est motivée par une préoccupation sincère pour les droits humains, la démocratie, ou la situation économique et sociale des Vénézuéliens. Les déclarations de M. Bolton, conseiller à la sécurité nationale du président des États-Unis, prouvent qu’il s’agit avant tout de mettre la main sur les réserves de pétrole, de coltan, d’or et autres métaux rares que renferme le sous-sol de ce pays. La politique de défense des droits humains et de la démocratie de la Belgique et de l’UE ne peut conserver sa crédibilité que si elle ne se traduit pas par une approche à géométrie variable, appliquant deux poids deux mesures. A ce sujet il serait par exemple urgent d’enclencher la clause démocratique pour suspendre l’application provisoire du traité de libre-échange entre l’Union européenne et la Colombie, puisque dans ce pays il y a plus de 80.000 disparus, plus de 8 millions de paysans déplacés, et parce plus de 400 représentants des mouvements sociaux et 80 anciens guérilleros ont été assassinés depuis la signature des accords de paix entre le gouvernement et les FARC.

Monsieur Juan Guaido, député du parti d’extrême-droite Volonté populaire, est devenu député à l'Assemblée nationale lors d’élections organisées sous le gouvernement de M. Maduro. Il a ensuite été élu président du Parlement. Mais cela ne fait pas de lui le président du Venezuela. L’article 233 de la Constitution du Venezuela prévoit que le président de l'Assemblée nationale remplace le président de la République dans des cas très précis : en cas d’abandon de fonction, de décès, ou d'incapacité du président constatée par la Cour suprême. Ce n’est pas le cas. Si de telles circonstances devaient survenir, permettant au président de l'Assemblée nationale d'assurer par intérim la fonction de chef de l'Etat, M. Guaido devrait obligatoirement convoquer des élections dans les 30 jours, ce qu’il n’a pas fait à la suite de son auto-proclamation comme Président.

Le gouvernement du Venezuela reconnaît qu’il passe par une situation économique difficile qui affecte gravement le bien-être de la population, et qui est due en grande partie à la chute spectaculaire du prix du pétrole et au blocus économique. Le prétexte de l’aide humanitaire ne doit en aucun cas être utilisé, -comme le font les Etats-Unis et la Colombie en ce moment-, comme moyen pour déstabiliser le gouvernement du pays que l’on prétend aider. La Comité international de la Croix-Rouge s’est prononcé clairement à ce sujet. Si l’on veut vraiment aider le Venezuela, il faut restituer à ce pays 1,6 milliards d’euros dérobés par la chambre de compensation EUROCLEAR basée à Bruxelles (impliquée aussi dans le vol des fonds libyens), ainsi que 1,2 milliards de dollars en réserves d’or du Venezuela volés par la Banque d’Angleterre au Venezuela, et les plus de 30 milliards de dollars provenant des comptes bancaires et des avoirs de l’Etat du Venezuela et des sociétés vénézuéliennes PDVSA et CITGO qui ont été récemment dérobés par les Etats-Unis.

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Nous appelons les démocrates belges et européens de tous bords, à tout mettre en œuvre et à se mobiliser pour éviter cette nouvelle guerre qui serait dévastatrice, en exigeant le respect du droit international et de la souveraineté des Etats, et à exiger que cesse immédiatement le blocus -économique et financier- qui frappe le Venezuela, afin de permettre au gouvernement de ce pays de subvenir rapidement aux besoins urgents de la population.

https://www.levif.be/actualite/international/venezuela-empechons-d-urgence-la-nouvelle-guerre-annoncee/article-opinion-1100417.html

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